Zohra, musulmane, marchera pour le climat dans « le cortège des convictions » 

Cette mère de famille, qui tente de suivre, au quotidien, « un modèle d’éco-spiritualité », a été séduite par cette initiative interreligieuse présente dans plusieurs défilés, ce samedi 12 mars.

  • Sixtine Lerouge, 
Zohra, musulmane, marchera pour le climat dans « le cortège des convictions »
 
Une marche pour le climat, à Amiens (Somme), le 22 janvier 2022.MANON CRUZ/LE COURRIER PICARD/MAXPPP

Le débit de parole de Zohra Abib-Boulif traduit la passion qui l’anime : l’islam et l’écologie. Et pas question de séparer les deux. Le lien entre religion et environnement, elle l’a fait depuis longtemps. Samedi 12 mars, c’est sous ces deux bannières qu’elle prendra part à la marche pour le climat de Paris au sein du « cortège des convictions ». L’initiative est une première, portée par un large panel d’associations et d’organisations de confessions diverses.

Zohra ne s’en cache pas, sa dernière manifestation pour le climat remonte à « trois ou quatre ans »« Je vais plus souvent à celles pour la justice sociale », précise cette mère de deux enfants adultes. Mais cette année, l’aspect interreligieux proposé par le cortège l’a séduite. « C’est surtout ça que je veux défendre », appuie-t-elle, convaincue que « la religion a un rôle à jouer » si les responsables religieux s’emparent des questions environnementales.

Étudier le lien entre islam et environnement

Une idée qu’elle a poursuivie en intégrant le programme de formation interreligieux Emouna de Sciences Po Paris en 2021. Au fil de ses échanges avec d’autres croyants de confessions différentes, sa conviction est d’autant plus ancrée : « Les textes de chaque religion foisonnent de passages sur l’environnement. » Elle-même a découvert cette richesse en étudiant les textes de l’islam « en long, en large et en travers ». Un désir né de sa reconversion professionnelle d’ingénieure dans les énergies renouvelables à aumônière des hôpitaux.

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Mais « on n’oublie pas nos expériences antérieures, souligne Zohra. Donc j’ai commencé à regarder ce que disait le Coran au sujet de l’environnement. » Elle découvre une profusion de textes dont la lecture incite à un comportement « respectueux » de l’environnement. À commencer par le verset sur le rôle de Khalifa (vicaire) donné à l’homme : « Nous sommes dépositaires de la terre. Nous devons lui témoigner notre respect et lutter contre les actes immoraux envers l’ensemble de la création. »

Si l’environnement n’a pas toujours été une priorité, à un moment, « il y a toujours quelque chose qui dérange la conscience ». Son déclic a lieu au début des années 2000. Encore ingénieure, elle développait alors le réseau téléphonique en Afrique. Sur place, le manque d’énergie et le « gaspillage » du mode de vie occidental, entraîné par « nos habitudes de surconsommation », lui sautent aux yeux.

« Actions concrètes de terrain »

Zohra entame une première conversion dans les énergies renouvelables, « sans savoir où j’allais, mais convaincue de ce que je faisais ». Avec l’aide d’une association, elle s’investit sur le continent africain pour développer des formations à destination des habitants, afin de les aider « à développer leur propre énergie ».

Désormais aumônière musulmane dans un hôpital francilien, elle a conservé de cette expérience son goût pour les « actions concrètes de terrain ». Persuadée de leur efficacité, Zohra s’applique à faire bouger les choses au sein de sa communauté.

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Pour le Ramadan, qui commence en avril prochain, « j’ai proposé que l’on remplace les bouteilles d’eau (pour la rupture du jeûne) par des gourdes dans la mosquée ». Elle a aussi développé une proposition de « Ramadan vert », envoyée à plusieurs acteurs de la communauté musulmane, détaillant dix bonnes actions pour éviter le gaspillage pendant cette période. Et rappelle que « le Prophète ne nous a jamais dit de consommer comme des fous furieux ».

« Quand on arrête de gaspiller, c’est pour partager »

À son échelle, Zohra tente de faire ce qu’elle peut, en suivant au mieux ce qu’elle nomme un « modèle d’éco-spiritualité » musulman. Exigeante, elle « ne (se) ne donne pas pour autant dix sur dix ». Pour se réfréner, elle se demande souvent : « Est-ce que tu en as vraiment besoin ? »

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Une question qu’elle pose aussi à ses enfants, dès que l’occasion se présente, jusqu’à suivre sa fille dans les rayons des magasins, en lui ressassant ce verset : « Les gaspilleurs sont les frères du diable. »

Elle en rit, mais sa logique est que « quand on arrête de gaspiller, c’est pour partager ». Partager la terre, avec ses contemporains et les générations à venir. Samedi, Zohra, fidèle à ses idées, marchera auprès des croyants, « pour le climat et la mobilisation interreligieuse ».