Guinée: l'histoire méconnue du pénitencier de l'Afrique-Occidentale française à Fotoba [1/2]

 
 

Au large de Conakry, l’archipel des îles de Loos est un décor de carte postale. Plantée de manguiers, Fotoba est la plus sauvage de toutes. À l’ombre de ses arbres centenaires, pourtant, se dévoile le passé tragique de l’île. Entre 1905 et 1955, au pénitencier de Fotoba, certaines des grandes figures de la lutte anti-coloniale y furent détenues. Les insulaires tentent aujourd’hui de faire connaître cette histoire douloureuse. 

De notre correspondant à Conakry,

En ce dimanche de novembre, un petit groupe de touristes, essentiellement des étrangers, visitent le site avec un guide. Il y a aussi des notables du village… Thomas Gabriel Wright est le trésorier de l’Union pour le développement des îles de Loos, l’UDIL.

Son nom de famille « Wright » est un héritage de la période britannique. Les îles de Loos ne passent sous domination française qu’en 1904. À peine installées, les nouvelles autorités y font construire un pénitencier. Les bagnards faisaient « des travaux forcés. Ils ont fait pas mal de choses : constructions, travaux dans les champs... », dit-il.

Les allées de manguiers plantés rappellent que, durant un demi-siècle, des prisonniers de toute l’Afrique-Occidentale française ont été amenés ici. La prison est alors conçue comme un outil de gestion coloniale. Elle offre une main-d’œuvre quasi gratuite pour exploiter le territoire conquis. 


« Ils étaient attachés toute la journée au soleil »

« L’histoire du pénitencier est très difficile », dit Ibrahim Bangoura, un enfant du pays. Il est instituteur sur l’île. « C’était un endroit ou des prisonniers récalcitrants étaient punis. Ils étaient attachés toute la journée au soleil », indique l’instituteur.

En face se trouve la cellule d’un illustre prisonnier guinéen : le Ouali de Gomba, détenu ici au début du XXe siècle. « Il a été un résistant, il n’a pas accepté la pénétration coloniale », raconte-t-il devant la cellule qui fait à peine 1,80 m sur 2 m, et aux murs de 40 centimètres.

Développer le tourisme mémoriel pour aider l’île

Cette histoire très sombre est devenue aujourd’hui pour les habitants une source d’espoir : développer le tourisme mémoriel pour aider l’île à s’extirper de la marginalisation. Il n’y a ni électricité ni eau courante sur Fotoba.    

« Ce n’est pas connu. C’est pour cela que nous voulons maintenant vendre notre image. Nous cherchons à nous rattraper. Nous tendons la main, tout le monde peut nous visiter. Ça nous arrangera... », espère Thomas Gabriel Wright.

L’ancien gouverneur de Conakry a lancé il y a quelques années des travaux de réhabilitation. Les notables du village espèrent que les nouvelles autorités seront dans la même dynamique, pour valoriser le potentiel touristique des îles de Loos et assurer le devoir de mémoire.