Mali: l'inquiétude et les questions des ONG suspendues par le gouvernement

 
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Au lendemain de l'annonce par le Mali de la suspension des activités des ONG qui bénéficient de financements français, les ONG concernées pour comprendre ce qu'il va advenir de leurs programmes. 

À Paris comme à Bamako, c'est branle-bas de combat. La suspension « à effet immédiat » des activités des ONG bénéficiant de financements français concerne non seulement celles qui travaillent dans le développement, mais aussi celles qui œuvrent pour l'aide humanitaire. L'annonce faite par un communiqué signé du Premier ministre par intérim, le colonel Abdoulaye Maïga, intervient quelques jours après que la France a elle-même suspendu son aide publique au développement en direction du Mali.

Le gouvernement malien indique dans son communiqué avoir pris sa décision en conformité avec les principes de la transition : défense de la souveraineté nationale, des choix stratégiques du Mali et des intérêt vitaux du peuple malien.

Désormais, les réunions s'enchaînent aux sièges et antennes locales des ONG concernées. « Nous n'avons pas tout laissé tomber d'un coup ce matin, explique une source chez une coordination humanitaire. Pour le moment, nous sommes en concertations et essayons de comprendre ce que cette suspension implique. » 

De nombreuses questions en suspens

Le communiqué malien laisse de nombreuses questions en suspens. D'abord, il faut comprendre si ce sont les activités de certaines ONG financées par la France qui sont concernées ou bien les ONG dans leur ensemble. Car les financements humanitaires sont complexes et les organisations peuvent bénéficier de plusieurs bailleurs différents. 

Un expert explique que seuls les financements d'institutions françaises sont concernés comme l'AFD ou le Centre de crise et de soutien du ministère des Affaires étrangères. Il se demande néanmoins si l'administration malienne dispose déjà de toutes ces informations pour une mise en œuvre immédiate de la suspension.

Quoi qu'il en soit, les conséquences de cette décision pourraient être très lourdes pour la population malienne. Dans une lettre ouverte adressée au président français la semaine dernière, un collectif d'ONG rappelait que 7,5 millions de Maliens ont besoin d'aide humanitaire, soit plus de 35 % de la population. La France a indiqué « regretter » la décision des autorités, évoquant une « décision qui intervient malheureusement au détriment de la population malienne ».

L’opposition du Cadre « regrette » une décision qui pénalisera « le peuple malien »

Mais pour les partis du Cadre, rassemblant l’opposition à la transition en cours, ce n'est pas la France, accusée par Bamako de vouloir déstabiliser et isoler le Mali, que cette décision pénalise, mais les Maliens eux-mêmes. Il s’agit d’« une décision regrettable », résume l'ancien ministre Amadou Koita, président du PS-Yelen Koura et porte-parole du Cadre, interrogé par notre journaliste du service Afrique, David Baché :

C'est une décision regrettable, qui va causer beaucoup de tort au peuple malien. L'appui français permet de financer des dizaines d'ONG et d'associations, qui touchent également des milliers et des milliers de nos compatriotes, dans pratiquement toutes les régions du Mali, surtout celles qui sont affectées par la crise sécuritaire. Et cela concerne beaucoup de secteurs : agricole, sanitaire, l'éducation...

Le Cadre des partis d'opposition demande aux autorités de transition de changer de posture, vis-à-vis de la France et de l'ensemble des partenaires internationaux du Mali, insiste Amadou Koita :

Nous appelons à la désescalade, nous appelons nos hautes autorités à renouer le dialogue. Le Mali et la France ont un passé (commun - NDLR). Nous devons savoir aujourd'hui que le seul ennemi que nous avons, ce sont les terroristes. Donc aujourd'hui le Mali a besoin de beaucoup d'amis, nous devons renforcer nos amitiés avec tous nos partenaires. Il peut y avoir des moments d'incompréhension, mais nous devons les surmonter et aller à l'essentiel. Pour le bénéfice de nos populations et la stabilité de notre pays.

Sollicitées par RFI, plusieurs organisations qui soutiennent les autorités de transition n'ont pas souhaité s'exprimer sur ce sujet. En attendant de voir plus clair, presque aucune organisation n'a souhaité faire part de ses craintes à RFI.