UgeuxUn article du Père Bernanrd Ugeux, Missionnaire d'Afrique en R.D.C.

Un défi à la créativité malgré des moyens limités

L’Afrique représente un potentiel immense en termes de moyens de communication. Les grands opérateurs téléphoniques ont réalisé l’importance d’emporter des parts de marché et de territoire dans ce continent où les moyens de communication matériels – comme les routes ou les aéroports - laissent souvent à désirer. Le moyen actuellement le plus répandu et le plus abordable financièrement pour la plupart des populations est la radio. Que ce soit les radios locales à ondes moyennes ou en fréquences modulées, ou les grands réseaux internationaux en FM en ville et par les ondes courtes en milieu rural. Ce qui rend encore plus surprenante l’intention de Radio Vatican de sacrifier la radio au profit du numérique alors que la plupart des campagnes d’Afrique sub-saharienne ne sont pas électrifiées ! Ensuite, il y a le téléphone qui est devenu d’autant plus utile qu’il permet des transactions financières à bas prix. Par exemple, en RDC, véritable sous-continent, une étudiante qui ne peut payer ses frais d’examens à Kinshasa peut se les faire envoyer le jour même par sa mère de n’importe centre couvert par un réseau, même à 2000 km de là, via le système « money » d’une des compagnies de téléphone. Une petite révolution…

En outre, de nos jours, il existe le défi que représentent les médias sociaux sur lesquels se penchent de plus en plus les Eglises, de toute dénomination (cf. l’excellent petit livre de Meredith Gould, The Social Media Gospel, pas encore traduit en français). Un exemple, récent, le journal La Croix a lancé un site pour l’Afrique ( http://urbi-orbi-africa.la-croix.com/). Par ailleurs, les Evêques africains veulent renforcer leur collaboration en termes de communication sociale. Les évêques participant à la rencontre du Comité épiscopal panafricain des communications sociales (Cepacs) ont demandé aux conférences épiscopales du continent, jeudi 9 juin 2016 à Accra (Ghana), « de revitaliser leurs bureaux de communication sociale de manière à répondre aux besoins de l’apostolat de la communication pour l’évangélisation ». Une des raisons de cette préoccupation est sans doute l’invasion de l’Afrique par toutes sortes de médias parfois de mauvaise qualité ou qui diffusent des idées « mondialisées » dont le contenu éthique pose problème (surtout dans le domaine de la bioéthique), sans oublier la propagande de Boko Haram ou d’ISIS.

La Société des Missionnaires d’Afrique a clôturé les travaux de son Chapitre Général ce 12 juin 2016. Un mois de réflexion et de partages a renforcé les relations entre les 44 délégués, permis un travail de réappropriation du charisme du fondateur et un engagement vers des chantiers nouveaux et plus adaptés à un monde, une Eglise et des sociétés africaines en changements de plus en plus rapides. Les médias ont été abordés dans toutes leurs dimensions. Tout d’abord dans la dimension concrète de la technologie puisque les plus de mille membres ont pu suivre quasiment en temps réel tous les événements du Chapitre vie Facebook et l’intranet de notre site. Lors d’une récollection, l’exposé fut aussitôt en ligne et 100 confrères l’avaient écouté dans les heures qui ont suivi, certains du fin fond de l’Afrique grâce à leur smartphone….

Mais ceci n’est pas le plus difficile. Il suffit de posséder les équipements nécessaires des deux côtés de la ligne de transmission. Dès notre fondation, le Cardinal Lavigerie, avait donné comme instruction qu’un missionnaire arrivant pour travailler dans une région dont il ne connaissait pas la culture devait prendre le temps (parfois plusieurs mois) d’apprendre la langue et les coutumes du peuple concerné avant de commencer son ministère. Dans une Afrique qui se mondialise rapidement, le langage numérique est la nouvelle langue à apprendre. En effet, aujourd’hui, tout au moins dans les villes, un nombre croissant de personnes (certes encore minoritaires) ont accès à internet – au moins dans des cyber-cafés – ou peuvent s’acheter un smartphone à des prix écrasés par les producteurs chinois comme Huawei. Ils ont ainsi également accès à WhatsApp, Facebook, Twitter, etc. En outre, il existe de plus en plus de lieux dans les quartiers défavorisés où pour quelques centimes on peut regarder des films sur des écrans plats de bonne taille. Le problème, c’est que ce sont souvent la violence et le porno qui emportent le plus l’intérêt. Il ne faut pas s’en entonner. Une étude récente indique qu’un pourcentage élevé de sites visités mondialement (!) sont les sites pornos. D’après le site gentelgeek.net, 35 % des téléchargements dans le monde sont du porno. Il faut donc apprendre non seulement à manier l’outil de la communication, mais aussi considérer comment en faire un instrument éducatif et, pour les Eglises, de formation religieuse, parfois à distance.

La question n’est pas de savoir si les médias sociaux sont une bonne ou une mauvaise chose, c’est un outil qui se répand à une vitesse fulgurante et dont, comme pour tout outil, l’utilité ou la nocivité dépendent de la façon de les utiliser. Il est donc nécessaire de se former aux médias sociaux, de les utiliser à bon escient en en faisant non seulement des plateformes d’information et de formation mais aussi des lieux d’interactivité où les gens peuvent poser leurs questions. Il existe aussi de nombreux éléments éthiques à prendre en compte. Dans ce domaine, il est nécessaire que les congrégations internationales collaborent avec les Eglises locales qui n’ont pas toujours les moyens ou l’expertise pour en tirer profit. Il faut aussi lancer des groupes de réflexion et de travail sur les réseaux sociaux pour donner une orientation sur l’esprit, l’optique et l’éthique de l’usage de ces médias. Il s’agit d’équiper les acteurs à tous les niveaux. Cela demande de gens formés en amont à cette expertise, qui possèdent les moyens pour former les acteurs pastoraux. Il faut aussi exploiter ou créer des contenus utiles et attrayants et, pourquoi pas, mettre en ligne de nouvelles apps comme vient de le faire le réseau de prière du Pape (Apostolat de la prière).

Au travail chers confrères !

Bernard Ugeux