Le cultivateur du plateau Dogon


La pauvreté est mon sort.
Mon seul souci,
c’est de ne pas mourir de faim,
ni moi ni mes enfants.


La terre, du roc et du gravillon,
ne produit, hélas,
qu’une maigre moisson.


Des fois, la pluie tarde à venir,
les essaims de sauterelles,
par contre
aiment nous envahir,
l’un et l’autre font
que le spectacle de mon champ,
est plutôt désolant.


Dieu merci, il y a le jardin.
Dès le petit matin
chaque jour,
je sors pour arroser
mon lopin.


Aussi longtemps qu’il y a de l’eau,
on y va, sans hésitation.


Papa, maman, grands et petits,
entre la rivière et le jardin,
trimbalent les calebasses
pour arroser les choux.


Le soir, le dos courbé,
je rentre fatigué
et j’espère récolter
de quoi manger.


Année après année,
le temps coule silencieusement,
et je constate que, malgré mon labeur,
la pauvreté reste ma compagne!


Les grandes déclarations des puissants,
n’y ont rien changé;
la pauvreté reste à mes côtés.


Tout cela ne m’empêche pas
de cultiver mon tabac
et de fumer une pipe
en rentrant chez moi.


Et de boire un coup
avec les copains
pour remettre
les soucis au lendemain.


Je remercie le Créateur
qui donne vie et croissance,
et mes ancêtres
qui ont toujours agi comme cela.
Ce ne sera pas moi
qui pourra changer
quoi que ce soit.


Néanmoins, je réfléchis :
suis-je donc un éternel damné?
Quel avenir pour mes enfants?
Voudront-ils continuer?


Pour combien de temps
la misère restera-t-elle mon sort,
tandis que d’autres nous font étalage
de leur richesse et de leur confort?


Quant à moi, ma richesse,
c’est ma liberté, ma culture, ma foi.
Et sur les cailloux, bien que démuni,
je suis chez moi!


Pauvre en argent
mais riche en humanité
personne ne pourra m’éloigner
du terroir que j’ai hérité !


« Tu es aimable, frère,
on vient de loin pour t’admirer.
Si tu savais

combien tes simples gestes
nous inspirent courage
et paix.


Dans le monde devenu arrogant et fou,
tu restes une référence d’homme sensé et doux. »


(novembre 2005, Père Yves Pauwels, Mafr)