Le cultivateur du plateau Dogon La pauvreté est mon sort. Mon seul souci, c’est de ne pas mourir de faim, ni moi ni mes enfants. La terre, du roc et du gravillon, ne produit, hélas, qu’une maigre moisson. Des fois, la pluie tarde à venir, les essaims de sauterelles, par contre aiment nous envahir, l’un et l’autre font que le spectacle de mon champ, est plutôt désolant. Dieu merci, il y a le jardin. Dès le petit matin chaque jour, je sors pour arroser mon lopin. Aussi longtemps qu’il y a de l’eau, on y va, sans hésitation. Papa, maman, grands et petits, entre la rivière et le jardin, trimbalent les calebasses pour arroser les choux. Le soir, le dos courbé, je rentre fatigué et j’espère récolter de quoi manger. Année après année, le temps coule silencieusement, et je constate que, malgré mon labeur, la pauvreté reste ma compagne! Les grandes déclarations des puissants, n’y ont rien changé; la pauvreté reste à mes côtés. Tout cela ne m’empêche pas de cultiver mon tabac et de fumer une pipe en rentrant chez moi. Et de boire un coup avec les copains pour remettre les soucis au lendemain. Je remercie le Créateur qui donne vie et croissance, et mes ancêtres qui ont toujours agi comme cela. Ce ne sera pas moi qui pourra changer quoi que ce soit. Néanmoins, je réfléchis : suis-je donc un éternel damné? Quel avenir pour mes enfants? Voudront-ils continuer? Pour combien de temps la misère restera-t-elle mon sort, tandis que d’autres nous font étalage de leur richesse et de leur confort? Quant à moi, ma richesse, c’est ma liberté, ma culture, ma foi. Et sur les cailloux, bien que démuni, je suis chez moi! Pauvre en argent mais riche en humanité personne ne pourra m’éloigner du terroir que j’ai hérité ! « Tu es aimable, frère, on vient de loin pour t’admirer. Si tu savais combien tes simples gestes nous inspirent courage et paix. Dans le monde devenu arrogant et fou, tu restes une référence d’homme sensé et doux. » (novembre 2005, Père Yves Pauwels, Mafr) |