La France ouvre en avance les archives judiciaires nationales sur la guerre d’Algérie
Publié le : Modifié le :
La France va ouvrir « avec 15 ans d'avance » ses archives sur les enquêtes judiciaires de la guerre d'Algérie, entre 1954 et 1962. Une annonce faite par Roselyne Bachelot, la ministre française de la Culture alors que la relation franco-algérienne est en crise depuis des mois.
Les historiens attendent encore d'avoir le texte sous les yeux, pour en comprendre toute sa portée. Quels fonds et quelles cotes seront concernées par cet arrêté, qui n'a pas été encore publié ?
A priori, cette annonce vise toutes les procédures judiciaires ouvertes par la police et la gendarmerie, en métropole comme sur le sol algérien, entre 1954, début de la guerre et 1966, soit quatre ans après les accords d'Évian. Sont donc concernés aussi bien les crimes commis par ceux qui souhaitaient l'indépendance de l'Algérie, que ceux qui la combattaient. L'OAS, l'organisation terroriste pro-Algérie française, avaient poursuivi ces actions après le cessez-le-feu.
Un délai réduit de 15 ans
Il sera par exemple possible d'accéder à des documents comme le suivis du parcours de prisonniers, les enquêtes pour disparitions, mais aussi les procédures menées par les juridictions d'exception comme les tribunaux militaires. Jusque-là pour avoir accès à ces archives, il fallait demander une dérogation, au risque de se la voir refuser, car leurs délais de publication était de 75 ans. Ce délai est ainsi réduit de 15 ans.
« Je veux que sur cette question – qui est troublante, irritante, où il y a des falsificateurs de l'histoire à l'œuvre – je veux qu'on puisse la regarder en face. On ne construit pas un roman national sur un mensonge », a affirmé sur BFMTV la ministre. « C'est la falsification qui amène toutes les errances, tous les troubles et toutes les haines. À partir du moment où les faits sont sur la table, où ils sont reconnus, où ils sont analysés, c'est à partir de ce moment-là qu'on peut construire une autre histoire, une réconciliation », a-t-elle poursuivi.
Tensions entre la France et l'Algérie
Cette déclaration intervient deux jours après la visite à Alger du chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian. Les relations entre Paris et Alger avaient subi un sérieux coup de froid, après la publication d'un entretien dans lequel le président Emmanuel Macron s'interrogeait sur l'existence d'une nation algérienne, avant la colonisation française.
Les relations sont ensuite devenues glaciales après la diffusion de propos tenus par le président français accusant le « système politico-militaire » algérien d'avoir réécrit l'histoire de la colonisation dans « la haine » de la France. Des propos qualifiés de « très graves » par le président algérien Abdelmadjid Tebboune, après cet épisode, l'Algérie a fermé son espace aérien aux avions militaires français de l'opération Barkhane au Mali, et rappelé son ambassadeur pour consultation. Le président français a ensuite fait part de ses « regrets » devant la polémique engendrée et s'est dit « fortement attaché au développement » de la relation bilatérale.
Des historiens méfiants après les décisions divergentes du gouvernement
« On a des choses à reconstruire avec l'Algérie, elles ne pourront se reconstruire que sur la vérité », a estimé la ministre de la Culture, qui a dans son périmètre la question des archives. Une politique de réconciliation mémorielle qui progresse : le 13 septembre 2018, la France reconnaissait que la disparition du mathématicien et militant communiste Maurice Audin, en 1957 à Alger, était le fait de l'armée française et promettait à sa famille un large accès aux archives.
Mais les historiens sont encore méfiants. Ils ont en mémoire, le décret de 2020 qui renforçait le secret-défense, malgré les promesses d'Emmanuel Macron. Ils ont finalement obtenu gain de cause, en juin, devant le Conseil d'État. Certains y voient donc un geste d'apaisement et de volonté de transparence.
►À lire aussi sur RFI connaissances : Algérie, la longue route vers l'indépendance