Dialogue interreligieux

« Lorsque nous travaillons pour les âmes, nous ne pouvons user que de persuasion et d'amour... Nous ne pouvons rien faire tant que nous n'avons pas persuadé les gens autour de nous qu'ils sont aimés... » (Cardinal Lavigerie, 1885)

« Nous croyons qu'en toute religion il y a une secrète présence de Dieu, des semences du Verbe qui reflètent un rayon de sa lumière... » (Chapitre 1967)

« Nous célébrons et partageons cette vie avec Dieu lorsque nous allons à la rencontre des cultures et des religions... nous réjouissant de la foi vivante de ces croyants et les rejoignant dans leur quête de la Vérité, cette Vérité qui nous rend tous libres. » (Chapitre 1998)

Missionnaires, nous sommes appelés à faire les premiers pas pour rencontrer les personnes, qu'elles que soient leurs convictions, leur religion.

Au Burkina Faso, cette réalité se traduit surtout dans la rencontre respectueuse et évangélique avec les adeptes des religions traditionnelles et avec les musulmans.

Dans cette rubrique, nous étudierons divers aspects de ces religions, particulièrement de l'islam.

Éric-Emmanuel Schmitt : un pèlerin de la Terre sainte

Critique 

L’écrivain a accepté l’invitation du Vatican d’être un « pèlerin parmi les pèlerins » et d’écrire son journal. La découverte de la Terre sainte s’est révélée être une véritable expérience spirituelle pour l’auteur de L’Évangile selon Pilate.

  • Christophe Henning, 
Éric-Emmanuel Schmitt : un pèlerin de la Terre sainte
 
En quelques pages tenues, pudiques, Eric-Emmanuel Schmitt décrit comment, dans l’enceinte du Saint-Sépulcre et au pied de la croix, il se trouve happé par le Christ.AFIF H.AMIREH/ALBIN MICHEL

Le Défi de Jérusalem

de Éric-Emmanuel Schmitt

Albin Michel, 224 p., 19,90 €

« Croire reste un saut. Se rallier au christianisme ne relève pas du rationnel, c’est consentir à un signe. » En mettant ses pas dans ceux de Jésus de Nazareth, Éric-Emmanuel Schmitt n’attendait pas vraiment un signe. En passionné de l’histoire humaine, il était prêt à vivre ce pèlerinage en Terre sainte avec ce qu’il faut de curiosité. Et la Galilée, ses espaces naturels, les bords du lac ont tenu leur promesse. Mais à Nazareth, gagné par l’activité trépidante d’une grande ville, l’écrivain philosophe rechigne. « Suis-je déçu ? Non, je reçois ma première leçon : l’unique berceau de l’extraordinaire est l’ordinaire. »

C’est à la demande du Vatican et de la Librairie vaticane qu’Éric-Emmanuel Schmitt a pris son bâton de pèlerin à l’automne 2022. Et s’il acceptait d’écrire son journal en se glissant au milieu d’un groupe pour découvrir en simple pèlerin ? Il est prêt à tout, lui qui a déjà été touché par la grâce lors d’une « nuit de feu », à 28 ans, en se perdant dans le désert : « J’entrai dans le Sahara athée, j’en ressortis croyant. (…) À partir de cette nuit, la pensée de Jésus ne me lâcha plus. »

Les premiers jours du pèlerin romancier tiennent plus de la description critique que de la piété. À Nazareth toujours : « Je pénètre dans la basilique aux harmonieux volumes bétonnés et me referme comme une coquille. Je n’aime guère ces tableaux venus de divers pays, encore moins l’immense mosaïque de la nef. Pire, ils me rebutent. » Aucun pèlerin n’échappe à cette confrontation : deux mille ans séparent les lieux saints de la fraîcheur de l’Évangile… Sur les hauteurs du Thabor censé être la montagne de la Transfiguration, un pèlerin explique : « Ce qui importe, ce n’est pas que l’emplacement soit ou pas le bon pour célébrer l’événement, c’est la méditation qu’il propose. »

Devant Jérusalem

Bethléem. Arrivée à la basilique de la Nativité. Une messe se déroule dans la grotte, gardée par des moines peu arrangeants. « La messe s’achève, mais des moines, pas plus attentifs à nous qu’à des mouches inopportunes, nous bousculent et descendent nettoyer la grotte. » Le journal de voyage d’Éric-Emmanuel Schmitt est fait de ces réalités triviales, et aussi des questions politiques : « Si tu comprends quelque chose à la situation de Jérusalem aujourd’hui, c’est qu’on t’a mal expliqué », lui confie-t-on. « Pour la première fois devant elle, j’ignore si je goûte ou si je déteste Jérusalem. Elle m’impressionne. En quoi l’amour proclamé de Jésus correspond-il à cette citadelle guerrière, péremptoire, inhospitalière ? »

Le retournement s’est fait attendre. Il n’en sera que plus profond. En quelques pages tenues, pudiques, l’auteur de L’Évangile selon Pilate décrit comment, dans l’enceinte du Saint-Sépulcre et au pied de la croix, il se trouve happé par le Christ : « Pour ce qui est du regard sur moi, je ne parviens pas à lutter. Il me fige, il m’irradie, il m’ausculte, il me transperce, rien de moi ne lui échappe et pourtant, dans le même temps, il m’enveloppe de bienveillance. »

Retour de pèlerinage

Le chemin de croix dans les ruelles millénaires de Jérusalem prend tout son sens. « À Jérusalem plus que partout ailleurs, Dieu nous provoque, il ne nous pousse pas seulement vers le divin, il invoque notre humanité dans ce qu’elle a de pluriel, de composite, d’enclin à l’harmonie. » D’un pèlerinage, on ne revient pas indemne : « S’ouvrir à une réalité transcendante étonne d’abord, détruit ensuite. Il faut se reconstruire, tout repenser, modifier son vocabulaire, s’aboucher avec d’autres références. Changer. »

Premier lecteur de ce journal de pèlerinage, le pape François signe une postface : « La Terre sainte nous offre ce grand don : le christianisme est l’expérience d’un fait historique. Cet événement, cette Personne, on peut encore les rencontrer ici, dans les collines ensoleillées de Galilée, dans les étendues du désert de Judée, dans les ruelles de Jérusalem. »

À Lourdes, une collaboration inédite entre évêques et laïcs sur les abus dans l’Église

Récit 

Au cours de leur Assemblée plénière à Lourdes, les évêques de France ont travaillé sur 60 propositions contre les abus dans l’Église, élaborées essentiellement par des laïcs. Les évêques devront se prononcer par votes sur ces préconisations, jeudi 30 mars.

  • Héloïse de Neuville (à Lourdes), 
À Lourdes, une collaboration inédite entre évêques et laïcs sur les abus dans l’Église
 
Les évêques et des laïcs, réunis à Lourdes lors de l’Assemblée plénière du 28 au 31 mars.LAURENT FERRIERE/HANS LUCAS VIA REUTERS

Il a fallu que le travail commence pour que la tension retombe. C’est peu dire que la petite centaine de laïcs et de clercs qui planche bénévolement depuis un an et demi sur des propositions pour lutter contre les abus dans l’Église attendait cette rencontre à Lourdes de pied ferme, entre impatience et appréhension.

Les évêques – qui les avaient missionnés un an et demi plus tôt, après le rapport Sauvé – allaient-ils vraiment s’emparer de leurs recommandations, « honorer » leurs milliers d’heures de travail et finalement jouer le jeu de la collaboration ?

Du côté des évêques aussi, il y avait quelques doutes sur la capacité de ces neuf groupes de travail à prendre en compte leurs remarques. « L’écoute a été profonde des deux côtés et l’échange a vraiment apaisé les craintes mutuelles », affirme Hervé Balladur, laïc qui a coordonné les efforts de tous les groupes de travail. De fait, à la sortie de leurs travaux communs, nombre d’évêques comme de laïcs exprimaient leur grande satisfaction. « On a vraiment senti qu’on travaillait d’égal à égal avec les évêques », salue un participant.

Étant donné le nombre de thèmes, il a fallu jouer serré à Lourdes. Trois séances, cinq heures au total pour discuter et amender ensemble les 60 propositions. Un temps court qui n’a pas empêché des échanges de fond, parfois âpres. Probablement grâce à la méthode choisie qui, bien que s’éloignant des codes traditionnels du travail dans l’Église, a semblé efficace aux participants : chaque groupe de travail présentait, dans l’hémicycle où se tiennent d’habitude les discussions entre évêques, ses propositions autour d’un stand dédié. Les évêques, libres de déambuler autour de ces différents stands, ont pu s’arrêter et demander des précisions sur les propositions.

Ordination d’hommes mariés et gommettes rouges

À l’issue de cette première session de travail à laquelle les journalistes n’étaient pas conviés, les évêques se sont positionnés à l’aide de couleurs. Gommette verte ? La proposition leur convenait parfaitement. C’est le cas notamment des recommandations élaborées par le groupe de travail 1, dédié à la généralisation des bonnes pratiques devant des cas d’abus signalés.

Une gommette jaune signifiait que des propositions restaient, selon les évêques, à retravailler, dans leur formulation ou sur le fond. La gommette rouge signalait, elle, une opposition franche à une mesure. Sans surprise, la recommandation suggérant aux évêques de plaider au Vatican pour l’ordination d’hommes mariés s’est vue recouverte de gommettes rouges. L’ouverture du diaconat aux femmes et la prédication des laïcs ont reçu un accueil d’un ton jaune orangé, mitigé donc, sans être toutefois définitivement rejetés. Les évêques semblant ouverts à une prédication des laïcs, hors du cadre de la messe.

« Le système des gommettes peut faire sourire, mais ces codes couleurs permettent de sortir du pour ou contre un peu binaire et d’engager de vraies discussions », explique Mgr Bruno Valentin, évêque de Carcassonne. Lui-même, jeune évêque de 51 ans, qui a encore « une bonne vingtaine d’années d’épiscopat devant lui », s’est dit intéressé par les propositions du groupe consacré à l’accompagnement des évêques (mentorat d’un évêque aîné, soutien psychologique professionnel…).

Une Église aux moyens toujours plus contraints

Peu de propositions ont reçu des oppositions de principe, mais bon nombre d’entre elles ont pu susciter des résistances par leur formulation ou leur caractère jugé « maximaliste ». Souvent des compromis ont pu être trouvés. Un bon exemple de cette dynamique consensuelle est le travail accompli sur la recommandation de communiquer « systématiquement » autour des sanctions canoniques visant des prêtres.

Si évêques comme laïcs s’accordaient sur la nécessité de faire évoluer la culture du secret sur les sanctions, les évêques ont aussi alerté sur les impératifs canoniques et juridiques qui pouvaient empêcher une communication « systématique ». Une position médiane a donc été retenue : la mise en place d’une réflexion systématique sur l’opportunité de communiquer une sanction ou pas et, si oui, à qui, dans quel cadre… Résultat : sans toutefois donner une totale satisfaction à la proposition initiale des équipes de travail, la communication autour des sanctions canoniques cesse d’être un impensé et le changement de culture autour de cette question est lancé.

Parmi les propositions qui ont suscité un accueil mitigé, figuraient notamment celles qui prévoyaient plus de collégialité au niveau de la province dans les décisions prises jusque-là par les seuls évêques en leur diocèse. « Certains ne veulent pas voir diluer leur responsabilité », souligne l’un d’eux.

De manière générale, parmi toutes les propositions formulées par les groupes de travail revient très fréquemment la mise en place de nombreux comités de suivi, de pilotage, à plusieurs niveaux de l’Église, dans une optique de cadrer son fonctionnement. Des structures supplémentaires, certes utiles, mais qu’il faudrait mettre en œuvre dans une institution aux ressources humaines et financières toujours plus contraintes.

Beaucoup d’évêques s’interrogent : vaut-il mieux voter la création de ces nouvelles instances, pour lancer un changement de culture et faire preuve de bonne volonté, ou les rejeter pour ne pas susciter d’attentes que le contexte économique ne permettra pas ?

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Une fin d’Assemblée dense

Jeudi 30 mars, les évêques poursuivront leur travail sur la réforme des structures de la Conférence épiscopale – engagée depuis 2021 – appelée « chemin de transformation ». Lors de son discours d’ouverture, Mgr Éric de Moulins-Beaufort a pointé deux écueils au statu quo : les limites de l’organisation en place depuis quinze ans et surtout, l’équilibre budgétaire fragilisé de la Conférence des évêques de France (CEF).

Dans la journée de jeudi, Marie Derain de Vaucresson, présidente de l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr), voulue par la CEF, et Gilles Vermot-Desroches, président du Fonds de secours et de lutte contre les abus sur mineurs (Selam), interviendront devant les évêques.

Un court temps doit également être consacré aux Jeux olympiqueset paralympiques de Paris 2024. Concernant, un autre sujet d’actualité, la fin de vie, le Conseil permanent de la CEF a publié, mardi, un nouvel appel en faveur de « l’aide active à vivre ».

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Ramadan 2023 : chez les jeunes générations, un jeûne plus sobre, organisé et spirituel

Enquête 

Pendant le Ramadan, qui commence cette année jeudi 23 mars, les nouvelles générations de musulmans expriment un souci plus grand de spiritualité, d’alimentation sobre et d’organisation. Des aspirations qui reflètent une subtile évolution de la population musulmane en France et de son rapport à l’islam.


S’il devait identifier une différence entre sa manière de vivre le Ramadan et celle de ses parents, Mohammed parlerait de la nourriture. Au moment de la rupture du jeûne, après le coucher du soleil et la prière de Maghreb, ses parents préparent une table garnie de nombreux plats traditionnels – chorba (1) ou bricks – symbole d’un moment de grande convivialité et de partage vécu en famille pendant ce mois « béni » en islam.

Mais Mohammed, lui, accorde moins d’importance à l’abondance du repas. Le jeune homme de 28 ans voudrait se contenter du minimum pour pouvoir jeûner le lendemain, et préfère éviter de manger trop gras ou trop sucré. « C’est un moment où le corps peut se purifier, et c’est dommage de le gâcher avec une mauvaise alimentation », estime ce sportif. Pour lui, le Ramadan est une sorte d’entraînement spirituel, qui se vit aussi bien dans son corps que dans son âme. Il s’est fixé un objectif : lire entièrement le Coran en arabe. Chaque année, il a le sentiment de sortir de ce temps « purifié », d’être « plus proche de Dieu et de son coran ».

Pendant le Ramadan, qui débute jeudi 23 mars, s’exprime chez les nouvelles générations de musulmans un recentrage sur la dimension spirituelle du jeûne, le souci d’une alimentation plus saine et sobre, ainsi qu’un effort d’organisation optimale pour atteindre ses objectifs spirituels. Cette subtile évolution traduit l’ascension sociale de jeunes générations de musulmans dont les aspirations se mêlent à celles des classes moyennes et supérieures, mais surtout - chez certains - le passage d’un islam culturel à un islam plus spirituel et intériorisé.

« Une expérience spirituelle »

« On observe une sorte d’embourgeoisement d’une partie des populations musulmanes en France, liées à des trajectoires d’ascension sociale, par rapport à la génération de primo-arrivants qui était majoritairement issue de classes populaires », explique Sarah Aïter, doctorante en sociologie politique et spécialiste de l’islam. « La génération suivante, qui a davantage accès à l’éducation et aux études supérieures, adopte les modes de consommation de la société majoritaire », décrit-elle. Ce souci d’une alimentation saine pendant le Ramadan se décline ainsi le reste de l’année par le développement d’une demande de produits halal éthiques, voire bio.

Le rapport à la religion, lui aussi, évolue. « Pour la génération précédente, l’islam représente un héritage culturel qui n’a pas forcément été réinterrogé personnellement et intimement », développe Sarah Aïter. Parmi les plus jeunes, certains vivent encore leur religion sur un mode identitaire, ou se focalisent sur l’observation stricte des rites. « Mais une partie de la nouvelle génération a un souci de spiritualité beaucoup plus fort. Pendant le Ramadan, il ne s’agit pas seulement de jeûner et de faire une belle table, mais de vivre une expérience spirituelle. »

Cette situation se retrouve chez Emira, lycéenne de 17 ans à Strasbourg. Sa mère, tunisienne, jeûne la journée, cuisine deux heures toutes les après-midi pour préparer l’iftar (2), et réveille ses filles avant le lever du soleil pour qu’elles fassent leur prière, mais elle-même ne prie pas. Sa fille, Emira, s’efforce, elle, de faire toutes ses prières à l’heure et se rend à la mosquée le soir après la prière de ichaa, pour effectuer les tarawih, prières nocturnes surérogatoires, autrement dit non obligatoires. « Pour les nouvelles générations de musulmans, je n’hérite pas seulement de l’islam, je le rechoisis, précise Sarah Aïter. Il y a une volonté de redonner un sens aux pratiques. »

« Le mois du contrôle de soi »

Le Ramadan est ainsi vécu comme le mois du changement, celui de l’examen spirituel et de conscience. « Vous avez un mois pour changer vos habitudes », disent souvent les imams dans les mosquées, rapporte Sarah Aïter. Oussama, 23 ans, étudiant à Strasbourg, attend ce mois-là avec impatience. C’est le moment où il tourne la page de l’année précédente et prend de bonnes résolutions. « C’est une renaissance », décrit-il. « Notre corps se débarrasse des impuretés, on essaie de se passer du superflu, de ne penser qu’à Dieu, aux bonnes actions et d’être attentif aux autres. C’est le mois du contrôle de soi », poursuit celui qui prévoit de débrancher ses réseaux sociaux et s’est fixé un programme de lecture du Coran.

De fait, le souci d’organisation est particulièrement présent dans les préparatifs de ce temps très exigeant. Oussama va s’efforcer de concilier les prières, la lecture du Coran, le manque de sommeil dû aux prières nocturnes, avec sa licence de langues et son service civique. Mafory, 15 ans, s’est aussi procuré un « planner » de Ramadan, de ceux qui fleurissent sur les présentoirs des librairies musulmanes, pour cocher toutes les prières qu’elle fait et l’avancement de ses lectures spirituelles. « On observe un recoupement de notions spirituelles et de développement personnel », commente Sarah Aïter, qui note l’attention à « optimiser son temps » et à « se fixer des objectifs ».« C’est un peu comme un challenge, conclut Oussama. Un mois où Dieu va nous tester. »

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Le Ramadan, « mois de bénédiction »

Pendant le mois de Ramadan, les musulmans jeûnent de l’aube au coucher du soleil. Ils s’abstiennent alors de manger, de boire, de fumer et d’avoir des relations sexuelles. Ils évitent aussi de pratiquer des péchés tels que le mensonge, la calomnie et la colère.

Par le jeûne, le fidèle doit éprouver aussi les privations que vivent les pauvres tout au long de l’année. Enfin, au niveau spirituel, le jeûne doit lui permettre de se rapprocher de Dieu. C’est le quatrième pilier de l’islam.

L’observance du Ramadan est considérée comme source de bénédiction dans l’islam : la tradition musulmane dit que, pendant cette période, les portes du ciel sont ouvertes.

(1) La chorba est une soupe traditionnelle d’Afrique du Nord. Pendant le Ramadan, elle est servie traditionnellement après la rupture du jeûne.

(2) Repas de rupture du jeûne, après le coucher du soleil.

Ramadan 2023 : chez les jeunes générations, un jeûne plus sobre, organisé et spirituel

Enquête 

Pendant le Ramadan, qui commence cette année jeudi 23 mars, les nouvelles générations de musulmans expriment un souci plus grand de spiritualité, d’alimentation sobre et d’organisation. Des aspirations qui reflètent une subtile évolution de la population musulmane en France et de son rapport à l’islam.

  • Marguerite de Lasa, 

Regardez la vidéo ci-dessous :

https://youtu.be/7JbKT8ik7xs

 

S’il devait identifier une différence entre sa manière de vivre le Ramadan et celle de ses parents, Mohammed parlerait de la nourriture. Au moment de la rupture du jeûne, après le coucher du soleil et la prière de Maghreb, ses parents préparent une table garnie de nombreux plats traditionnels – chorba (1) ou bricks – symbole d’un moment de grande convivialité et de partage vécu en famille pendant ce mois « béni » en islam.

Mais Mohammed, lui, accorde moins d’importance à l’abondance du repas. Le jeune homme de 28 ans voudrait se contenter du minimum pour pouvoir jeûner le lendemain, et préfère éviter de manger trop gras ou trop sucré. « C’est un moment où le corps peut se purifier, et c’est dommage de le gâcher avec une mauvaise alimentation », estime ce sportif. Pour lui, le Ramadan est une sorte d’entraînement spirituel, qui se vit aussi bien dans son corps que dans son âme. Il s’est fixé un objectif : lire entièrement le Coran en arabe. Chaque année, il a le sentiment de sortir de ce temps « purifié », d’être « plus proche de Dieu et de son coran ».

Pendant le Ramadan, qui débute jeudi 23 mars, s’exprime chez les nouvelles générations de musulmans un recentrage sur la dimension spirituelle du jeûne, le souci d’une alimentation plus saine et sobre, ainsi qu’un effort d’organisation optimale pour atteindre ses objectifs spirituels. Cette subtile évolution traduit l’ascension sociale de jeunes générations de musulmans dont les aspirations se mêlent à celles des classes moyennes et supérieures, mais surtout - chez certains - le passage d’un islam culturel à un islam plus spirituel et intériorisé.

« Une expérience spirituelle »

« On observe une sorte d’embourgeoisement d’une partie des populations musulmanes en France, liées à des trajectoires d’ascension sociale, par rapport à la génération de primo-arrivants qui était majoritairement issue de classes populaires », explique Sarah Aïter, doctorante en sociologie politique et spécialiste de l’islam. « La génération suivante, qui a davantage accès à l’éducation et aux études supérieures, adopte les modes de consommation de la société majoritaire », décrit-elle. Ce souci d’une alimentation saine pendant le Ramadan se décline ainsi le reste de l’année par le développement d’une demande de produits halal éthiques, voire bio.

Le rapport à la religion, lui aussi, évolue. « Pour la génération précédente, l’islam représente un héritage culturel qui n’a pas forcément été réinterrogé personnellement et intimement », développe Sarah Aïter. Parmi les plus jeunes, certains vivent encore leur religion sur un mode identitaire, ou se focalisent sur l’observation stricte des rites. « Mais une partie de la nouvelle génération a un souci de spiritualité beaucoup plus fort. Pendant le Ramadan, il ne s’agit pas seulement de jeûner et de faire une belle table, mais de vivre une expérience spirituelle. »

Cette situation se retrouve chez Emira, lycéenne de 17 ans à Strasbourg. Sa mère, tunisienne, jeûne la journée, cuisine deux heures toutes les après-midi pour préparer l’iftar (2), et réveille ses filles avant le lever du soleil pour qu’elles fassent leur prière, mais elle-même ne prie pas. Sa fille, Emira, s’efforce, elle, de faire toutes ses prières à l’heure et se rend à la mosquée le soir après la prière de ichaa, pour effectuer les tarawih, prières nocturnes surérogatoires, autrement dit non obligatoires. « Pour les nouvelles générations de musulmans, je n’hérite pas seulement de l’islam, je le rechoisis, précise Sarah Aïter. Il y a une volonté de redonner un sens aux pratiques. »

« Le mois du contrôle de soi »

Le Ramadan est ainsi vécu comme le mois du changement, celui de l’examen spirituel et de conscience. « Vous avez un mois pour changer vos habitudes », disent souvent les imams dans les mosquées, rapporte Sarah Aïter. Oussama, 23 ans, étudiant à Strasbourg, attend ce mois-là avec impatience. C’est le moment où il tourne la page de l’année précédente et prend de bonnes résolutions. « C’est une renaissance », décrit-il. « Notre corps se débarrasse des impuretés, on essaie de se passer du superflu, de ne penser qu’à Dieu, aux bonnes actions et d’être attentif aux autres. C’est le mois du contrôle de soi », poursuit celui qui prévoit de débrancher ses réseaux sociaux et s’est fixé un programme de lecture du Coran.

De fait, le souci d’organisation est particulièrement présent dans les préparatifs de ce temps très exigeant. Oussama va s’efforcer de concilier les prières, la lecture du Coran, le manque de sommeil dû aux prières nocturnes, avec sa licence de langues et son service civique. Mafory, 15 ans, s’est aussi procuré un « planner » de Ramadan, de ceux qui fleurissent sur les présentoirs des librairies musulmanes, pour cocher toutes les prières qu’elle fait et l’avancement de ses lectures spirituelles. « On observe un recoupement de notions spirituelles et de développement personnel », commente Sarah Aïter, qui note l’attention à « optimiser son temps » et à « se fixer des objectifs ».« C’est un peu comme un challenge, conclut Oussama. Un mois où Dieu va nous tester. »

(1) La chorba est une soupe traditionnelle d’Afrique du Nord. Pendant le Ramadan, elle est servie traditionnellement après la rupture du jeûne.

(2) Repas de rupture du jeûne, après le coucher du soleil.

Ramadan 2023 : Quelles sont les dates de début et de fin du jeûne musulman cette année ?

ISLAM 

Ce mois de jeûne est très important pour les musulmans puisqu’il représente l’un des cinq piliers de l’Islam

 
luneetoile

Le Ramadan, mois de jeûne, de prières et de partage pour les musulmans, devrait débuter jeudi 23 mars. Les partisans du calcul scientifique, comme le Conseil français du culte musulman l’ont déjà annoncé. La Grande Mosquée de Paris qui prend en compte ce calcul, mais aussi l’observation lunaire, devrait confirmer cette date mardi. Le Ramadan est un des cinq piliers de l’Islam.

Pour 2023, l’annonce solennelle de la date de début du jeûne doit intervenir après « la nuit du doute », pendant laquelle la Commission théologique devrait se baser sur les résultats des travaux portant sur l’adoption du calcul scientifique et des données astronomiques universelles.

Basé sur le calendrier lunaire

Pour déterminer la date de début du Ramadan, c’est la lune qui est observée car le calendrier musulman repose sur un calendrier lunaire. Ainsi, un nouveau mois débute à chaque nouvelle lune. Certains considèrent qu’il faut absolument observer le tout premier croissant de la nouvelle Lune pour que le Ramadan puisse débuter.

D’autres décident, en plus, de se baser sur des calculs astronomiques pour pouvoir laisser le temps aux pratiquants de s’organiser. Ainsi, toujours selon les calculs scientifiques, ce mois béni pourrait prendre fin le vendredi 21 avril, après 29 jours de jeûne.

Cinq millions de pratiquants

« La Grande Mosquée de Paris invite les musulmans de France à se préparer spirituellement au jeûne du mois béni de Ramadan dans la piété, la solidarité et l’unité. », indique dans un communiqué le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-eddine Hafiz.

 Selon l’Insee, ce sont cinq millions de croyants qui pratiquent le Ramadan chaque année en France. L’islam serait la deuxième religion du pays et la communauté musulmane de France serait la plus importante en Europe. Dans le monde, plus de 1,5 milliard de personnes pratiqueraient ce mois de jeûne.

Et au Burkina ? la même chose !

La Fédération des Associations Islamiques du Burkina (FAIB) a annoncé, mercredi, le début du jeûne de Ramadan pour le jeudi 23 mars. Selon le communiqué, le croissant lunaire a été aperçu dans plusieurs localités notamment à Kombissiri, Manga, Garango, Tenkodogo, Fada N’Gourma, Banfora et Nouna.

Dans le communiqué, le Président du Présidium de la Fédération des Associations Islamiques du

Burkina (FAIB) a porté à la connaissance des musulmans et de l’ensemble de la communauté nationale, que le croissant lunaire marquant le début du jeûne de Ramadan a été aperçu ce jour 22 mars 2023 dans plusieurs localités du Burkina Faso par les équipes d’observation déployées à cet effet. Par conséquent, précise la FAIB, le jeûne de Ramadan commence au Burkina Faso le jeudi 23 mars 2023.

« Aussi la FAIB met-elle à la disposition des fidèles musulmans via sa page

Facebook, un calendrier de début et de rupture du jeûne par région », ajoute le communiqué.

« A l’occasion de cet événement de haute spiritualité, le Président du Présidium invite les frères et sœurs musulmans à redoubler d’efforts dans l’adoration, les invocations, la bienfaisance, la solidarité, l’amour et la fraternité », peut-on lire dans le communiqué.

Lamine Traoré / Oméga médias