Dialogue interreligieux

« Lorsque nous travaillons pour les âmes, nous ne pouvons user que de persuasion et d'amour... Nous ne pouvons rien faire tant que nous n'avons pas persuadé les gens autour de nous qu'ils sont aimés... » (Cardinal Lavigerie, 1885)

« Nous croyons qu'en toute religion il y a une secrète présence de Dieu, des semences du Verbe qui reflètent un rayon de sa lumière... » (Chapitre 1967)

« Nous célébrons et partageons cette vie avec Dieu lorsque nous allons à la rencontre des cultures et des religions... nous réjouissant de la foi vivante de ces croyants et les rejoignant dans leur quête de la Vérité, cette Vérité qui nous rend tous libres. » (Chapitre 1998)

Missionnaires, nous sommes appelés à faire les premiers pas pour rencontrer les personnes, qu'elles que soient leurs convictions, leur religion.

Au Burkina Faso, cette réalité se traduit surtout dans la rencontre respectueuse et évangélique avec les adeptes des religions traditionnelles et avec les musulmans.

Dans cette rubrique, nous étudierons divers aspects de ces religions, particulièrement de l'islam.

Ramadan 2023 : chez les jeunes générations, un jeûne plus sobre, organisé et spirituel

Enquête 

Pendant le Ramadan, qui commence cette année jeudi 23 mars, les nouvelles générations de musulmans expriment un souci plus grand de spiritualité, d’alimentation sobre et d’organisation. Des aspirations qui reflètent une subtile évolution de la population musulmane en France et de son rapport à l’islam.

  • Marguerite de Lasa, 

Regardez la vidéo ci-dessous :

https://youtu.be/7JbKT8ik7xs

 

S’il devait identifier une différence entre sa manière de vivre le Ramadan et celle de ses parents, Mohammed parlerait de la nourriture. Au moment de la rupture du jeûne, après le coucher du soleil et la prière de Maghreb, ses parents préparent une table garnie de nombreux plats traditionnels – chorba (1) ou bricks – symbole d’un moment de grande convivialité et de partage vécu en famille pendant ce mois « béni » en islam.

Mais Mohammed, lui, accorde moins d’importance à l’abondance du repas. Le jeune homme de 28 ans voudrait se contenter du minimum pour pouvoir jeûner le lendemain, et préfère éviter de manger trop gras ou trop sucré. « C’est un moment où le corps peut se purifier, et c’est dommage de le gâcher avec une mauvaise alimentation », estime ce sportif. Pour lui, le Ramadan est une sorte d’entraînement spirituel, qui se vit aussi bien dans son corps que dans son âme. Il s’est fixé un objectif : lire entièrement le Coran en arabe. Chaque année, il a le sentiment de sortir de ce temps « purifié », d’être « plus proche de Dieu et de son coran ».

Pendant le Ramadan, qui débute jeudi 23 mars, s’exprime chez les nouvelles générations de musulmans un recentrage sur la dimension spirituelle du jeûne, le souci d’une alimentation plus saine et sobre, ainsi qu’un effort d’organisation optimale pour atteindre ses objectifs spirituels. Cette subtile évolution traduit l’ascension sociale de jeunes générations de musulmans dont les aspirations se mêlent à celles des classes moyennes et supérieures, mais surtout - chez certains - le passage d’un islam culturel à un islam plus spirituel et intériorisé.

« Une expérience spirituelle »

« On observe une sorte d’embourgeoisement d’une partie des populations musulmanes en France, liées à des trajectoires d’ascension sociale, par rapport à la génération de primo-arrivants qui était majoritairement issue de classes populaires », explique Sarah Aïter, doctorante en sociologie politique et spécialiste de l’islam. « La génération suivante, qui a davantage accès à l’éducation et aux études supérieures, adopte les modes de consommation de la société majoritaire », décrit-elle. Ce souci d’une alimentation saine pendant le Ramadan se décline ainsi le reste de l’année par le développement d’une demande de produits halal éthiques, voire bio.

Le rapport à la religion, lui aussi, évolue. « Pour la génération précédente, l’islam représente un héritage culturel qui n’a pas forcément été réinterrogé personnellement et intimement », développe Sarah Aïter. Parmi les plus jeunes, certains vivent encore leur religion sur un mode identitaire, ou se focalisent sur l’observation stricte des rites. « Mais une partie de la nouvelle génération a un souci de spiritualité beaucoup plus fort. Pendant le Ramadan, il ne s’agit pas seulement de jeûner et de faire une belle table, mais de vivre une expérience spirituelle. »

Cette situation se retrouve chez Emira, lycéenne de 17 ans à Strasbourg. Sa mère, tunisienne, jeûne la journée, cuisine deux heures toutes les après-midi pour préparer l’iftar (2), et réveille ses filles avant le lever du soleil pour qu’elles fassent leur prière, mais elle-même ne prie pas. Sa fille, Emira, s’efforce, elle, de faire toutes ses prières à l’heure et se rend à la mosquée le soir après la prière de ichaa, pour effectuer les tarawih, prières nocturnes surérogatoires, autrement dit non obligatoires. « Pour les nouvelles générations de musulmans, je n’hérite pas seulement de l’islam, je le rechoisis, précise Sarah Aïter. Il y a une volonté de redonner un sens aux pratiques. »

« Le mois du contrôle de soi »

Le Ramadan est ainsi vécu comme le mois du changement, celui de l’examen spirituel et de conscience. « Vous avez un mois pour changer vos habitudes », disent souvent les imams dans les mosquées, rapporte Sarah Aïter. Oussama, 23 ans, étudiant à Strasbourg, attend ce mois-là avec impatience. C’est le moment où il tourne la page de l’année précédente et prend de bonnes résolutions. « C’est une renaissance », décrit-il. « Notre corps se débarrasse des impuretés, on essaie de se passer du superflu, de ne penser qu’à Dieu, aux bonnes actions et d’être attentif aux autres. C’est le mois du contrôle de soi », poursuit celui qui prévoit de débrancher ses réseaux sociaux et s’est fixé un programme de lecture du Coran.

De fait, le souci d’organisation est particulièrement présent dans les préparatifs de ce temps très exigeant. Oussama va s’efforcer de concilier les prières, la lecture du Coran, le manque de sommeil dû aux prières nocturnes, avec sa licence de langues et son service civique. Mafory, 15 ans, s’est aussi procuré un « planner » de Ramadan, de ceux qui fleurissent sur les présentoirs des librairies musulmanes, pour cocher toutes les prières qu’elle fait et l’avancement de ses lectures spirituelles. « On observe un recoupement de notions spirituelles et de développement personnel », commente Sarah Aïter, qui note l’attention à « optimiser son temps » et à « se fixer des objectifs ».« C’est un peu comme un challenge, conclut Oussama. Un mois où Dieu va nous tester. »

(1) La chorba est une soupe traditionnelle d’Afrique du Nord. Pendant le Ramadan, elle est servie traditionnellement après la rupture du jeûne.

(2) Repas de rupture du jeûne, après le coucher du soleil.

Ramadan 2023 : Quelles sont les dates de début et de fin du jeûne musulman cette année ?

ISLAM 

Ce mois de jeûne est très important pour les musulmans puisqu’il représente l’un des cinq piliers de l’Islam

 
luneetoile

Le Ramadan, mois de jeûne, de prières et de partage pour les musulmans, devrait débuter jeudi 23 mars. Les partisans du calcul scientifique, comme le Conseil français du culte musulman l’ont déjà annoncé. La Grande Mosquée de Paris qui prend en compte ce calcul, mais aussi l’observation lunaire, devrait confirmer cette date mardi. Le Ramadan est un des cinq piliers de l’Islam.

Pour 2023, l’annonce solennelle de la date de début du jeûne doit intervenir après « la nuit du doute », pendant laquelle la Commission théologique devrait se baser sur les résultats des travaux portant sur l’adoption du calcul scientifique et des données astronomiques universelles.

Basé sur le calendrier lunaire

Pour déterminer la date de début du Ramadan, c’est la lune qui est observée car le calendrier musulman repose sur un calendrier lunaire. Ainsi, un nouveau mois débute à chaque nouvelle lune. Certains considèrent qu’il faut absolument observer le tout premier croissant de la nouvelle Lune pour que le Ramadan puisse débuter.

D’autres décident, en plus, de se baser sur des calculs astronomiques pour pouvoir laisser le temps aux pratiquants de s’organiser. Ainsi, toujours selon les calculs scientifiques, ce mois béni pourrait prendre fin le vendredi 21 avril, après 29 jours de jeûne.

Cinq millions de pratiquants

« La Grande Mosquée de Paris invite les musulmans de France à se préparer spirituellement au jeûne du mois béni de Ramadan dans la piété, la solidarité et l’unité. », indique dans un communiqué le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz.

 Selon l’Insee, ce sont cinq millions de croyants qui pratiquent le Ramadan chaque année en France. L’islam serait la deuxième religion du pays et la communauté musulmane de France serait la plus importante en Europe. Dans le monde, plus de 1,5 milliard de personnes pratiqueraient ce mois de jeûne.

Et au Burkina ? la même chose !

La Fédération des Associations Islamiques du Burkina (FAIB) a annoncé, mercredi, le début du jeûne de Ramadan pour le jeudi 23 mars. Selon le communiqué, le croissant lunaire a été aperçu dans plusieurs localités notamment à Kombissiri, Manga, Garango, Tenkodogo, Fada N’Gourma, Banfora et Nouna.

Dans le communiqué, le Président du Présidium de la Fédération des Associations Islamiques du

Burkina (FAIB) a porté à la connaissance des musulmans et de l’ensemble de la communauté nationale, que le croissant lunaire marquant le début du jeûne de Ramadan a été aperçu ce jour 22 mars 2023 dans plusieurs localités du Burkina Faso par les équipes d’observation déployées à cet effet. Par conséquent, précise la FAIB, le jeûne de Ramadan commence au Burkina Faso le jeudi 23 mars 2023.

« Aussi la FAIB met-elle à la disposition des fidèles musulmans via sa page

Facebook, un calendrier de début et de rupture du jeûne par région », ajoute le communiqué.

« A l’occasion de cet événement de haute spiritualité, le Président du Présidium invite les frères et sœurs musulmans à redoubler d’efforts dans l’adoration, les invocations, la bienfaisance, la solidarité, l’amour et la fraternité », peut-on lire dans le communiqué.

Lamine Traoré / Oméga médias

Jérusalem : le Patriarcat grec dénonce un « attentat odieux » dans un lieu saint

Les faits 

L’Église orthodoxe grecque a dénoncé dimanche 19 mars comme un « attentat odieux » une attaque survenue pendant la messe dominicale, en plein Carême, au Tombeau de la Vierge, un des plus importants lieux saints chrétiens à Jérusalem.

  • La Croix (avec AFP), 
Jérusalem : le Patriarcat grec dénonce un « attentat odieux » dans un lieu saint
 
Un religieux orthodoxe lors d’une procession non loin du Tombeau de la Vierge, à Jérusalem, en août 2022.ABIR SULTAN/EFE

L’Église orthodoxe grecque a dénoncé dimanche 19 mars comme un « attentat odieux » une attaque survenue pendant la messe dominicale, en plein Carême, au Tombeau de la Vierge.

La police israélienne indique être intervenue à Jérusalem-Est, partie de la Ville sainte annexée par Israël, et avoir arrêté « un suspect (âgé de 27 ans et habitant le sud d’Israël, NDLR) pour son implication dans un incident violent dans l’église », sans plus de détails sur son identité.

Le récit d’un témoin

Selon Bilal Abou Nab, un vendeur qui tient une échoppe à côté du sanctuaire et qui affirme avoir été témoin des faits, l’agression a été commise par deux juifs, l’un portant une kippa, et l’autre « un pantalon avec des franges pendant sur les côtés » (les tsitsit portés par de nombreux juifs pratiquants).

Appelant à une « protection internationale des lieux saints », le Patriarcat orthodoxe grec de Jérusalem, copropriétaire du Tombeau de la Vierge (lieu du dernier repos de la mère de Jésus, selon une tradition chrétienne), a publié un communiqué faisant état d’« une tentative de porter atteinte physiquement à (un) archevêque (qui officiait) et d’agresser un prêtre ».

Le communiqué de la police ne mentionne qu’un seul agresseur, « entré dans l’église (en) criant et menaçant les personnes présentes avec une barre de fer »« Il n’y a pas eu de blessés », ajoute le texte.

D’autres attaques contre des chrétiens

Bilal Abou Nab affirme qu’« un religieux a été blessé au front », que l’un des agresseurs criait et proférait « des insultes et le deuxième tenait une barre de fer et frappait » des fidèles. « Nous avons appelé la police, mais ils sont arrivés sur les lieux après plus d’une demi-heure », ajoute-t-il. Entre-temps, dit-il, l’un des agresseurs avait été maîtrisé, mais l’autre s’était enfui.

« Les attaques terroristes par des groupes israéliens radicaux visant des églises, des cimetières et des propriétés chrétiennes, en plus des agressions physiques et verbales contre le clergé chrétien sont devenues quasi quotidiennes, et leur intensité augmente de façon évidente en période de fêtes chrétiennes », déplore le Patriarcat.

En janvier, un cimetière épiscopalien de Jérusalem avait été profané, et en février, une statue du Christ vandalisée dans une chapelle franciscaine de la Vieille Ville.

Ville sainte pour les trois monothéismes, Jérusalem est au cœur des tensions du conflit israélo-palestinien. En décembre 2021, des responsables d’églises locales avaient affirmé que les chrétiens étaient « devenus la cible d’attaques répétées de la part de groupes radicaux et marginaux » à Jérusalem et ailleurs en Terre sainte et dénoncé l’inaction des autorités israéliennes.

Rémi Brague : « Dans l’islam, Dieu est au-dessus de l’Histoire »

 
entretien
  • Rémi BraguePhilosophe, professeur émérite de philosophie à l’université Paris I et à l’université Louis-et-Maximilien de Munich

Le philosophe Rémi Brague publie chez Gallimard Sur l’islam, une présentation générale de l’islam à l’usage des non-musulmans. Catholique, il a longtemps enseigné la philosophie de langue arabe, et suggère aujourd’hui de délaisser nos catégories chrétiennes pour tenter de comprendre l’islam.

  • Recueilli par Marguerite de Lasa, 
Rémi Brague : « Dans l’islam, Dieu est au-dessus de l’Histoire »
 
Rémi Brague a publié début février chez Gallimard Sur l’islam.©MASSIMILIANO MIGLIORATO/CPP / /IPA AGENCY/MAXPPP

La Croix : Quel est votre objectif avec ce livre ?

Rémi Brague : Je l’ai écrit pour me clarifier les idées. J’ai enseigné pendant vingt ans la philosophie de langue arabe, mais des penseurs comme Avicenne, Averroès et Al Farabi ont un rapport complexe à l’islam.

J’avais donc un but de philosophe : mettre de la clarté, introduire des distinctions là où il y a beaucoup de confusions et de préjugés, dans un sens comme dans l’autre. Surtout, j’ai voulu m’interroger sur nos difficultés à comprendre l’islam tel qu’il se comprend lui-même, car nous avons tous, croyants comme athées, des lunettes chrétiennes.

Vous expliquez que le « véritable islam » peut renvoyer aussi bien au fondamentalisme qu’à l’islam mystique… Pourquoi est-il si périlleux de le définir ?

R. B. : Tout le monde prétend incarner le véritable islam. Les musulmans se critiquent mutuellement à qui mieux mieux. Les gens d’Al-Azhar prennent leur distance – discrètement, d’ailleurs – par rapport aux gens de Daech, lesquels accusent tous les autres musulmans d’être des « vendus » aux Occidentaux. Comme il n’y a pas de magistère, pape ou grand sanhédrin, n’importe qui peut dire ce qu’est l’islam. Personnellement, je n’ai aucune autorité pour dire quel est le véritable islam. Par contre, je peux essayer de montrer la continuité de certaines idées. Du IXe au XIXe siècle, il y a par exemple l’idée que la raison humaine n’est pas capable de dire ce qui plaît à Dieu. La révélation ne porte donc pas sur la nature de Dieu mais sur sa volonté.

C’est une grande différence avec le christianisme

R. B. : Oui, c’est une sorte de chassé-croisé. Le christianisme, avec saint Thomas d’Aquin, dit : « Dieu est difficile à connaître, nous avons besoin de voies pour prouver son existence. » En revanche, pour savoir comment nous comporter, nous avons la raison naturelle. L’islam dit exactement le contraire. L’existence de Dieu est une évidence : il suffit d’ouvrir les yeux, de voir les merveilles de la création, et Dieu est là.

Par contre, pour savoir s’il faut se laisser pousser la barbe ou se la raser, s’il faut que les femmes portent un voile ou non, la raison ne suffit pas. Nous chrétiens, avons du mal à comprendre pourquoi beaucoup de musulmans considèrent que ne pas manger de porc, ou se tailler la moustache, c’est important. Pour nous, cela relève du culturel, voire du folklore.

Et pourquoi est-ce si important pour les musulmans ?

R. B. : Parce qu’ils considèrent que cette loi vient directement de Dieu. Nous, chrétiens, vivons sous l’autorité de la conscience, dont notre civilisation pensait jusqu’à il y a peu que c’était la voix de Dieu. Rousseau s’exclame : « Conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix. » Mais la théocratie en islam, c’est simplement le fait que la loi est censée venir de Dieu. Certes, il y a des médiations : le droit islamique (fiqh) est humain, puisque c’est la manière dont on comprend et applique des injonctions divines.

Mais pour un musulman pieux, si le Coran dit par deux fois que les femmes doivent faire quelque chose – on ne sait trop quoi – avec une pièce de tissu, c’est Dieu qui le dit. Quant aux hommes, un hadith du Prophète leur commande : « Ne faites pas comme les chrétiens, laissez-vous pousser la barbe et taillez votre moustache. » Et le Coran dit que Mohammed est « le bel exemple » (XXXIII, 21). Si Dieu le veut, il faut obtempérer.

Cela a pour conséquence que leurs « valeurs dépendent de l’arbitraire divin », dites-vous.

R. B. : Oui, il y a là une discussion classique en philosophie, dès l’Euthyphron de Platon : Est-ce que certaines pratiques sont bonnes parce que Dieu les commande ? Ou est-ce que Dieu les commande parce qu’elles sont bonnes ? Un chrétien répond : les valeurs font partie de Dieu, elles sont un prisme dans lequel se décompose la lumière divine. C’est la thèse que soutiennent la majorité des philosophes : Dieu commande les choses parce qu’elles sont bonnes. En islam, en revanche, les choses sont bonnes parce que Dieu les a commandées. Si l’on considère que le bien est autre chose que Dieu, on se livre au seul péché que Dieu ne pardonne jamais, à savoir l’association (chirk).

Pour expliquer le moindre développement de la théologie en islam par rapport aux mathématiques ou à l’astronomie, vous affirmez que, « l’islam ayant d’emblée un contenu plausible, il n’a pas connu les défis du mystère chrétien ». Que voulez-vous dire ?

R. B. : La théologie vise à expliciter le mystère à l’aide de catégories d’origine philosophique. En islam, vous n’avez pas besoin de ça : il n’y a qu’un seul Dieu, il a tout créé et envoie des prophètes de temps en temps, dont le message est le même si les peuples auxquels ils ont été confiés ne le trafiquent pas. C’est plausible : il n’y a pas besoin d’un effort intellectuel prodigieux pour dire cela.

En revanche, dire que Dieu est un dans la communion des trois personnes, c’est plus difficile. Même chose pour expliquer qu’il y a dans la personne du Christ la nature humaine et la nature divine. En revanche, dans le kalâm, les traités de théologie islamique, il s’agit de montrer que le dogme est plausible, et les autres croyances absurdes. C’est de l’apologétique, qui ne constitue qu’une partie de la théologie chrétienne.

Quelle est la différence dans la conception de Dieu entre le christianisme et l’islam ?

R. B. : Pour un musulman, Dieu est inconnaissable. Nous pouvons connaître sa volonté, mais n’avons aucune idée de ce qu’il est. D’ailleurs, le christianisme est en partie d’accord : « Si comprehendisnon est Deus » : « Si je peux en faire le tour, c’est que ce n’est pas Dieu », disait saint Augustin. Mais chez les chrétiens, on peut essayer de s’en approcher, parce que Dieu a commencé par s’approcher de nous. Finalement, ce qui distingue vraiment le christianisme et le judaïsme d’un côté, et l’islam de l’autre, c’est la notion d’alliance. Le fait que Dieu ait une aventure avec l’humanité. Dans l’islam, il est au-dessus de l’Histoire.

Sénégal: l'appel au calme des imams et oulémas face à un contexte politique tendu

 

Un appel au dialogue a été lancé, mardi 7 mars, par l’Association nationale des imams et oulémas. À moins d’un an de la présidentielle, prévue le 25 février 2024, le climat politique est crispé entre pouvoir et opposition qui ont multiplié ces dernières semaines des mobilisations aux allures de démonstrations de force. De quoi inquiéter les chefs religieux musulmans du pays.

Avec notre correspondante à Dakar, Charlotte Idrac

L'Institut islamique de Dakar était rempli, ce mardi 7 mars. Les imams, oulémas ou leurs émissaires sont venus des 14 régions et 46 départements du pays. « L’heure est grave » pour le président de l’Association, l’imam El Hadj Oumar Diène : « Notre pays traverse un moment difficile, secoué par un vent de phénomènes non contrôlés, de paroles agressives, menaçant sa stabilité. Privilégions le civisme et le dialogue, tout en respectant les lois qui régissent nos institutions. »

Dans un contexte marqué par des procédures judiciaires visant l’opposant Ousmane Sonko – pour des accusations de viol et de diffamation –, par le silence du président Macky Sall sur une éventuelle candidature à un troisième mandat, et des appels à la « résistance » ou « au combat », l’imam Moctar Ndiaye appelle à la responsabilité :

« Nous lançons un appel solennel aux acteurs politiques afin que la paix et la stabilité puissent véritablement régner d'ici l'horizon 2024. Ici, au Sénégal, nous sommes des régulateurs, des fédérateurs, des modérateurs très écoutés. Nous lançons aussi un appel au respect des chefs religieux, à ce qu'ils ne soient point stigmatisés. »

Un appel qui sera relayé dans les mosquées pour la prière, ce vendredi 10 mars.