Niger : entre Bazoum et Issoufou, jeu d’équilibriste au PNDS

Le parti au pouvoir s’apprête à organiser un congrès fin décembre à Tahoua et à procéder à quelques changements à sa tête, tout en conservant un équilibre entre les proches du chef de l’État et ceux de son prédécesseur. Avec en tête, déjà, la présidentielle de 2026.

Mis à jour le 10 novembre 2022 à 10:46
 
 
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VMohamed Bazoum (g.) et Mahamadou Issoufou lors de la célébration de la fête de l’indépendance, le 3 août 2019 à Niamey Mohamed Bazoum (g.) et Mahamadou Issoufou lors de la célébration de la fête de l’indépendance, le 3 août 2019, Niamey © Louis Vincent

 

Le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, au pouvoir) met actuellement la touche finale à l’organisation de son congrès ordinaire autour du 23 décembre, date qui marque l’anniversaire de sa création en 1990. Clôturant le renouvellement des instances fédérales, engagé il y a plusieurs mois, celui-ci se déroulera à Tahoua, fief politique de l’ancien président Mahamadou Issoufou.

Selon nos informations, ce grand raout de la formation socialiste confirmera à son poste de président du parti – qu’il occupe pour le moment par intérim – Foumakoye Gado. Ancien ministre, celui-ci est aujourd’hui Haut représentant du président Mohamed Bazoum. Sa prochaine nomination à la tête du PNDS a d’ailleurs été actée en coulisses par le chef de l’État et par le prédécesseur de ce dernier, Mahamadou Issoufou.

Les deux hommes – compagnons de lutte politique depuis 1990 – s’entretiennent en effet encore quasi quotidiennement, même s’ils ne se rencontrent qu’en privé et en dehors des salons officiels de la présidence. Mahamadou Issoufou continue également de recevoir à son domicile un grand nombre des plus importants décideurs politiques du pays.

Gado, l’homme d’Issoufou

En ce qui concerne le futur congrès du PNDS, une incertitude demeurerait en revanche au sujet de l’attribution des postes de secrétaire général et de premier vice-président. Le ministre des Affaires étrangères, Hassoumi Massaoudou, est toutefois pressenti pour accéder à la vice-présidence, et donc quitter sa fonction de secrétaire général. Cette dernière reviendrait alors à Kalla Ankourao, son actuel adjoint et premier vice-président de l’Assemblée nationale.

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Seulement, Hassoumi Massaoudou et Foumakoye Gado sont originaires de la même région, celle de Dosso. Plusieurs cadres estiment donc qu’il serait inopportun de leur confier de façon pérenne la présidence et la première vice-présidence. Ceux-ci poussent pour que Kalla Ankourao, dont le fief politique est la région de Maradi, accède directement au poste de premier vice-président. Il reviendra au congrès de décembre de trancher.

« C’est un débat qui importe peu. Selon son titulaire, le secrétariat général peut avoir plus de poids que la première vice-présidence, et vice-versa », glisse toutefois un cadre du parti. « L’important est surtout que Foumakoye Gado prenne officiellement la tête de la formation. C’est un message clair puisque chacun sait qu’il est avant tout l’homme de confiance de Mahamadou Issoufou et qu’il ne s’entend en revanche que modérément avec Mohamed Bazoum », ajoute cette source, contactée par Jeune Afrique.

Un maximum d’influence

Mahamadou Issoufou souhaite en effet conserver un maximum d’influence au sein du PNDS. Outre le fait de disposer de Foumakoye Gado à la présidence, l’ancien chef de l’État joue surtout sur sa mainmise sur la région de Tahoua, dont il est originaire et qui fait figure de premier réservoir électoral du pays. Le responsable régional du parti est en effet encore l’un de ses proches, en la personne d’Issoufou Katambe, ex-ministre de la Défense.

Ce dernier a surtout pour deuxième vice-président l’actuel ministre du Pétrole, c’est-à-dire le fils de Mahamadou Issoufou lui-même, Sani Mahamadou Issoufou, dit « Abba ». L’autre figure tutélaire du « clan de Tahoua » est enfin l’actuel Premier ministre (et coordinateur régional du PNDS), Ouhoumoudou Mahamadou. Fidèle parmi les fidèles de Mahamadou Issoufou, il a été le directeur de cabinet de celui-ci, qui a appuyé sa nomination à la primature.

« Avec Gado à la présidence et en conservant le contrôle sur Tahoua, Issoufou s’assure de contrôler le parti et de rester l’artisan incontournable d’un second mandat de Bazoum en 2026 », glisse un membre fondateur du PNDS. En 2019, l’ancien président avait déjà imposé la candidature de son ministre de l’Intérieur d’alors, malgré l’opposition interne de certains barons, dont Foumakoye Gado.

2031 déjà en ligne de mire ?

Au-delà de 2026, l’élection présidentielle de 2031 est-elle, elle aussi, déjà dans toutes les têtes ? La candidature de Mohamed Bazoum pour un second et dernier mandat semble faire consensus au sein du PNDS, même si toutes les réticences de 2020 n’ont pas été écartées. En interne cependant, des voix s’élèvent d’ores et déjà pour réclamer, en prévision de l’après-2026, un renouvellement des instances du parti et en particulier d’un présidium où la génération Issoufou reste aujourd’hui aux commandes.

Selon nos informations, plusieurs noms sont régulièrement cités pour intégrer la très fermée et plus haute instance du PNDS lors des prochains congrès. Parmi les pressentis (et les ambitieux) : l’ex-ministre de la Défense et député de Dakoro (Maradi) Kalla Moutari, et Sani Mahamadou Issoufou. En compagnie de son père lors d’une visite remarquée à Tahoua en septembre, ce dernier – qui était directeur de campagne de Mohamed Bazoum en 2020 – construit patiemment son parcours politique.

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Alors que les ambitions ne manquent pas chez les aînés du ministre du Pétrole – qui espèrent ne pas être écartés en même temps que la génération Issoufou –, celui-ci devrait s’appuyer à terme sur des personnalités nées, comme lui, autour de 1980. Le fils de l’ex-président, qui aura quarante ans en 2023, pourrait notamment compter sur le soutien de son ami, le ministre des Finances, lui aussi originaire de la région de Tahoua, Ahmat Jidoud.