Umaro Sissoco Embaló peut-il réconcilier Mamadi Doumbouya et l’opposition guinéenne ?

Le chef de l’État bissau-guinéen a rencontré fin décembre les adversaires du président guinéen de la transition. Un médiateur officiel, Thomas Boni Yayi, a pourtant été désigné par la Cedeao.

Mis à jour le 5 janvier 2023 à 17:26
 
 

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Le président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embaló, lors du sommet de l’Uemoa à Abidjan, le 5 décembre 2022. © SIA KAMBOU/AFP

 

Que faut-il attendre des « consultations » lancées fin décembre par le président en exercice de la Cedeao, Umaro Sissoco Embaló ? Le 26, il réunissait autour de lui, à Bissau, les principaux opposants à Mamadi Doumbouya, ainsi que les organisations de la société civile guinéenne mobilisées contre la junte, dont le Front national de défense de la Constitution (FNDC). Convié ce jour-là, l’ancien Premier ministre, Cellou Dalein Diallo, en « exil » depuis près d’un an, n’a pas manqué de répéter à Umaro Sissoco Embaló ce qu’il martèle à tous depuis son départ de Conakry.

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« Il faut en Guinée un dialogue consensuel et inclusif. Or les trois coalitions les plus importantes sont exclues des discussions sur la transition, explique-t-il à Jeune Afrique. C’est pour cela que le président Embaló a jugé utile de nous entendre. » Les principaux partis du pays, dont l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) de Cellou Dalein Diallo, le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG Arc-en-ciel) de l’ancien président Alpha Condé ou l’Union des forces républicaines (UFR) de Sidya Touré, ont en effet décidé de boycotter le « dialogue inter-guinéen », qui a rendu ses conclusions à la fin de décembre.

Un dialogue hors de Guinée ?

Cellou Dalein Diallo se félicite de voir que la Cedeao a de nouveau demandé aux autorités guinéennes « de tenir un dialogue national incluant l’ensemble des acteurs politiques sans exception et de garantir la sécurité et la liberté de tous les participants ». Une grande partie des acteurs qui ont fait le choix de ne pas participer aux concertations, dirigées par le Premier ministre, Bernard Goumou, font l’objet de poursuites – ou sont même incarcérés – pour des faits de corruption ou de détournement. Des « poursuites fantaisistes », assurent-ils.

« Étant donné que plusieurs responsables politiques s’estiment menacés et refusent de retourner en Guinée, une manière de tenir un dialogue inclusif serait de l’organiser en dehors du pays », observe un diplomate ouest-africain. Une possibilité également évoquée par la Cedeao. Mais l’initiative d’Umaro Sissoco Embaló est-elle pour autant le fruit d’une démarche concertée ?

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Dans la sous-région et dans certaines chancelleries, les consultations bissau-guinéennes ont surpris. « Cela m’étonnerait que les autorités guinéennes acceptent, d’autant que le courant passe bien avec Thomas Boni Yayi », observe une source de la Cedeao qui a suivi de près les actions entreprises par le médiateur officiel de l’organisation. L’ancien président béninois a été nommé en juillet dernier, après que le Ghanéen Mohamed Ibn Chambas, initialement choisi par les dirigeants ouest-africains, avait été récusé par Mamadi Doumbouya.

Tensions diplomatiques

C’est d’ailleurs sous l’égide de Boni Yayi que s’est tenu le dialogue inter-guinéen, que Conakry juge malgré tout inclusif. Interrogé par la presse guinéenne au sujet de l’initiative d’Umaro Sissoco Embaló, le ministre des Affaires étrangères, Morissanda Kouyaté, a botté en touche. « Le communiqué des chefs d’État [publié à l’issue du sommet du 4 décembre] est clair et net : on a demandé d’ouvrir le dialogue à tout le monde. C’est ce que nous avons fait. »

Par le passé, les autorités guinéennes n’ont pas fait mystère de leur inimitié pour le président bissau-guinéen, notamment parce que ce dernier avait jugé « inacceptable » le calendrier de retour à un pouvoir civil après vingt-quatre mois – calendrier qui fut néanmoins validé par la Cedeao en décembre. À Conakry, beaucoup observent aussi avec suspicion l’évolution de ses relations avec Alpha Condé, désormais exilé en Turquie, qui fut pourtant son ennemi juré.

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Cela ne risque-t-il pas de complexifier l’effort de médiation ? Non, si l’on en croit Cellou Dalein Diallo. « Umaro Sissoco Embaló est le président en exercice de la Cedeao, il joue son rôle en tentant d’aplanir les divergences entre les acteurs politiques. L’essentiel est que le retour à l’ordre constitutionnel se fasse dans un climat apaisé. »

Après avoir rencontré l’opposition, le président Umaro Sissoco Embaló devrait maintenant s’entretenir avec les autorités de transition. Accepteront-elles de rouvrir un canal de discussion alors même que le dialogue national a officiellement rendu ses conclusions ? Plusieurs diplomates en poste à Conakry se disent franchement dubitatifs et le président bissau-guinéen n’a pas communiqué à ce sujet. Quant à Cellou Dalein Diallo, il est rentré à Dakar.