HISTOIRE DE L'ÉGLISE EN AFRIQUE DE L'OUEST : LES DÉBUTS
Au milieu du 19e siècle, l'Église en Europe est menacée par l'hostilité du monde moderne. Les congrégations religieuses sont interdites et même chassées de France. C'est en même temps le siècle de découverte de l'Afrique par les explorateurs. C'est dans ce contexte que le 19e siècle sera un siècle d'évangélisation et de colonisation de l'Afrique, les deux étant parfois mêlées.
Il est bon de s'étendre un peu sur l'Afrique du nord, et en particulier sur l'Algérie, car c'est de là que partira le grand mouvement d'évangélisation de l'intérieur du continent africain avec le cardinal Lavigerie, fondateur des Missionnaires d'Afrique et des Sœurs de Notre Dame d'Afrique.
On sait que l'Algérie, comme toute l'Afrique du nord, était musulmane depuis la conquête du 7e siècle. Or, en 1827, le Dey d'Alger ayant frappé un représentant français, la France en profita pour commencer la conquête de l'Algérie. En 1830, Alger fut prise et le pays tout entier devint colonie française, malgré la résistance du chef arabe Abd El Kader. De nombreux colons français s'installèrent en Algérie qui fut dès lors commandée par des gouverneurs généraux.
Après de nombreux pourparlers avec le gouvernement français, qui alors était plutôt hostile au catholicisme, Rome érigea un évêché à Alger en 1838. Son premier évêque fut Mgr Dupuch à qui succéda en 1846 Mgr Pavie. A la mort de ce dernier en 1866, il laissait un grand et un petit séminaire, 187 paroisses et 273 prêtres. En 1867, Alger devenait archevêché avec Constantine et Oran comme évêchés suffragants. C'est cette situation que Mgr Lavigerie trouvera en arrivant comme archevêque d'Alger en 1867.
Quand Mgr Lavigerie est nommé archevêque d'Alger, en 1867, l'Algérie est sous occupation française depuis 40 ans. Le pape est Pie IX, à qui succèdera, en 1878, Léon XIII. Tous deux porteront Lavigerie en haute estime.
Lavigerie voyait loin. S'il a accepté le poste d'Alger, c'est parce que, au-delà de l'archevêché d'Alger, il voyait le continent africain tout entier. L'Algérie était pour lui «une porte ouverte sur un continent de 200 millions d'âmes».
À l'époque de Lavigerie et du concile Vatican I, pratiquement toutes les côtes africaines connaissent la présence de missionnaires:
- les Franciscains, en Tunisie, Libye et Égypte;
- les Lazaristes, en Abyssinie (Éthiopie d'aujourd'hui);
- les Spiritains, au Sénégal, Gambie et Congo;
- les Missions africaines de Lyon, sur les côtes de Guinée et du Dahomey;
- les Jésuites, à Madagascar et au Zambèze.
Et on trouvait aussi le clergé diocésain d'Irlande dans la colonie du Cap; celui du Portugal en Angola;celui d'Espagne au Maroc; et celui de France en Algérie.
Mais si les rivages de l'Afrique avaient tous, plus ou moins, été touchés par l'Évangile, il n'en était pas de même de l'intérieur. C'est donc vers l'intérieur du continent que Lavigerie décida de faire porter son effort missionnaire.
Des missionnaires pour l'Afrique
Pour mettre à exécution son grandiose projet, Lavigerie fonde, en 1868, la Société des Missionnaires d'Afrique, qui sera plus connue sous le nom de Pères Blancs. Mais, conscient que l'évangélisation du monde féminin ne pourra être vraiment faite que par des femmes apôtres, il fonde aussi, en 1869, la Congrégation des Sœurs Missionnaires de Notre Dame d'Afrique, connue sous le nom de Sœurs Blanches. À tous et à toutes, Lavigerie donnera des orientations missionnaires, des principes et des méthodes. Les missionnaires devront s'adapter aux usages des populations rencontrées, en ce qui concerne l'habit, le logement, la nourriture, la langue. Mais il ajoute que l'Afrique ne sera évangélisée que par les Africains eux-mêmes, «devenus chrétiens et apôtres». D'où une pastorale progressive basée sur le catéchuménat.
Au début, les missionnaires travaillèrent en Algérie. Justement, en 1867-1868, il y eut une grande famine en Algérie qui laissa de nombreux orphelins. Lavigerie revendiqua «le droit d'élever ces enfants sans père, sans mère, sans tuteur». C'est la première œuvre à laquelle il employa Pères Blancs et Sœurs Blanches.
Puis furent fondées les premières missions de Kabylie, à partir des années 1872-1873. Mais, comme dans tous les pays sous influence musulmane, Lavigerie avait interdit toute propagande catholique directe. L'action des missionnaires devait se limiter à l'école et aux soins médicaux. Il installa aussi des missions au Sahara et en Tunisie en 1875. Ce faisant, il pensait surtout à une base de départ pour les caravanes qui iraient vers le sud à travers le désert... car il ne perdait pas son objectif de vue.
En juin 1875, Mgr Lavigerie crut le moment venu de commencer la mission parmi les populations de ce qu'on appelait alors le Soudan. (appellation existant au temps de la colonisation et qui regroupe les territoires actuels du Mali, Ghana, Burkina Faso, Guinée). L'objectif était d'atteindre Tombouctou à travers le désert. Il nomma une première caravane de 3 missionnaires; des Touaregs amis s'étaient proposés pour les guider. La caravane se mit en route le 15 janvier 1876. Mais les missionnaires ont été tués par leurs guides touaregs. Pour Mgr Lavigerie, ce fut un choc terrible. Mais quand il annonça cette nouvelle aux missionnaires en Algérie, tous demandèrent à partir pour aller remplacer leurs frères martyrs...
En 1878. Léon XIII venait d'être nommé pape, et il inaugura son pontificat en confiant à Lavigerie et aux Pères Blancs la responsabilité des missions de l'Afrique centrale, immense territoire qui débordait largement le Congo actuel et qu'on prit l'habitude d'appeler «les Grands Lacs».
En 1878, une caravanes de dix missionnaires pénétra l'intérieur du continent à partir de Zanzibar jusqu'en Ouganda : un voyage de 10 mois! En 1879, une deuxième caravane de 18 membres prenait la même route: c'était le début de la mission équatoriale (ou centrale, ou des Grands lacs). L'Ouganda connaîtra très vite les persécutions et la merveilleuse épopée des «martyrs de l'Ouganda» (1886).
Pendant que partaient les premières caravanes pour l'Afrique de l'est, Les Pères Blancs installés en Tunisie étudiaient la possibilité d'arriver au Soudan en partant de la Tripolitaine. Le 18 décembre 1881, après de sérieuses études sur les possibilités de traverser le désert, trois Pères quittaient Rhadamès pour le Soudan. Malheureusement, trois jours après, eux aussi furent massacrés par leurs guides touaregs. Il fallut momentanément renoncer à traverser le désert du Sahara.
En 1890, la Préfecture Apostolique du Sahara-Soudan était devenue Vicariat Apostolique, sous la responsabilité du cardinal Lavigerie. À la mort de ce dernier, en 1892, c'est un de ses fils spirituels, Mgr Toulotte, qui devient Vicaire apostolique.
Or, les progrès de la pénétration française sur le Niger et dans les régions soudanaises à partir du Sénégal allaient attirer l'attention de Mgr Toulotte et lui montrer la possibilité d'accéder, par là, aux territoires dont il avait la charge.
Il désigna le P. Augustin Hacquart pour conduire la première caravane vers Tombouctou, mais à partir du Sénégal, et non à travers le désert. Le P. Hacquart parvint à Ségou le 1er avril 1895, et à Tombouctou le 2 mai 1895. Là, il fonda un poste de missionnaires où il resta lui-même pendant 3 ans. Mais cette mission fut fermée 15 ans plus tard. Il n'y avait aucun élément sérieux de succès possible. Par contre, la mission fut plus solidement implantée à Ségou en janvier 1899. A ce moment, Mgr Hacquart est nommé depuis un an Vicaire Apostolique du Sahara-Soudan. C'est à ce titre qu'il visita son immense territoire qui recouvrait l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest, les pays côtiers excepté.
Notons que les Pères du Saint Esprit, installés au Sénégal depuis 1843, avaient fondé la mission de Kita en 1888, et celle de Kayes en 1892 (actuellement au Mali). (Ces deux missions seront reprises par les Pères Blancs en 1901, lors de la division du Vicariat du Sahara-Soudan).
En janvier 1899, Mgr Hacquart fonde Ségou où il était passé 4 ans plus tôt. Et tout de suite après, il continua sa visite par le Moogo, pays mossi. Il passa à Ouagadougou en 1899, mais sans s'y arrêter. Il jugea Koupèla plus favorable, et c'est là que le premier poste de mission fut ouvert dans ce qui est devenu plus tard le Burkina Faso. C'était en 1900.
Malheureusement, le 4 avril 1901, Mgr Hacquart meurt accidentellement, noyé dans le fleuve Niger, à Ségou. Cette même année, son immense Vicariat est divisé en deux: Sahara d'un côté, Soudan de l'autre. C'est Mgr Bazin qui est nommé Vicaire Apostolique du Soudan. Et c'est cette même année, en juin 1901, qu'est fondée la mission de Ouagadougou. Elle a le P. Templier pour premier supérieur.
Ainsi, en 1901, les Bambaras étaient évangélisés à partir de 3 postes: Ségou, Kati et Kayes. Et les Mossi étaient évangélisés à partir de 2 postes: Koupèla et Ouagadougou. La mission de l'Afrique occidentale avait commencé...
Vous trouverez la suite de l'histoire de l'implantation de l'Église en Afrique de l'Ouest, soit en Haute-Volta (aujourd'hui Burkina Faso), au Mali, au Niger, au Ghana et au Nigeria et en Côte d'Ivoire en allant visiter chacun de ces pays que vous trouvez dans le menu principal.
Texte tiré du livre du P. Georges Salles, MAfr., « De Jérusalem à Ouagadougou », troisième partie : L'époque contemporaine, tome 6, pp. 30-62.