La Côte d’Ivoire encadre les prix des denrées alimentaires

Pour limiter l’inflation, Abidjan a décidé de plafonner les prix de certains produits de grande consommation, selon un arrêté interministériel daté du 16 novembre.

Par  - à Abidjan
Mis à jour le 18 novembre 2022 à 18:25
 

 

 raaga

 

Le marché Cocovico à Angré, Abidjan, le 16 mars 2022. © ISSOUF SANOGO/AFP

 

Le riz, le sucre, le concentré de tomate, le lait, les pâtes alimentaires, l’huile de palme raffinée et la viande de bœuf : c’est la liste des produits du quotidien auxquels le gouvernement vient de fixer un prix maximum, par un arrêté du 16 novembre signé par le ministre de l’Économie et des Finances, Adama Coulibaly, celui du Commerce, de l’Industrie et de la Promotion des PME, Souleymane Diarrassouba, et celui du Budget et du Portefeuille de l’État, Moussa Sanogo.

Chez les détaillants, le prix du sachet de sucre blanc est limité à 820 francs F CFA maximum le kilo à Abidjan, le paquet de 200 grammes de spaghettis Maman à 225 francs et le bidon de 10 litres d’huile de palme raffinée à 10 600 francs. Certains prix varient peuvent varier selon les régions.

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Cet arrêté reconduit approximativement les mêmes tarifs pour les mêmes denrées fixés en juin, pour une période de trois mois. Il se base sur la liste des produits et services soumis à la réglementation de la concurrence, et sur les prix déterminés en mars dernier en accord avec les industriels, les organisations des importateurs et des commerçants.

Syndicats en ordre dispersé

« La situation au niveau international tels que la crise du Covid-19, celle en Ukraine, la hausse du cours du dollar, l’augmentation du coût du fret qui expliquaient des hausses de prix, sont toujours d’actualité. Mais depuis le mois de juin, il n’y a pas eu d’effet amplificateur. Il n’y avait donc pas d’explication objective qui puisse justifier une hausse des prix plafonnés », estime Ranie-Didice Bah-Koné, secrétaire exécutive du Conseil national de lutte contre la vie chère (CNLVC) créé en 2017 par le gouvernement.

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L’article 2 de l’arrêté rappelle que des sanctions sont prévues pour les contrevenants aux lois sur la concurrence. Ces derniers mois, le CNLVC a renforcé les contrôles sur le terrain pour vérifier l’application effective des plafonds, respectés à 90 % selon les estimations officielles. C’est l’une des raisons avancée par la Fédération nationale des Acteurs du Commerce de Côte d’Ivoire (FENACCI) qui projetait une fermeture des espaces marchands sur toute l’étendue du territoire à compter du lundi 14 novembre. La FENACCI dénonce aussi des « impôts excessifs ».

Ce mot d’ordre de grève n’aura finalement pas été suivi, les acteurs du milieu étant divisés sur la question. L’Assemblée Permanente des Organisations Professionnelles des commerçants de Côte d’Ivoire (AP-OPCI), qui regroupe une cinquantaine d’associations, s’est désolidarisée de la grève et les marchés et commerces sont restés ouverts. « Nous ne sommes pas sans ignorer que le monde, et plus particulièrement les pays vulnérables que nous sommes, traversent une crise sans précédent liée à l’augmentation générale des prix des biens et services. Tous les pays sont touchés. Alors que le gouvernement travaille d’arrache-pied pour contenir les répercussions d’une telle crise sur notre économie, nous, Organisations Professionnelles des commerçants de Côte d’Ivoire, estimons qu’on ne peut pas se battre au chevet d’une mère malade. C’est pourquoi, nous appelons nos camarades de la FENACCI à privilégier l’intérêt général au détriment de l’intérieur personnel », avait déclaré le porte-parole de l’AP-OPCI, Oumarou Traoré, lors d’une rencontre avec le ministère de l’Industrie et du Commerce, le 11 novembre.

500 milliards de subventions sur le carburant

À l’exception du Bénin, les pays de l’Uemoa font face à une importante inflation. L’organisation établissait un taux d’inflation moyen annuel de 6,4 % au mois d’août, dans une note d’analyse parue en octobre. « En effet, l’inflation moyenne annuelle est supérieure à 3 % dans la quasi-totalité des États membres de l’Union. Ainsi, par ordre décroissant, les taux d’inflation sont de 11,5 % au Burkina Faso, 8,3 % au Mali, 6,9 % au Togo, 6,7 % en Guinée-Bissau, 6,4 % au Sénégal, 5 % en Côte d’Ivoire, 4,5 % au Niger et 1,9 % au Bénin. »

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En Côte d’Ivoire, comparativement à août 2021, cette inflation est principalement accentuée par la hausse des prix des produits alimentaires et des boissons non alcoolisées (10,8 %), du logement, eau, électricité, gaz et autres combustibles (5,5 %), du transport (7,9 %) et des restaurants et hôtels (6,7 %).

« Très tôt, le gouvernement ivoirien a réagi. Les premières mesures de lutte contre la vie chère ont été prises dès le début du mois de mars alors que la guerre en Ukraine a commencé fin février. Il y a eu des efforts financiers sur les hydrocarbures, la suspension du droit de douanes sur l’importation de blé ou de produits issus de la farine de blé et plus de 2 milliards de francs CFA de subventions sur le vivrier. En plus de cet accompagnement financier, il a prévu une mise à disposition de matériel agricole, de semences, d’engrais, etc. », détaille la secrétaire exécutive du CNLVC.

Dans son message à la nation à l’occasion du 62e anniversaire de l’indépendance de la Côte d’Ivoire le 6 août dernier, Alassane Ouattara a chiffré la subvention de l’État pour le carburant depuis le début de l’année 2022 à environ 500 milliards de F CFA. « Je peux vous dire que c’est grâce à cette subvention de l’État que les prix des produits pétroliers en Côte d’Ivoire figurent parmi les plus bas de la sous-région », s’était-il réjoui.

L’autre stratégie du gouvernement concerne la promotion de la consommation de produits locaux et de saison auprès des Ivoiriens. Depuis le mois d’octobre, une campagne a été lancée. Elle invite notamment à découvrir des pains fabriqués à base de farines locales, pour sortir de la dépendance du blé.