Dette : le Tchad obtient un accord inédit avec ses créanciers privés

Après deux ans de négociations dans le Cadre commun mis en place par le G20 et le Club de Paris, N’Djamena est parvenu à un accord de principe sur la restructuration de près de 3 milliards de dollars de sa dette extérieure.

Mis à jour le 14 novembre 2022 à 18:06
 Ndjamena
 
 
 

À N’Djamena, sur la place de la Nation. © Abdoulaye Barry pour JA

 

« Nous attendions ce jour », a déclaré Kristalina Georgieva, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) dans un communiqué diffusé 48 heures après l’accord.

La dirigeante bulgare a également souligné que le traitement de la dette est « conforme aux objectifs du programme soutenu et approuvé par le FMI en décembre 2021 ». Une évolution qui réduit le risque de surendettement à un moment où les perspectives mondiales sont très incertaines. Et devrait par la même occasion ouvrir la voie à l’achèvement des première et deuxième revues de l’accord triennal de la facilité de crédit élargie (FCE) du Tchad autour du 22 décembre, « ce qui contribuera à mettre l’économie du pays sur la voie d’une croissance économique durable et de la réduction de la pauvreté ».

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Difficile entente avec Glencore

Le Tchad est le premier pays à parvenir à un accord dans le Cadre commun pour les traitements de dette du G20 et du Club de Paris, mis en place le 13 novembre 2020 et également promu par le FMI, qui avait été sollicité aussi par l’Éthiopie et la Zambie. Pour rappel, N’Djamena avait initialement conclu un accord avec ses pays créanciers en juin 2021, mais avait eu du mal à trouver un terrain d’entente avec le principal créancier privé : le négociant suisse de matières premières Glencore ainsi qu’un consortium de banques concernées.

Le 13 novembre, le FMI a donc officiellement salué le travail du comité coprésidé par la France et l’Arabie saoudite, et également composé de la Chine, de l’Inde, ainsi que plusieurs entités privées – dont le géant suisse du trading. Ce mécanisme est une également une première, car il marque l’entrée de la Chine dans le multilatéralisme, alors que Pékin refusait jusqu’alors de négocier auprès d’instances communes.

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Pas d’allègement de la dette

L’accord actuel appelle les créanciers du Tchad à reporter ou à rééchelonner sa dette en 2024, afin que le ratio service de la dette/recettes passe de 20 % à moins de 14 %, puis à 12,4 % d’ici à 2025. L’objectif étant de garantir que le niveau d’endettement du pays reste inférieur au seuil de « risque modéré de surendettement », notamment pour garantir la poursuite des prêts du FMI qui ne sont possibles que sous certaines conditions. En effet, en décembre 2021, alors que l’institution de Bretton Woods avait qualifié « d’insoutenable » la dette tchadienne, tout soutien financier était bloqué.

Toutefois, en prenant en compte la hausse des prix du pétrole qui a stimulé les revenus du pays, les créanciers ont refusé d’alléger sa dette. Le comité s’est cependant engagé à se réunir au cas où les prix du pétrole connaîtraient une nouvelle baisse. Une annonce vivement critiquée par le président de la Banque mondiale, David Malpass, qui a indiqué rester « profondément préoccupé » par la capacité à long terme du Tchad à rembourser ses 3 milliards de dollars de dette extérieure. Pour mémoire, la dette de N’Djamena a déjà été restructurée  en 2015 et en 2018.

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145 millions de dollars du FMI

D’après un communiqué publié le 11 novembre par le ministère tchadien des Finances, du Budget et des Comptes Publics, ce nouvel accord devrait permettre au pays de « restaurer la soutenabilité de la dette publique, tout en assurant une protection contre la volatilité des prix du pétrole grâce à l’introduction de mécanismes de traitement contingent ».

Plus concrètement, le Tchad devrait recevoir dans un premier temps 145 millions de dollars de financement de la part du FMI, mais cela uniquement après l’approbation des revues de l’accord triennal par le conseil d’administration. Cela devrait par la suite permettre de débloquer plusieurs centaines de millions de dollars de fonds supplémentaires de la part des créanciers bilatéraux et multilatéraux, dont la Banque mondiale.

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la dette Glencore

À ce jour, la dette commerciale du Tchad détenue par Glencore correspond à 700 millions de dollars, majoritairement à travers des accords de pétrole contre espèces conclus en 2013 et 2014. Car à cette époque, le pays n’avait pas accès au marché international de la dette.