Dialogue interreligieux

« Lorsque nous travaillons pour les âmes, nous ne pouvons user que de persuasion et d'amour... Nous ne pouvons rien faire tant que nous n'avons pas persuadé les gens autour de nous qu'ils sont aimés... » (Cardinal Lavigerie, 1885)

« Nous croyons qu'en toute religion il y a une secrète présence de Dieu, des semences du Verbe qui reflètent un rayon de sa lumière... » (Chapitre 1967)

« Nous célébrons et partageons cette vie avec Dieu lorsque nous allons à la rencontre des cultures et des religions... nous réjouissant de la foi vivante de ces croyants et les rejoignant dans leur quête de la Vérité, cette Vérité qui nous rend tous libres. » (Chapitre 1998)

Missionnaires, nous sommes appelés à faire les premiers pas pour rencontrer les personnes, qu'elles que soient leurs convictions, leur religion.

Au Burkina Faso, cette réalité se traduit surtout dans la rencontre respectueuse et évangélique avec les adeptes des religions traditionnelles et avec les musulmans.

Dans cette rubrique, nous étudierons divers aspects de ces religions, particulièrement de l'islam.

Festival Saint-Laurent à Lourdes : « Les pauvres ont tellement de choses à dire sur l’Évangile ! »

Le Festival Saint-Laurent, qui se tient du 8 au 10 août au sanctuaire de Lourdes, organisé par le Secours catholique et le Réseau Saint-Laurent, a invité ses 1 200 participants, dont beaucoup de personnes en situation de précarité, à vivre la fraternité. Geneviève Gimelle, membre d’un groupe du Réseau Saint-Laurent à Rennes, et Jean-Marie Martin, directeur du festival, racontent le sens de ce rassemblement.

  • Propos recueillis par Juliette Vienot de Vaublanc, 
 
Festival Saint-Laurent à Lourdes : « Les pauvres ont tellement de choses à dire sur l’Évangile ! »
 
Durant le festival Saint Laurent au sanctuaire de Lourdes, le 8 août 2023.SANCTUAIRE NOTRE-DAME DE LOURDES

La Croix : Le Festival Saint-Laurent a réuni 1 200 participants, dont beaucoup en situation de précarité, du 8 au 10 août à Lourdes. Quel est le sens de ce rassemblement ?

Geneviève Gimelle : C’est un festival qui célèbre la charité. Dans l’Église, la charité ne manque pas, mais si on agit pour les pauvres sans les pauvres, on fait contre eux ! Nous pourrions passer notre temps à lister nos ennuis, mais nous avons aussi besoin de rire et de chanter, d’où l’importance de ce rassemblement. Nous sommes des personnes qui avons la foi, mais ne se sentent pas forcément bien écoutés, alors que nous avons tellement de choses à dire sur l’Évangile !

Jean-Marie Martin : Il ne s’agit pas d’un festival misérabiliste mais dédié à la diaconie (la mise en œuvre de l’Évangile de Jésus-Christ au service de la personne, notamment des plus pauvres, NDLR). Ce n’est pas « sortons les mouchoirs et pleurons ensemble ! ». Il y a une vraie joie qui se vit, malgré les moments difficiles que peuvent traverser les participants.

Ce rassemblement permet aussi de créer des ponts entre les groupes du Réseau Saint-Laurent [qui réunissent localement des personnes vivant de façon précaire pour parler de leur foi, NDLR] et le reste de la vie de l’Église. Tous les après-midi, il y a par exemple un marché des talents qui permet aux groupes d’exprimer leur foi et leur manière de vivre la fraternité, et de les partager aux autres.

La Croix : Quelle est la genèse de ce festival ?

J-M. M. : Le Festival Saint-Laurent est un des fruits de Diaconia, qui a eu lieu à Lourdes en 2013. Ce grand rassemblement de l’Église catholique en France avait réuni 12 000 participants, dont 4 000 qui vivaient en grande précarité. L’idée était d’écouter ce que les pauvres avaient à dire aux prêtres et aux évêques.

J’ai été interpellé dès la première réunion de préparation qui intégrait des personnes précarisées. Les participants ont bien insisté : ils ne voulaient pas parler des injustices ou des questions sociales. Ils disaient que ces discussions se tenaient déjà dans les associations. Ici, ils voulaient parler de leur foi.

La Croix : Quel bilan tirez-vous de cette initiative, dix ans après ?

G.G. : Diaconia a permis de lancer une réflexion sur la place et la parole des pauvres dans l’Église. Les participants ont par exemple expliqué qu’ils aimeraient pouvoir aller à l’église sans se sentir jugés.

J.-M. M. : Diaconia a donné plus de force et de légitimé aux pauvres pour oser proposer des choses et aller taper à la porte de l’évêque. C’est ce que j’observe pour les groupes du Réseau Saint-Laurent, dont le nombre est passé de 35 à 160 depuis cet événement. Je vois le verre qui se remplit, mais tout doucement. On ne met pas en place la diaconie comme on installerait une machine à café ! Le réseau se développe à la vitesse de la rencontre avec les pauvres, qui ne se laissent pas aborder du jour au lendemain. Il faut du temps pour se mettre à leur écoute.

La Croix : Dans son encyclique Laudato si’, le pape François invite à se mettre à l’écoute de la « clameur des pauvres ». Où en est-on de leur intégration dans l’Église ?

J.-M. M. : Le Covid-19 et la situation sociale n’aident pas, puisqu’ils renvoient toujours à la question alimentaire. Mais les paroles du pape, qui met en valeur la place des pauvres dans l’Église, aident à faire changer les choses. Nous nous référons à lui, et plusieurs groupes du réseau Saint-Laurent ont pu le rencontrer. Il leur a accordé une vraie attention. Mais nous sentons aussi que son discours n’est pas forcément apprécié dans certains milieux catholiques.

G. G. : Je ne dirais pas que son pontificat a changé les choses. Il y a toutefois une évolution dans la place réservée aux pauvres. Par exemple, pour Diaconia en 2013, des prêtres ouvriers de Rennes m’avaient expliqué qu’ils ne viendraient pas, parce que les gens trop pauvres n’avaient rien à donner. Cette année, ils seront là. Il y a toujours des gens qui sont prêts à accepter de se mettre à l’écoute des pauvres, et d’autres qui ont tellement envie de donner qu’ils n’écoutent pas forcément leurs besoins.

DIALOGUE ISLAMO-CHRÉTIEN : UNE EXPÉRIENCE HUMAINE ET SPIRITUELLE

Un article rédigé par Amaury Perrin - RCF, le 17 avril 2023  -  Modifié le 17 juillet 2023
Dialogue islamo-chrétien : une expérience humaine et spirituelle
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Le Carême et le Ramadan, deux évènements phares des religions chrétienne et musulmane, ont à peu près coïncidé cette année et soulèvent la question du dialogue islamo-chrétien. Beaucoup de personnes et d’associations considèrent que ce dialogue doit être davantage développé et œuvrent en communauté dans cette direction.

 

© Gerd Altmann de Pixabay
 
                        © Gerd Altmann de Pixabay
 

En France, le christianisme et l’islam sont les deux religions principales. Elles comportent respectivement 38 et 6 millions de croyants, réunissant ainsi à elles seules plus de la moitié de la population française. Pourtant, elles apparaissent souvent comme contraires, que ce soit en raison des discours parfois tenus sur la scène publique ou à cause d’une méconnaissance générale. Cependant, des points communs existent entre celles-ci. “Il faut créer des liens et des ponts entre elles”, estime Hélène Millet, ancienne co-présidente chrétienne du Groupe d'Amitiés Islamo-Chrétienne (GAIC).

Marie, figure commune aux religions chrétienne et musulmane

Cette figure centrale dans la Bible, est aussi “le seul personnage féminin mentionné explicitement dans le Coran”, indique Haydar Demiryurek, co-président musulman du GAIC. Marie est un modèle de foi entre les deux religions. Elle est notamment priée par un grand nombre de musulmanes puisqu’elle est “présentée comme la mère de Jésus, un prophète vénéré dans l’islam”, explique Haydar Demiryurek. Jacques, un auditeur, raconte : “Comme bénévole dans une association, je suis amené à côtoyer beaucoup de musulmans ; la médaille de Marie que je porte à mon cou est souvent le déclencheur d’intenses partages. Une femme m’a dit récemment, quand on prie, vous et moi, on se tourne dans la même direction”. 

Selon Gérard Testard, président et fondateur de l'association Efesia, “Marie permet tout de même d’avoir une participation de bénévoles musulmans jusqu’à 30 ou 40%. Ils l'aiment !”. Ce dernier cite en particulier l'association Ensemble avec Marie, qui réunit beaucoup de chrétiens et musulmans. Cela facilite la rencontre, “mais le travail reste à faire”, confie-t-il.

Construire et développer le dialogue : un enjeu majeur

Le ramadan touche à sa fin, et à cette occasion se tient, vendredi 21 avril, l’iftar. Après un mois de spiritualité intense, ce repas est important dans la religion musulmane et met fin au jeûne. Ainsi, beaucoup de musulmans offrent à d’autres, notamment à des chrétiens, la possibilité de partager avec eux ce repas. C’est ce qui est fait au GAIC : “on a une réelle volonté de faire connaître chacune des religions à l’autre”, indique Haydar Demiryurek et de compléter “lorsqu’on se rencontre en tant que croyants, cela donne lieu à des moments forts en émotion et à des actions. Il suffit d’un prétexte pour se rencontrer”.

Les demandes sont importantes des deux côtés et partout dans le monde. On a besoin les uns des autres”, estime Gérard Testard. C’est pourquoi une vision se développe petit à petit à travers le monde. “Il y a une constante recherche de prises de décisions communes et d’activités menées en commun, de développer l'amitié”, raconte Hélène Millet.

Parmi les actions mises en place, l’association Efesia propose par exemple des moments de prière, d'échanges sur la vie et la spiritualité. “Nous faisons aussi des visites en prison, dans des collèges et lycées où vont un chrétien et un musulman pour témoigner de leur engagement mutuel et de leur fraternité”, détaille Gérard Testard. En effet, la construction d’un dialogue passe également par une sensibilisation des jeunes générations de chrétiens et de musulmans. “Il y a des différences irréductibles entre les deux religions mais il suffit d'en être conscient, de parler, et de s'écouter les uns les autres”, explique le président et fondateur de l'association.

Encore quelques défis à relever

L'altérité reste l’un des défis majeurs à dépasser pour bâtir un dialogue aux fondations solides. “L’ignorance est omniprésente aujourd’hui. Les croyances sont différentes et cela demande de se contrôler soi-même pour éviter de mal réagir”, précise Hélène Millet. “Dans notre société telle qu’elle est organisée, les musulmans dans un quartier et les chrétiens dans un autre, il faut créer des raisons de se rencontrer puisqu’elles ne sont généralement pas naturelles”, ajoute l'ancienne co-présidente du GAIC. 

Mais il est possible de travailler sur les amalgames, “il suffit d’être ouvert et de ne pas être identitaire en étant serein sur son appartenance et son identité”, estime Gérard Testard. Le dialogue islamo-chrétien n’est ainsi pas en panne. “S’écouter et être capable de partager est essentiel ; la finalité reste la fraternité universelle”, complète-t-il.

Le pape François met en garde les prêtres contre la mondanité spirituelle

Analyse 

Le pape François a adressé au cœur de l’été, lundi 7 août, une lettre aux prêtres de son diocèse de Rome dans laquelle il lance une vibrante mise en garde contre la mondanité spirituelle et le cléricalisme, au lendemain des Journées mondiales de la jeunesse.

  • Clémence Houdaille, 
Le pape François met en garde les prêtres contre la mondanité spirituelle
 
Le pape François lors d’une messe au Vatican, le 23 juillet. Dans une lettre publiée par le Vatican le 7 août, le pape met les prêtres de son diocèse de Rome en garde contre la mondanité spirituelle.EVANDRO INETTI/ZUMA PRESS/MAXPPP 

Le Vatican a publié lundi 7 août une longue lettre du pape adressée aux prêtres de son diocèse de Rome. À peine revenu du Portugal, où les Journées mondiales de la jeunesse ont réuni 1,5 million de jeunes fidèles du monde entier, le pape François semble prendre le contre-pied du succès de ce rassemblement en mettant en garde les prêtres romains : « Notre ministère sacerdotal ne se mesure pas à l’aune des succès pastoraux. »

C’est « en chemin » avec eux, «proche d’(eux) dans (leurs) joies et (leurs) souffrances, dans (leurs) projets et (leurs) travaux, dans (leurs) amertumes et (leurs) consolations pastorales» que le pape écrit ce texte qui se révèle être un vibrant avertissement contre la mondanité spirituelle, le « plus grand danger pour l’Église », selon Henri de Lubac.

Si la mondanité spirituelle est dangereuse, c’est « parce qu’elle est un mode de vie qui réduit la spiritualité aux apparences : elle nous conduit à être des “marchands d’esprit”, des hommes revêtus de formes sacrées qui, en réalité, continuent de penser et d’agir selon les modes du monde. »

Le cléricalisme « peut toucher tout le monde, même les laïcs et les agents pastoraux »

Le pape explique en quoi cette mondanité spirituelle est une « tentation douce et insidieuse », appelant les prêtres à « une vigilance intérieure ». Poursuivant l’analyse, il les alerte sur une forme dérivée de mondanité, le cléricalisme, cette «maladie qui nous fait perdre la mémoire du baptême » et nous conduit « à vivre l’autorité dans les différentes formes de pouvoir, sans humilité mais avec des attitudes détachées et hautaines ».

Si sa lettre s’adresse particulièrement aux prêtres du diocèse de Rome, François souligne que le cléricalisme « peut toucher tout le monde, même les laïcs et les agents pastoraux ».

Comment remédier à cette maladie, qui se reconnaît à « la perte de l’esprit de louange et de la gratuité joyeuse » et à un « climat de critique et de colère » ? En retrouvant « l’esprit sacerdotal » qui invite à « se faire serviteurs du peuple de Dieu et non maîtres » et, « en initiant des parcours synodaux », à « chercher humblement des chemins pastoraux inspirés par l’Esprit ».

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« La destruction de la cathédrale d’Odessa, un symbole qui peut contribuer au rejet de la guerre »

 
tribune
  • Richard Pétrisprésident de l’École de la paix – Grenoble

Pour Richard Pétris, membre du mouvement des Clubs français pour l’Unesco, la destruction partielle de la cathédrale d’Odessa, qui a frappé l’opinion mondiale, peut contribuer au rejet de la guerre, en se portant au secours de l’humain et de la paix.

  • Richard Pétris, 
« La destruction de la cathédrale d’Odessa, un symbole qui peut contribuer au rejet de la guerre »
 
Cette photographie prise le 23 juillet 2023 montre des fragments de la cathédrale de la Transfiguration détruite par un tir de missile à Odessa, dans le cadre de l'invasion russe de l'Ukraine.OLEKSANDR GIMANOV/AFP

L’incendie accidentel de Notre-Dame de Paris, il y a quatre ans, a provoqué une émotion intense chez les Parisiens et auprès de publics divers et nombreux dans le monde que les travaux de restauration de la cathédrale tiennent en haleine. La destruction partielle de la cathédrale de la Transfiguration d’Odessa par des missiles russes, il y a quelques jours, va inévitablement remuer une opinion publique choquée par les dégâts considérables provoqués par l’agression de l’Ukraine et déjà alertée par l’Unesco sur les risques courus par le patrimoine historique du grand port de la mer Noire.

Est-il indécent de s’émouvoir ainsi devant de telles pertes matérielles lorsque l’on sait de quelles souffrances humaines s’accompagnent les combats auxquels se livrent la Russie et l’Ukraine et qui font peser une menace de conflagration planétaire ? Que révèlent le choc de ces événements et les réactions des opinions ?

Protestation de l’Unesco

Il est justement important de prendre la mesure de tout ce qui frappe les esprits et fait réagir les hommes et les femmes d’aujourd’hui dans un univers qui ne cesse d’évoluer. Cette émotion, dans un monde qui demeure traversé par des tragédies très inégalement repérées et devant néanmoins pousser à l’action, est en fait à l’aune de l’observation des conflits contemporains et de ce à quoi nous faisons désormais référence pour les conjurer et construire la paix.

La protestation que vient d’élever l’Unesco après le bombardement d’Odessa est salutaire et révélatrice de la manière dont doivent être aussi considérés aujourd’hui, et de plus en plus, les critères d’un développement humain qui est la condition en même temps que la jauge la plus intéressante d’un progrès véritable. L’état de barbarie, épouvantail qu’on agite à juste titre, n’est encore que trop présent en divers lieux et circonstances, mais il est symptomatique que le « processus civilisationnel » récemment évoqué et qui rime avec culturel, le soit comme le seul horizon qui vaille. Car il s’agit bien de culture avant toute chose, dans le sens le plus large de cette dimension de l’activité humaine et de la vie en société.

Revenons ainsi sur l’incroyable tentative de mutinerie de la milice Wagner, il y a quelques semaines, en marche sur Moscou puis faisant soudainement volte-face pour rentrer dans ses quartiers, sur cette leçon d’éducation à la paix par l’absurde, en quelque sorte, qu’a pu représenter ce spectacle anarchique et sidérant dans un pays engagé dans une guerre anachronique et vaine.

Comment, en effet, peut-on imaginer qu’un État digne de ce nom puisse offrir, sur de telles bases, une perspective crédible de gouvernance et de développement sociétal à son propre peuple, à ses voisins et au reste du monde ? Un tel chaos peut-il constituer une alternative sérieuse aux démocraties affublées aujourd’hui de tous les maux ?

Palmyre détruit

Il s’agit bien d’une leçon pour l’histoire. Le saccage, au début de ce siècle, des monuments de Palmyre, également classés par l’Unesco pour leur valeur patrimoniale universelle, doit rester dans les mémoires pour toujours, et il faut en même temps souligner ce que dit du multilatéralisme au service de la construction de la paix la mission de cette organisation du système des Nations unies vouée à l’éducation, à la science et à la culture.

Sur fond d’une sécularisation de plus en plus généralisée, si le symbole menacé des cathédrales peut constituer un enjeu, c’est sans doute aussi en contribuant au rejet de la guerre, en se portant au secours de l’humain et de la paix, là où la défense du premier n’y parvient que si difficilement. Car il n’y a pas d’équivoque possible : ce qui est en question, c’est bien la promesse de paix qui doit rester faite à des êtres de chair et non le seul sauvetage d’œuvres de pierre !

Que reste-t-il des JMJ de Cracovie pour la Pologne ?

25 000 pèlerins polonais s’apprêtent à partir aux JMJ de Lisbonne. Sept ans après, certains responsables ecclésiaux estiment que celles de Cracovie « ont dynamisé la pastorale des jeunes » et limité l’effondrement de leur participation à la messe dominicale.

  • Magda Viatteau, 

 

Que reste-t-il des JMJ de Cracovie pour la Pologne ?
 
La veillée de prière au Campus Misericordiae à Cracovie, le 30 juillet 2016.JEAN-MATTHIEU GAUTIER/CIRIC
Que reste-t-il des JMJ de Cracovie pour la Pologne ?
 

Varsovie (Pologne)

De notre correspondante

« Il est difficile de parler de fruits des JMJ de Cracovie », soupire le père Tomasz Koprianiuk, responsable du bureau d’organisation polonais des JMJ à Lisbonne. « Depuis 2016, nous avons vécu tellement de bouleversements – la pandémie, la guerre en Ukraine, et les scandales pédophiles… La confiance en l’Église a été radicalement ébranlée, surtout parmi les jeunes. Le potentiel de Cracovie s’est éteint », déplore-t-il. D’après de récents sondages, le nombre de catholiques pratiquants âgés de 18 à 24 ans a chuté de 69 % en 1992 à 23 % en 2021 ; et pour les 25-34 ans, de 62 à 26 %.

Dorota Abdelmoula, à l’époque porte-parole du comité d’organisation central, se veut plus positive. « Il me paraît inconcevable qu’un événement de cette importance n’ait eu aucun impact sur l’Église et les jeunes qui y ont participé. Mais il y a des choses dont les statistiques ne rendent pas compte, puisqu’il s’agit d’une expérience individuelle », avance celle qui travaille aujourd’hui au Vatican pour le dicastère pour les laïcs, la famille et la vie.

« On pourrait se demander à quoi ressemblerait l’Église polonaise s’il n’y avait pas eu les JMJ », suggère l’historien Mateusz Zimny, 35 ans, ancien coordinateur de l’équipe de traduction. Lui-même se dit persuadé que les statistiques seraient « encore pires »« Les JMJ ont indéniablement dynamisé la pastorale des jeunes dans les paroisses et diocèses. Les prêtres ont dû former des groupes qui, très souvent, ont perduré, même de manière informelle. » C’est le cas de la « Petite famille des JMJ » de la paroisse Sainte-Famille de Chelm (est). Dès 2014, une vingtaine de jeunes entraînés par le père Karol Mazur s’y rencontrent une fois par mois pour préparer Cracovie, tant sur le plan spirituel que logistique.

Après l’événement, le groupe commence à se déliter, plusieurs personnes déménagent, mais d’autres les remplacent à la veille des JMJ de Panama en 2019. « Depuis deux ans, à la demande des jeunes, nous nous voyons chaque semaine. Nous sommes partis en vacances ensemble, avons fondé un groupe musical, participé à des foires pour réunir des fonds nécessaires au voyage à Lisbonne », raconte le père Mazur. Des jeunes du groupe sont aussi allés dans des écoles à la rencontre des lycéens. « Nous avons voulu leur présenter les JMJ, mais aussi leur montrer qu’on peut faire quelque chose de sympa ensemble. »

Deux jeunes les ont rejoints grâce à ces visites. Au total, ils seront 17 au Portugal. La préparation des JMJ a aussi requis la création de structures dédiées à l’évangélisation des jeunes dans les diocèses qui en étaient jusque-là privés, à Gdansk, Poznan, Bielsko-Biala… Elle a aussi entraîné la formation d’une nouvelle génération de prêtres, qui participaient à Cracovie comme séminaristes ou jeunes vicaires, souligne Mgr Grzegorz Suchodolski, secrétaire général du comité d’organisation des JMJ de Cracovie, à présent responsable de la pastorale des jeunes au sein de l’épiscopat.

Dans le même temps, de jeunes laïcs ont été poussés à devenir, ne serait-ce que ponctuellement, protagonistes au sein de l’Église, s’accordent à dire plusieurs interlocuteurs de La Croix. Pour Mgr Suchodolski, cela a été « une formidable leçon de synodalité ». Il regrette cependant que cet élan n’ait pas perduré. « Quand tout est ”rentré dans l’ordre” après les JMJ, il s’est souvent avéré que les paroisses ont manqué d’idées sur ce que l’on pourrait faire de ces jeunes… Certainement leur potentiel aurait pu être mieux employé à l’époque. » Sur un autre plan, le fait d’avoir côtoyé de jeunes croyants du monde entier, accueillis dans des familles pendant les journées diocésaines, a aussi contribué à la formation spirituelle des catholiques polonais.

« Pendant plusieurs décennies, nous avons cru au mythe d’une Église polonaise ayant atteint sa plénitude, se suffisant à elle-même et par conséquent renfermée, reconnaît Mgr Suchodolski. Les JMJ nous ont permis de voir l’Église universelle, une Église non seulement de langues diverses mais aussi de différentes cultures et approches des défis contemporains. » Selon les estimations du bureau d’organisation, près de 25 000 jeunes Polonais s’apprêtent à rejoindre Lisbonne. « Nous n’avons été aussi nombreux qu’à deux reprises par le passé, à Paris en 1997 (25 000) et à Rome en 2000 (50 000) », relève Mgr Suchodolski qui y voit « un signe incontestable de redynamisation ».