Alphonse BORRAS,
Quand LES PRETRES viennent à manquer,
Repères théologiques et canoniques en temps de précarité,
Médiaspaul 2017 – 203 pages – 17 €

Avec ce livre, Alphonse Borras, prêtre belge du diocèse de Liège, nous invite à un regard lucide sur le manque de prêtres au service des communautés chrétiennes. Pour lui, il ne faudrait pas stigmatiser ce manque. Car cela a été et est toujours encore une caractéristique permanente de notre Eglise. Face à la grandeur sans limite de l’amour de Dieu, nous serons toujours « en manque ». Et c’est « du cœur de ce manque qu’il nous faut communiquer l’Evangile. » (p.12) Il nous faut donc habiter ce manque qui est une interpellation pour notre foi, un chemin vers une spiritualité pascale pour traverser et assumer la situation.

Comment habiter ce manque ? Nous le savons, il nous faut des prêtres. Mais pour quelle mission ? demande l’auteur avec insistance (p. 47 et 194) S’agira-t-il d’attribuer des compétences qui permettront à d’autres de conférer les sacrements ? (p.43) L’auteur répond à cette question dans son chapitre 2, sur les repères théologiques. Il nous invite à ne pas considérer la prêtrise comme une fonction au service de la communauté mais comme un « être, une existence ». Nous sommes face à un sacerdoce d’existence plus radical qu’un sacerdoce de fonction (p.61). Le prêtre et tout ministre ordonné « représentent l’apostolicité du ministère ». Et c’est le curé qui peut inscrire ministères et services (des laïcs) dans l’apostolicité de l’Eglise (p. 81 & 92). Nous devons éviter une « dérive fonctionnaliste de communautés obnubilés par leur survie (p.88). Toute communauté doit vivre le mystère pascal, par « de nouvelles naissance ou renaissance dans la foi » (p. 90)

L’Eglise étant là où sont les baptisés, la paroisse est là où sont les paroissiens ! (p.64) mais nous devons le reconnaître, il y a une crise de la paroisse (p.104). Cependant, si la paroisse de type rural est en déclin, il y a d’autres réalités ecclésiales qui émergent, de nouvelles communautés qui se forment et qui peuvent devenir d’authentiques lieux d’Eglise (p.100 & 108). Il nous faut donc articuler une véritable communion entre ces différentes réalités, non pas en vue d’une administration plus efficace mais pour un meilleur rayonnement et vitalité de chacune de ces communautés. (p.110)

Le chapitre 4 veut envisager les cas de « précarité absolue en prêtres ». L’auteur nous lance alors un avertissement solennel : « Attention au risque de désacramentalisation de la direction ou de la conduite de l’Eglise » ou encore « l’érosion de la compréhension sacramentelle du ministère de présidence » (p.159). Pour pallier à ces éventualités, il envisage alors des solutions possibles :

Appel à des prêtres venus d’ailleurs. En une dizaine de pages, il souligne les problèmes éventuels que pourraient rencontrer les communautés locales, comme les prêtres allochtones. Parmi ceux-ci, il note : l’attention à la mémoire de l’Eglise locale, l’esprit démocratique, l’unité du presbyterium. L’auteur touche un peu trop brièvement un point important qui aurait besoin d’approfondissement. On pourra déjà consulter avec profit le « Document Episcopat n.1/2 – 2017 », intitulé ‘Les prêtres venus d’autres pays – typologies et enjeux’.

Une autre solution serait l’ordination des « viri probati » parmi lesquels les diacres permanents ont déjà une place de choix. Ceux-ci ont une triple fonction : Parole – Liturgie – Charité. En tant que tel, ils ne sont pas ordonnés comme Berger. Si donc on leur demande de prendre en charge la pastorale, il serait mieux de les ordonner prêtres. Il nous faut prendre garde de ce que l’auteur nomme « l’attraction de l’autel » qui nous ferait regarder les diacres comme des prêtres incomplets (p.175).

Concernant les « viri probati » non déjà diacre, on pourrait abolir le célibat ; mais souligne l’auteur « faudrait-il voir si tout le recommande ». Cela pourrait créer un préjudice à l’unité de l’Eglise, ce serait brader ou rejeter un acquis précieux. On peut alors admettre qu’il ne serait ni heureux ni opportun de remettre en cause la discipline commune (p.184). Malgré tout, en réponse aux besoins de l’Eglise (et non aux requêtes personnelles) on pourrait admettre des exceptions s’il y a urgente nécessité et évidente utilité (p. 185).

Alphonse Borras n’apporte pas de solutions précises. Mais il nous présente des éléments de réflexions en vue d’une solution. En cela, la lecture de son livre est très éclairante et fructueuse. Il nous interpelle dans notre foi. Il interpelle aussi plus spécialement les congrégations missionnaires qui peuvent contribuer à un meilleur accueil de ces « prêtres venus d’ailleurs » (ou d’autres pays) qui ne devront jamais être des « bouche-trous » ou des supplétifs mais de véritables partenaires dans un témoignage sacerdotal commun.

La conclusion du livre (p. 201 à 205) nous oriente vers l’avenir :

  • « Avec peu ou pas de prêtres, qui soutiendra l’élan missionnaire des catholiques ? – Il est difficile, éprouvant d’habiter le présent – Le futur est de soi à venir – Il nous sera donné en son temps. »
  • « La foi est un acte de confiance sans cesse à reprendre – Avoir le courage de l’avenir. »

Gilles Mathorel, M.Afr.  (article paru dans Petit Echo n° 1084)