Crise au Burkina: un projet d'accord présenté ce dimanche matin
La médiation de la Cédéao, qui s'active depuis vendredi midi dans la capitale du Burkina Faso pour trouver une issue à la crise, a fixé rendez-vous ce dimanche matin à 10 heures, heure locale, à l'hôtel Laico de Ouagadougou. Un protocole d'accord aurait été trouvé pour remettre la transition sur les rails. Macky Sall, le président sénégalais et Thomas Boni Yayi, le président béninois ont rencontré tous les acteurs de la vie politique burkinabè. Cette nuit encore le général Gilbert Diendéré, chef des putschistes, est revenu s'entretenir avec Macky Sall.
avec notre envoyé spécial à Ouagadougou,Guillaume Thibault
Il est minuit et le silence règle sur la ville. Couvre-feu oblige, l’hôtel Laico où se tiennent les discussions a été déserté. Et un convoi arrive : Gilbert Diendéré sort d’un imposant 4x4 et file dans les étages où Macky Sall a installé son QG.
Une séance de travail nocturne s’engage alors : elle va durer plus de deux heures. Le président sénégalais a également convié Kadré Désiré Ouedraogo, le président de la Commission de la Cédéao et Mohamed Ibn Chambas, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour l’Afrique de l’Ouest. Rien n’a filtré de ces nouveaux pourparlers mais il est désormais clair que la médiation élabore la version initiale d’un projet d’accord qui sera présenté ce dimanche matin à toutes les parties.
Les points discutés
Plusieurs points cruciaux sont sur la table, notamment le retour à l’ordre constitutionnel qui pourrait passer par la réinstallation du président Kafando à la tête de la transition. Il ne peut se dérober à l’appel de la Nation nous dit-on dans son entourage. La présidentielle, prévue le 11 octobre prochain, sera-t-elle maintenue ou reportée ? Un délai d’un mois maximum a été évoqué. Qui va y participer ? Les membres des partis exclus des échéances électorales seront-ils réintégrés ? Autre élément clé : l’avenir du régiment de sécurité présidentielle : la dissolution exigée par certains depuis des mois sera-t-elle mise à nouveau sur la table ? Les putschistes vont-ils demander l’amnistie après ce coup d’Etat ? La volonté de séparer l’armée de la vie politique sera sans aucun doute au cœur des négociations.
Prochain sommet de la Cédéao
Hier soir, avec la rapide conférence de presse surprise du président béninois, Boni Yayi, co-médiateur de la crise burkinabè annonçant « une bonne nouvelle pour le Burkina », l’optimisme semblait de retour. De son côté, le président sénégalais Macky Sall a annoncé qu'un nouveau sommet extraordinaire de la Cédéao serait convoqué en urgence. Sans doute à Abuja, la capitale du Nigeria.
Rappelons que dix personnes sont mortes dans les affrontements qui ont suivi le coup d'Etat de mercredi dernier, lorsque des militaires du Régiment de la sécurité présidentielle ont investi le conseil des ministres. Les militaires putschistes n'ont pas hésité à tirer à balles réelles sur les manifestants qui protestaient contre l'arrêt du processus de transition. Le centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo de Ouagadougou est débordé d'autant plus que les syndicats ont lancé un mort d'ordre de grève générale en réponse au coup d'Etat.
La rue burkinabè est soulagée, mais maintient la pression
Dans la capitale burkinabè, la vie semblait retrouver tranquillement son cours, malgré une présence militaire importante. Mais beaucoup demandent désormais des comptes, et dans le reste du pays, la rue ne décolère pas, même après le mea culpa du leader des putschistes.
À Ouagadougou, la vie semble avoir retrouvé son cours, après une totale paralysie des commerces et des institutions. Depuis ce mercredi matin, il y a de longues files d’attente devant les guichets de banque. Les stations-service recommencent à servir le carburant. Même si le marché central de Ouagadougou n’a pas rouvert ses portes, les commerçants, autour du marché et sur les bas-côtés des grandes artères de la capitale, ont ressorti les marchandises de leurs boutiques.
Les marchés secondaires situés dans les quartiers grouillaient de monde autour de cette journée. La circulation revient petit à petit à la normale. Beaucoup de véhicules circulent d’ailleurs au centre-ville, contrairement aux derniers jours. Même si les Ouagalais se plaignent de leur situation financière, certaines personnes ont fait un tour dans les marchés pour s’approvisionner pour la fête de la Tabaski de demain.
La fête de la Tabaski gâchée par la crise à Ouagadougou
Diendéré doit « se rendre à la justice »
Selon notre correspondant, malgré les signes de reprise de l’activité économique, les signes de la crise sont toujours perceptibles dans la capitale. Un grand périmètre de sécurité est toujours dressé autour de l’état-major des armées et du camp Guillaume Ouédraogo de Ouagadougou, par les forces armées. On a vu également des soldats postés à des endroits de la ville également. « Les choses retournent effectivement à la normale [et] ce soir, l’armée régulière a repris le contrôle de la ville , confirme Guy Hervé Kam, porte-parole du Balai citoyen,
Mais selon lui le mea culpa du général Diendéré ne passe toujours pas. « Le plus grand bien qu’il puisse faire au peuple burkinabè, c’est de se rendre à la justice », affirme-t-il, ajoutant que tant que cela ne serait pas fait, « le peuple burkinabè ne croira pas un seul mot de ce qu’il dit. »
Un point de vue partagé par un grand nombre de citoyens à travers le pays, qui veulent continuer à maintenir une pression populaire. C’était en effet le mot d’ordre dans les principales villes ce soir. Certes le rétablissement de Michel Kafando à la tête de la transition a été accueilli avec « soulagement », mais elle n’a pas donné lieu à une « effusion de joie » confiait ainsi un représentant syndical de Dédougou, encore très remonté. Pour lui comme pour beaucoup, tant que le RSP ne sera pas totalement démantelé et que les responsables du coup d'Etat à commencer par le général Diendéré ne seront pas arrêtés et jugés, la lutte continuera.
À Koudougou, une ville située 100 km à l'ouest de Ouagadougou, la mobilisation est également maintenue pour continuer de réclamer la dissolution pure et simple du RSP et l'arrestation du général Diendéré, a annoncé Tambi Kagambega, chargée de communication de la coordination provinciale des résistances citoyennes de Koudougou.
Reportage: retour sur la journée de «remise en selle» de Michel Kafando 24/09/2015 - par Olivier Rogez
Barricades
A Fada Ngourma également dans l'est, ou encore à Kadougou, à l'ouest de Ouagadougou, on pouvait encore voir des barricades en fin d'après-midi. Et les responsables de la mobilisation appellent à de nouveaux rassemblements jeudi, en attendant de voir ce qu'il va sortir du Conseil des ministres qui doit se tenir. Même en ce jour d'importante fête religieuse musulmane, à Tenkodogo, les manifestants ont prévu de prendre leur repas ensemble demain, après la prière, place de la Révolution.
À Bobo Dioulasso, la grève générale continue. Un noyau dur de manifestants est toujours présent sur la place Tiéfo Amoro nous explique Idrissa, un habitant présent. « La mobilisation continue, mais pas comme les autres jours, témoigne-t-il. Elle a un peu faibli, à la suite des différentes nouvelles que les manifestants ont reçues. » Les préparatifs de la Tabaski ont par ailleurs débuté, et la ville tourne toujours au ralenti. « Mais les syndicats ont maintenu leurs mots d’ordre de grève jusqu’à lundi, poursuit Idrissa. On n’a pas démobilisé totalement. » Ce qui risque de fâcher la population conclut-il, c'est la question de la justice. « Aucun manifestant n’est prêt à entendre le mot amnistie », insiste-t-il.
Les « regrets » du général Diendéré ne semblent pas convaincre les foules, au Burkina Faso. « Nous ne sommes pas contre le pardon, mais il faut d'abord que justice soit rendue. Demander pardon ne suffit pas », a ainsi résumé à RFI un habitant de Tenkodogo.
Poursuite du mouvement social
Les syndicats burkinabè sont l'un des acteurs importants de la lutte contre le putsch. L'Unité d'action syndicale a lancé une grève générale sur toute l'étendue du territoire national au lendemain du coup d’Etat. Elle s'est à nouveau réunie ce mercredi pour évaluer la situation. Et en dépit de l'évolution de la situation, elle a décidé de ne pas lever son mot d'ordre, comme l’explique Bassolma Bazié, le président de l'Unité d'action syndicale : « Le mot d’ordre n’est pas levé. Le mot d’ordre n’est pas suspendu. Nous avons pris la décision de l’adapter à la situation actuelle permettant d’avoir des ressources financières. Ce dernier point signifie tout simplement que nous avons appelé un certain nombre d’autorités et elles nous ont assurés que les salaires seront versés d’ici 15 heures. Nous avons aussi appelé nos camarades qui sont sur le front de la santé de renforcer ces services minimums pour qu’on n’aggrave pas les situations de souffrance de ces différentes populations ». Les syndicats doivent se revoir lundi prochain pour décider de la suite de leur mouvement.
→ À (RE)LIRE : Burkina: de Ouaga à Bobo Dioulasso, la rue debout contre le putsch
Burkina Faso: premier Conseil des ministres d'une transition restaurée
La politique reprend ses droits au Burkina Faso. Le premier Conseil des ministres post-coup d’Etat se tient ce vendredi matin, à 10 h TU, et le gouvernement de transition sera au grand complet. Sur la table, un dossier brûlant : comment remettre en route la transition, avec en perspective le nouveau calendrier des élections, mais aussi la réponse à apporter à une partie de la population et aux syndicats qui réclament que les auteurs du coup d’Etat soient punis.
La transition est remise sur pied. Il faut désormais qu’elle avance. Pour cela, c’est à 10 h ce vendredi 25 septembre que le gouvernement doit se retrouver au grand complet autour du président Michel Kafando et de son Premier ministre Isaac Zida. Il s’agit de relancer le pays après une crise qui a bien failli marquer la fin de la transition.
Parmi les dossiers brulants, il y a la question des victimes de la répression par le Régiment de la sécurité présidentielle : 17 morts et plus de 110 blessés recensés. Il y a aussi celle de l’avenir du RSP et de son chef, le général Gilbert Diendéré. On ignore encore si le gouvernement annoncera immédiatement des mesures spectaculaires concernant ces points.
Les syndicats et certains responsables politiques exigent une dissolution rapide du RSP. Et, dans un pays qui tourne encore au ralenti, les syndicats maintiennent la pression. Le chef d’état-major a cependant manifestement choisi d’y aller en douceur et se réfère à l’accord d’apaisement signé mardi soir. Dès ce vendredi, le RSP doit donc faire l’inventaire de son armement. Ensuite, une bonne partie de son matériel sera transférée dans différentes casernes du pays, a annoncé mercredi le chef d’état-major des armées.
Il s’agit également pour le gouvernement de relancer le pays et de satisfaire au devoir de justice sans pour autant créer de nouvelles tensions au sein de l’armée.
Burkina Faso: le Régiment de sécurité présidentielle dissout
Le premier Conseil des ministres de l'après-coup d’Etat s’est tenu à Ouagadougou ce vendredi en présence du Premier ministre Isaac Zida. Première décision forte : le Régiment de sécurité présidentielle (RSP), à l’origine du putsch du 17 septembre, a été dissout par décret.
Ce que dix mois de transition n’ont pas réussi à faire, Gilbert Diendéré l’aura provoqué en une semaine. Le gouvernement a prononcé la dissolution du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) par décret ce vendredi à l'issue du premier Conseil des ministres depuis le coup d'Etat du 17 septembre. La question de cette dissolution empoisonnait la transition depuis près d’un an. Mais il aura fallu l’échec du putsch du général Diendéré et sa capitulation face à un peuple prêt à payer le prix du sang pour que le gouvernement puisse passer à l’acte.
Un peu plus tôt dans la journée, le chef d’état-major faisait savoir que le processus d’inventaire de l’armement du RSP s’était bien déroulé. Reste à transférer cet armement dans d’autres casernes. Le chef d’état-major souhaite répartir les hommes du RSP dans d’autres unités. Du moins pour ceux qui n’ont rien à se reprocher, car la justice a ouvert une enquête et devra d’ici 30 jours situer les responsabilités et entamer des poursuites.
Ce corps d’élite de l’armée burkinabè, constitué de 1 300 hommes, était considéré comme la garde prétorienne de l’ex-président Blaise Compaoré, chassé par une insurrection populaire en octobre 2014. Un projet de dissolution du RSP, très attendu par la société civile et la population, avait été présenté deux jours avant le coup d'Etat par la commission de réconciliation nationale et des réformes.
Une décision inévitable
« Cette dissolution du Régiment de sécurité présidentielle aujourd’hui ne fait que conformer la réalité du terrain au droit, estime Guy-Hervé Kam, porte-parole du Balai citoyen. Le désarmement de cette unité a déjà commencé et tous les Burkinabè s’attendent à ce que ce corps ne s’occupe plus de la sécurité du président du Burkina Faso. A mon avis, il n’y avait pas d’autres mesures à prendre. Si cette décision n’intervenait pas aujourd’hui, ça allait être très difficile parce que c’était une des demandes fortes après le coup d’Etat ; d’ailleurs, c’était sur toutes les lèvres des manifestants lors des derniers jours. On avait des inquiétudes quant au fait que la transition allait continuer avec à ses trousses le Régiment de sécurité présidentielle. »
Mais pour Guy-Hervé Kam, il faut rester vigilant. « Tant que le désarmement n’est pas fini, que l’armée nous dit que le désarmement est fini, et que des soldats du RSP rentreront dans l’armée régulière, on ne peut pas dire que le danger est derrière », prévient-il.
Le Conseil des ministres a par ailleurs révoqué Sidi Paré, le ministre délégué à la Sécurité ainsi que son chef d’état-major particulier, tous deux ayant manifestement basculé dans le camp des putschistes mercredi dernier. Des décisions dévoilées vendredi soir par communiqué mais qu’Isaac Zida n’avaient pas souhaité annoncer à la mi-journée lors du traditionnel point de presse d’après-Conseil des ministres. L’ancien numéro deux du RSP, devenu son plus farouche adversaire, a sans doute jugé plus prudent de ne pas annoncer lui-même la disparition de ce bataillon où il compte nombre d’ennemis.
Burkina Faso: l’assaut contre l'ex-RSP est fini, le bilan est inconnu
Après une journée extrêmement tendue mardi, les hommes de l'ex-Régiment de sécurité présidentielle encore retranchés dans une caserne de la capitale ont fini par déposer les armes en milieu de soirée après l'assaut des forces loyalistes qui avaient pris position autour de ce camp dans la matinée.
« Nous contrôlons le camp de Naaba Koom II », affirmait mardi soir le service de communication des forces armées burkinabè. L’assaut des forces loyalistes contre l’ex-Régiment de sécurité présidentielle a été lancé en fin d'après-midi. Avec des obus, l'armée a pilonné le camp où étaient retranchés les soldats hostiles au désarmement. Après quelques tentatives de résistance au sol, les forces régulières ont finalement pris le dessus sur les irréductibles de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle.
Selon le chef des anciens putschistes du RSP, le général Gilbert Diendéré, l’assaut a duré environ deux heures. Le chef d’état-major général des armées affirme quant à lui que l’opération sur le camp s’est terminée sans grande résistance. Pendant la nuit, les militaires de l’armée régulière ont commencé à ratisser tout le périmètre du camp Naaba Koom II. Tous les véhicules étaient minutieusement fouillés à la recherche d'armes.
Aucun bilan de cette opération n’est encore disponible. « Nous attendons le retour des troupes au sol pour le bilan », a fait savoir le service de communication des forces armées. Joint par RFI, Gilbert Diendéré explique que son appel a été entendu par les éléments qui résistaient encore dans le camp. Avant l’assaut des forces loyalistes, le général avait demandé aux éléments de l’ex-RSP de déposer les armes et de se mettre à la disposition de l’état-major général des armées.
« Suite à cet appel, beaucoup d'éléments avaient commencé à partir. D'autres avaient pris des positions défensives. Alors ceux-là, je pense qu'ils étaient toujours en position de défense de la caserne lorsque le bombardement a eu lieu. Vu l'intensité du bombardement, cela m'étonnerait qu'il n'y ait pas de pertes en vies humaines. D'autant plus qu'à l'intérieur de la caserne, il y avait des familles qui logeaient. Mais je n'ai aucune idée du bilan. Avec un peu de chance on aura un bilan moins lourd qu'on ne le pense », explique M. Diendéré à RFI.