Le Festival Saint-Laurent, qui se tient du 8 au 10 août au sanctuaire de Lourdes, organisé par le Secours catholique et le Réseau Saint-Laurent, a invité ses 1 200 participants, dont beaucoup de personnes en situation de précarité, à vivre la fraternité. Geneviève Gimelle, membre d’un groupe du Réseau Saint-Laurent à Rennes, et Jean-Marie Martin, directeur du festival, racontent le sens de ce rassemblement.
La Croix : Le Festival Saint-Laurent a réuni 1 200 participants, dont beaucoup en situation de précarité, du 8 au 10 août à Lourdes. Quel est le sens de ce rassemblement ?
Geneviève Gimelle : C’est un festival qui célèbre la charité. Dans l’Église, la charité ne manque pas, mais si on agit pour les pauvres sans les pauvres, on fait contre eux ! Nous pourrions passer notre temps à lister nos ennuis, mais nous avons aussi besoin de rire et de chanter, d’où l’importance de ce rassemblement. Nous sommes des personnes qui avons la foi, mais ne se sentent pas forcément bien écoutés, alors que nous avons tellement de choses à dire sur l’Évangile !
Jean-Marie Martin : Il ne s’agit pas d’un festival misérabiliste mais dédié à la diaconie (la mise en œuvre de l’Évangile de Jésus-Christ au service de la personne, notamment des plus pauvres, NDLR). Ce n’est pas « sortons les mouchoirs et pleurons ensemble ! ». Il y a une vraie joie qui se vit, malgré les moments difficiles que peuvent traverser les participants.
Ce rassemblement permet aussi de créer des ponts entre les groupes du Réseau Saint-Laurent [qui réunissent localement des personnes vivant de façon précaire pour parler de leur foi, NDLR] et le reste de la vie de l’Église. Tous les après-midi, il y a par exemple un marché des talents qui permet aux groupes d’exprimer leur foi et leur manière de vivre la fraternité, et de les partager aux autres.
La Croix : Quelle est la genèse de ce festival ?
J-M. M. : Le Festival Saint-Laurent est un des fruits de Diaconia, qui a eu lieu à Lourdes en 2013. Ce grand rassemblement de l’Église catholique en France avait réuni 12 000 participants, dont 4 000 qui vivaient en grande précarité. L’idée était d’écouter ce que les pauvres avaient à dire aux prêtres et aux évêques.
J’ai été interpellé dès la première réunion de préparation qui intégrait des personnes précarisées. Les participants ont bien insisté : ils ne voulaient pas parler des injustices ou des questions sociales. Ils disaient que ces discussions se tenaient déjà dans les associations. Ici, ils voulaient parler de leur foi.
La Croix : Quel bilan tirez-vous de cette initiative, dix ans après ?
G.G. : Diaconia a permis de lancer une réflexion sur la place et la parole des pauvres dans l’Église. Les participants ont par exemple expliqué qu’ils aimeraient pouvoir aller à l’église sans se sentir jugés.
J.-M. M. : Diaconia a donné plus de force et de légitimé aux pauvres pour oser proposer des choses et aller taper à la porte de l’évêque. C’est ce que j’observe pour les groupes du Réseau Saint-Laurent, dont le nombre est passé de 35 à 160 depuis cet événement. Je vois le verre qui se remplit, mais tout doucement. On ne met pas en place la diaconie comme on installerait une machine à café ! Le réseau se développe à la vitesse de la rencontre avec les pauvres, qui ne se laissent pas aborder du jour au lendemain. Il faut du temps pour se mettre à leur écoute.
La Croix : Dans son encyclique Laudato si’, le pape François invite à se mettre à l’écoute de la « clameur des pauvres ». Où en est-on de leur intégration dans l’Église ?
J.-M. M. : Le Covid-19 et la situation sociale n’aident pas, puisqu’ils renvoient toujours à la question alimentaire. Mais les paroles du pape, qui met en valeur la place des pauvres dans l’Église, aident à faire changer les choses. Nous nous référons à lui, et plusieurs groupes du réseau Saint-Laurent ont pu le rencontrer. Il leur a accordé une vraie attention. Mais nous sentons aussi que son discours n’est pas forcément apprécié dans certains milieux catholiques.
G. G. : Je ne dirais pas que son pontificat a changé les choses. Il y a toutefois une évolution dans la place réservée aux pauvres. Par exemple, pour Diaconia en 2013, des prêtres ouvriers de Rennes m’avaient expliqué qu’ils ne viendraient pas, parce que les gens trop pauvres n’avaient rien à donner. Cette année, ils seront là. Il y a toujours des gens qui sont prêts à accepter de se mettre à l’écoute des pauvres, et d’autres qui ont tellement envie de donner qu’ils n’écoutent pas forcément leurs besoins.