Communauté de Taizé : frère Alois se retire de sa charge et nomme son successeur

Explication 

Depuis dix-huit ans à la tête de la communauté œcuménique fondée par Roger Schutz, frère Alois a annoncé, dimanche 23 juillet, qu’il renonçait à sa charge de prieur. Après avoir consulté ses frères, il a choisi comme successeur un Britannique de confession anglicane, le frère Matthew.

  • Céline Hoyeau et Anne-Bénédicte Hoffner, 
Communauté de Taizé : frère Alois se retire de sa charge et nomme son successeur
 
Prière du soir avec le frère Alois, prieur de Taize, le 28 décembre 2022, à Rostock, Allemagne, lors de la 45e rencontre européenne de jeunes de Taizé.HANS SCHERHAUFER/IMAGO VIA REUTERS

« Dix-huit ans après avoir succédé à frère Roger, alors que le monde et l’Église ont tellement changé ces deux dernières décennies, j’ai senti que le moment était venu qu’un frère entré après moi dans notre communauté reprenne ma responsabilité. » C’est ainsi que le frère Alois, prieur de Taizé depuis 2005, vient d’annoncer dans un message à ses proches qu’il renonçait à sa charge.

La nouvelle est inattendue pour cette communauté dont la règle ne fixe pas le terme ni la durée du mandat du supérieur. Son fondateur, Frère Roger, a été prieur de la communauté dont il avait eu l’intuition en 1941 jusqu’à sa mort tragique en 2005.

« Cela fait déjà plusieurs années que j’y réfléchis, et j’ai parlé à tous les frères il y a deux ans pour engager la réflexion : je sentais la nécessité de faire entrer la communauté dans une nouvelle étape de son existence, explique à La Croix frère Alois. L’Église et le monde changent tellement que je me demandais : quel est l’appel d’Évangile pour nous aujourd’hui ? ».

Délicate mission de succéder à Roger Schutz

Allemand de confession catholique, entré à l’âge de 20 ans dans la communauté œcuménique, Alois Löser a eu la lourde et délicate mission de succéder au charismatique fondateur de Taizé assassiné en 2005 au cours d’une veillée de prière. Frère Roger l’avait désigné déjà depuis huit ans pour lui succéder le moment venu.

Fr. Alois était alors chargé des relations avec l’Europe de l’Est. Dans les années 1980, il est régulièrement de l’autre côté du rideau du fer, visitant les communautés chrétiennes en Allemagne de l’Est, en Pologne, en Tchécoslovaquie… Autant de pays où Taizé a acquis, par sa présence aux moments douloureux, un immense prestige. Tout naturellement, dès la chute du mur de Berlin, les jeunes de l’Est fourniront de gros bataillons de participants aux Rencontres européennes organisées chaque année dans une métropole au moment du Nouvel An. Comme frère, fr. Aloïs a consacré beaucoup de temps à l’écoute et à l’accompagnement des jeunes, une attention qu’il a conservée ensuite durant son prieurat.

« Sans être soumis à une situation d’urgence »

Au moment de passer lui-même la main, il insiste sur son souhait de « préparer ce passage sans être soumis à une situation d’urgence ». Faut-il y voir l’influence de son compatriote, le pape émérite Benoît XVI ? S’il dit avoir « admiré sa décision de se retirer en 2013 », il assure qu’elle « n’a pas interféré » dans la sienne.

Le prieur de la communauté de Taizé réfute également tout lien avec la révélation, ces dernières années, d’abus sexuels commis en son sein. Le 18 octobre 2019, un frère de la communauté avait été arrêté, présenté devant un juge d’instruction et placé en détention provisoire pour des faits de viol et d’agression sexuelle.

« Non, il n’y a pas de lien direct, assure fr. Alois. Mais il est vrai que recevoir la parole des personnes victimes d’agressions sexuelles et d’abus spirituels commis par des frères a marqué, ces dernières années, ma mission de prieurGrâce à elles, nous avons commencé tout un cheminement pour revisiter notre vocation comme frères et pour améliorer notre dispositif de protection, afin que Taizé soit un lieu sûr pour les jeunes qui y viennent. Tout cela a sans doute pesé dans ma réflexion et je pense que, dans ce domaine aussi, un nouveau prieur devrait à présent poursuivre ce travail qui a été entamé ».

Besoin de consulter tous les frères

Le changement est significatif pour la communauté, tant cet homme d’écoute et de parole, né en 1954 à Ehingen-am-Ries, près de Stuttgart, de confession catholique et entré en 1974 dans cette communauté qu’il fréquentait déjà depuis plusieurs années, représentait encore une forme de continuité avec frère Roger. Sur ses traces, il a gardé les grandes intuitions de départ, tout en développant la présence des frères au-delà de la colline bourguignonne, avec des petites communautés de frères vivant un peu partout dans le monde. Alors que la règle de Taizé prévoit simplement que « le prieur désigne un frère pour assurer une continuité après lui », il dit avoir senti, lui, « le besoin de consulter tous les frères avant de décider lequel sera le nouveau prieur ».

Mais après avoir « prié, réfléchi » avec la communauté, c’est lui qui a choisi son successeur : ce sera frère MatthewDe nationalité britannique, né le 10 mai 1965 à Pudsey (Royaume-Uni) et entré à 21 ans à Taizé, Andrew Thorpe dans le civil a la particularité d’être anglican. « Une alternance d’appartenance confessionnelle d’un prieur à l’autre » que fr. Alois voit comme « un signe important », un rappel de sa vocation à rechercher l’unité chrétienne, et même à être « selon l’intuition de son fondateur, une “petite parabole de communion” »

Le passage de relais se fera le 3 décembre prochain, le 1er dimanche de l’Avent, après plusieurs événements majeurs pour la communauté de Taizé, à commencer par le grand rassemblement œcuménique prévu pour l’ouverture de la phase romaine du Synode sur l’avenir de l’Église et confié par le pape François à la communauté, le 30 septembre prochain, puis l’invitation de frère Alois à participer au synode lui-même.

La communauté œcuménique de Taizé rassemble une centaine de frères, catholiques et de diverses origines protestantes, de trente nationalités : 75 environ à Taizé et 25 dans des sept fraternités à travers le monde, en Asie, en Afrique et en Amérique latine.