Lecture spirituelle pour l’été : Jacques Ellul, théologien de l’espérance
Le penseur protestant Jacques Ellul (1912-1994) a décrypté toute sa vie « les mutations considérables de notre temps », en cherchant à répondre à la question : « Comment vivre en chrétien dans ce monde technicien ? » Trente ans après sa mort, son œuvre n’a rien perdu de sa pertinence.
Prier 15 jours avec Jacques Ellul
par Frédéric Rognon
Nouvelle Cité, 128 p., 13,90 €
Frédéric Rognon est professeur de philosophie des religions à l’université de Strasbourg. Il a déjà consacré sept ouvrages à la pensée de Jacques Ellul. Il s’attache ici à nous présenter sa spiritualité, en avertissant le lecteur : « Passer quinze jours avec Jacques Ellul, à raison d’un texte à méditer chaque jour, c’est entrer dans une aventure particulièrement “corrosive”. »
La pensée d’Ellul est en effet un appel constant au « non-conformisme », dans une société où la technique est devenue le nouveau « sacré » contemporain, de laquelle seule l’être humain attend son salut. La course aux technologies, à la production, à la consommation sans limites, est une absurdité mortifère dont il faut se libérer. Comment ?
Par la prière, d’abord. L’homme contemporain ne prie plus, parce qu’il en a perdu le sens véritable : une « rencontre de la personne vivante avec le Dieu vivant ». Une seule raison de prier subsiste aujourd’hui, « c’est d’accepter d’obéir au commandement », écrit Ellul : « Veillez et priez », demande le Christ. L’écouter « relève de la liberté, celle d’un enfant de Dieu qui se place face à son Père pour accueillir sa Parole et en vivre. »
L’auteur montre ensuite comment, chez Ellul, la prière, la foi et l’espérance sont les armes nécessaires d’un combat contre l’absence et le silence de Dieu, la « déréliction ». Il lance au lecteur l’invitation à se mettre à l’écoute de la Bible, et à s’appuyer sur la foi en l’Incarnation et en la Résurrection pour inventer un mode de vie libérateur, ordonné à une éthique de la non-puissance, c’est-à-dire du discernement et du renoncement à faire tout ce que la technique rend possible.
Faciles à lire, les quinze courts chapitres de ce livre sont d’une densité qui rend compte de la cohérence et de la richesse d’une pensée théologique loin d’être hors sol et intemporelle. Si Ellul, à la fin de sa vie, se désolait de n’avoir pas été entendu, son pessimisme devant l’état du monde restait « pétri d’une invincible espérance », reconnaissant que « le dernier mot revient à Dieu ».