Dialogue interreligieux

« Lorsque nous travaillons pour les âmes, nous ne pouvons user que de persuasion et d'amour... Nous ne pouvons rien faire tant que nous n'avons pas persuadé les gens autour de nous qu'ils sont aimés... » (Cardinal Lavigerie, 1885)

« Nous croyons qu'en toute religion il y a une secrète présence de Dieu, des semences du Verbe qui reflètent un rayon de sa lumière... » (Chapitre 1967)

« Nous célébrons et partageons cette vie avec Dieu lorsque nous allons à la rencontre des cultures et des religions... nous réjouissant de la foi vivante de ces croyants et les rejoignant dans leur quête de la Vérité, cette Vérité qui nous rend tous libres. » (Chapitre 1998)

Missionnaires, nous sommes appelés à faire les premiers pas pour rencontrer les personnes, qu'elles que soient leurs convictions, leur religion.

Au Burkina Faso, cette réalité se traduit surtout dans la rencontre respectueuse et évangélique avec les adeptes des religions traditionnelles et avec les musulmans.

Dans cette rubrique, nous étudierons divers aspects de ces religions, particulièrement de l'islam.

Pâques orthodoxe : à Jérusalem, une célébration du « Feu sacré » sous restrictions

Reportage 

Le miracle pascal des chrétiens orthodoxes s’est déroulé sous haute surveillance policière samedi 15 avril, à Jérusalem. L’encadrement de la fête, qui attire des milliers de personnes dans la Ville sainte, s’est politisé ces deux dernières années.

  • Clémence Levant, à Jérusalem (correspondance particulière), 
Pâques orthodoxe : à Jérusalem, une célébration du « Feu sacré » sous restrictions
 
La fête du Feu sacré au Saint-Sépulcre, à Jérusalem, le 15 avril 2023.AHMAD GHARABLI/AFP

 

Tariq a dû jouer des coudes pour se faufiler dans le Saint-Sépulcre, tôt ce samedi 15 avril au matin. Venu de Nazareth pour vivre la fête du Feu sacré à Jérusalem, ce chrétien grec-orthodoxe s’est débrouillé pour franchir les différents points de contrôle israéliens installés dans le quartier chrétien de Jérusalem alors qu’il n’avait pas de laissez-passer, précieux sésame distribué par la police israélienne pour limiter le nombre de personnes à l’intérieur de l’église.

Une tradition millénaire

Plus tôt dans la semaine, celle-ci avait fait savoir qu’elle autoriserait, comme l’année précédente, seulement 1 800 personnes à entrer dans la basilique du Saint-Sépulcre pour cette fête, la plus importante du monde orthodoxe, qui annonce la résurrection de Jésus par l’apparition miraculeuse d’une flamme dans le tombeau du Christ. Cette tradition millénaire attire chaque année des dizaines de milliers de chrétiens à Jérusalem et le Saint-Sépulcre a parfois débordé de plus de 10 000 personnes.

Une décision unilatérale qui réduit de près de 80 % le nombre de fidèles admis. La police la justifie par un renforcement des normes de sécurité et d’évacuation en cas d’incident. Ces précautions font suite à un mouvement de foule qui a provoqué la mort de 45 personnes au sanctuaire juif du mont Méron en 2021. Le quota des 1 800 personnes est, d’après la police, le fruit du calcul « d’un ingénieur de sécurité missionné par les Églises » (un mandat que réfute le Patriarcat grec-orthodoxe), qui a pris en compte « la superficie, la densité, les issues de secours et l’occupation maximale » de la basilique. Or celle-ci ne dispose que d’une seule issue de secours, qui est aussi son entrée principale

« Des restrictions sévères et sans précédent »

Dans une rare unité, les patriarcats grec-orthodoxe et arménien de Jérusalem, ainsi que la Custodie de Terre sainte – les trois communautés gardiennes du Saint-Sépulcre – ont condamné des « restrictions sévères et sans précédent », avant d’appeler tous les chrétiens à se rendre à la cérémonie malgré les limitations.

Tariq fait partie de ceux qui ont répondu à l’appel. Dans un contexte où les gestes de violence et d’intimidation à l’encontre des chrétiens gagnent en intensité et où la minorité chrétienne se sent de plus en plus isolée, dans un pays où les suprémacistes juifs siègent désormais au gouvernement, il n’a pas voulu baisser la tête : « C’est notre fête, ils ne peuvent pas nous empêcher de venir, lance-t-il. C’est facile d’imposer des restrictions aux chrétiens. On est une minorité pacifique. Ils n’ont pas mis de tels quotas sur l’esplanade des Mosquées pendant le Ramadan, ni au Mur occidental pendant la Pâque juive », souligne cet infirmier de 31 ans.

Après cinq heures d’attente des fidèles, le patriarche grec-orthodoxe entre enfin dans le tombeau. Soudain, le Feu sort. Cris. Applaudissements. La foule vibre. Ondule. S’illuminent soudain des milliers de bougies. “Christ est ressuscité” est scandé avec ferveur en russe, grec, arabe. Le Feu sacré se répandra parmi une foule bien plus nombreuse que 1 800 personnes autorisées par les autorités israéliennes.

Jour de fête pour les chrétiens locaux, le « Samedi de la Lumière » s’est progressivement politisé, la gestion des foules et de l’espace par la police israélienne se faisant plus stricte ces deux dernières années. À l’extérieur, le quartier chrétien est bouclé. Plusieurs centaines de policiers ont été déployés. Ils filtrent les entrées à la porte Neuve et à la porte de Jaffa et tiennent près de neuf checkpoints à l’intérieur de la vieille ville, bloquant l’accès à de nombreuses personnes.

Pas de permis pour les chrétiens de Gaza

La frustration s’accumule. Bousculades et tensions font progressivement sauter les barrières. La police riposte avec violence. « La police gère les fidèles comme s’ils étaient des ennemis, dénonce Asaad Mazawi, avocat du Patriarcat grec-orthodoxe qui coordonne la journée avec les autorités israéliennes depuis des années. Beaucoup sont arabes, mais ils viennent pour célébrer, pas pour manifester contre l’État. » Les permis de 700 chrétiens de la bande de Gaza ont également été annulés par Israël quelques jours avant le début des festivités pascales orthodoxes.

Certains pèlerins sont à Jérusalem pour la première fois de leur vie, et spécifiquement pour ce moment. Les chrétiens locaux, de leur côté, vivent mal ce qu’ils perçoivent comme un énième grignotage de leur liberté de mouvement et de culte. « Certaines personnes veulent Jérusalem pour elles seules, au détriment du statu quo religieux qui prévalait jusqu’alors », dénonçait Theophilos III, le patriarche grec-orthodoxe, lors d’un entretien avec des journalistes la semaine avant Pâques. Pour Mgr Pierbattista Pizzaballa, le patriarche latin de Jérusalem, cet équilibre entre les trois religions n’existe désormais plus : « Celui qui a le pouvoir décide. Nous sommes en permanence mis devant le fait accompli. Israël considère les chrétiens comme des invités, alors que nous faisons partie intégrante de l’histoire de Jérusalem, de son identité. »

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Le plus vieux miracle du monde chrétien

La plus ancienne description du Feu sacré remonte à 328. C’est cette date qu’a retenue Patriarcat grec-orthodoxe, bien que le témoignage du pèlerin Bernard le Sage, au IXe siècle, reste la référence bibliographique la plus communément admise.

Célébrée la veille du dimanche de Pâques orthodoxe (décalé de sept jours par rapport au calendrier grégorien), la cérémonie du Feu sacré symbolise la lumière miraculeuse de la résurrection du Christ.

Selon la tradition, ce Saint Feu apparaît sans instrument, ni main humaine au même endroit et à la même heure en remontant de la dalle de marbre qui, toujours selon la tradition chrétienne, protège le lit funéraire du Christ.

Le Feu se transmet de cierge en cierge avant d’être envoyé vers les pays orthodoxes (Grèce, Russie, Roumanie…) grâce à des vols spéciaux.

Pèlerinages catholiques 2023 : Plusieurs destinations à des prix « fraternels »

Accueil > Actualités > Société • LEFASO.NET • lundi 10 avril 2023 à 22h27min 
 
Pèlerinage catholiques 2023 : Plusieurs destinations à des prix « fraternels »

 

La Fraternité des promoteurs des pèlerinages catholiques du Burkina Faso (FPC) a tenu, ce lundi 10 avril 2023, une conférence de presse pour décliner le programme des pèlerinages 2023. Israël, Jérusalem, France, Italie, Canada, Medjugorje en Bosnie-Herzégovine sont autant de destinations pour les pèlerinages catholiques de l’année 2023.

 

Le programme des pèlerinages catholiques est désormais connu. Plusieurs destinations sont proposées à des prix « étudiés ». En effet, il y a Israël, en « Terre sainte », du 11 au 21 juillet 2023, à 1 million 850 francs CFA ; et la date limite des inscriptions court jusqu’en juin 2023. Jérusalem « Terre sainte » est prévue du 18 au 30 juin 2023 et du 17 au 29 juillet 2023, à 1 million 859 francs CFA. Il y a le pèlerinage en Italie du 12 au 25 août 2023. Il coutera aux pèlerins la somme de 1 million 950 francs CFA.

 


La secrétaire permanente de la FPC, Sévérine Traoré, a informé que
pour chaque destination, les places sont limitées à 50 pèlerins.

Il y a aussi le pèlerinage au Canada pour parcourir les grands sanctuaires, du 10 au 30 septembre 2023. Ce voyage de foi coûtera 3 millions de francs CFA et les pèlerins qui désirent y prendre part ont jusqu’en juillet 2023 pour s’inscrire. Medjugorje, en Bosnie-Herzégovine, du 15 au 30 octobre 2023, à 1 million 950 francs CFA. La date limite d’inscription est fixée pour juillet 2023. Il y a enfin le pèlerinage en Côte d’Ivoire, du 9 au 19 août 2023, à 225 000 francs CFA par la route et 700 000 par les airs

 

Irénée Tiendrébéogo a représenté l’Agence Sainte Rita.

Les agences de voyage qui s’occuperont de ces pèlerinages catholiques sont : le Groupe Sainte Philomène, le Groupe d’accueil de Jésus, Fraternité Sainte famille de Bobo-Dioulasso, l’agence Pacific Tour, l’agence Sainte Rita voyage et l’agence Keysia’s Travel.

Selon la secrétaire permanente de la Fraternité des promoteurs des pèlerinages catholiques du Burkina Faso (FPC), Sévérine Traoré, pour chaque destination, les places sont limitées à 50 pèlerins. Les prix cités prennent en compte l’hébergement, la restauration et les déplacements. Pour participer à un des pèlerinages, le pèlerin doit remplir quelques conditions. Pour les pèlerins de la zone Afrique, notamment en Côte d’Ivoire, il faut présenter une Carte nationale d’identité burkinabè (CNIB) ou un passeport à jour, être à jour de ses vaccins et présenter un carnet de baptême à jour des paiements du denier du culte.

 

 

Le président du comité des pèlerinages extérieurs, le Ra Zaag Naaba,
a indiqué qu’il fera le point de cette conférence au cardinal Philippe Ouédraogo.

Pour se rendre en Israël, il faut se munir d’un passeport, être à jour de ses vaccins, présenter un test PCR et son carnet de baptême à jour. Pour la zone Europe, il faut un passeport, un visa et un carnet de baptême à jour et être aussi à jour de ses vaccins. Une autre précision, non des moindres, c’est que chaque groupe de pèlerins sera accompagné par un prêtre. Le président du comité des pèlerinages extérieurs, le Ra Zaag Naaba, a participé à cette conférence. Prenant la parole, il a rassuré tous les pèlerins de la bonne organisation des pèlerinages catholiques. D’ailleurs, a-t-il ajouté, « l’organisation de ces pèlerinages est suivie de près par l’archevêché ».

 

En initiant ces pèlerinages, la FPC entend accompagner et soutenir l’Eglise-famille de Dieu du Burkina Faso dans la consolidation de la foi de ses fidèles.

 

Obissa Juste Mien
Lefaso.net

En Inde, une Pâques sous les étoiles de Madurai

Reportage 

Dans la nuit du samedi 8 avril, La Croix a pu accompagner une famille de catholiques dalits à la vigile pascale d’une paroisse de Madurai, dans le sud du pays. À travers elle, trois générations racontent les défis de la transmission de leur foi dans l’Inde d’aujourd’hui. Pâques en Inde 3/3.

  • Malo Tresca (envoyée spéciale à Madurai, Inde), 
 
En Inde, une Pâques sous les étoiles de Madurai
 
Julius, sa fille Joana et sa femme Sophia reçoivent la flamme du cierge pascal, symbole de la lumière du Christ réssucité, lors de la Vigile organisée samedi 8 avril à la paroisse du Christ-Roi, à Madurai.SENTHIL KUMARAN POUR LA CROIX

Série

Pâques en Inde

Épisode 3/3

Dans un ultime cahotement de moteur, le tuk-tuk s’arrête au bout d’une piste sableuse d’un quartier cossu de l’ouest de Madurai (Tamil Nadu), dans le sud de l’Inde. Derrière un portail entrouvert, l’imposante maison du professeur Julius se dessine enfin, défiant une horde de câbles électriques apparents. Une plaque, apposée sur son fronton, donne le ton : « Dieu régit ce foyer ». Cela n’aura peut-être jamais paru si vrai qu’en cette fin d’après-midi, à quelques heures de la vigile pascale pour laquelle les esprits d’ici se sont déjà tant recueillis.

Pieds nus sur les dalles marbrées, six membres de la famille sont rassemblés autour d’une table garnie de fruits et de pâtisseries. Enseignant le tamoul dans une université locale, le propriétaire des lieux préside à côté de sa femme Sophia, 45 ans, professeur de mathématiques dans une école publique. Il est entouré de sa mère, Mercy Angela Mary, 76 ans, et de sa tante Jeya, 84 ans, dont les épais cheveux blancs noués en chignon tranchent avec les saris bleu et saumon. Les deux enfants du couple, Anton – 14 ans – et Joanna – de deux ans sa cadette – gravitent librement dans la pièce, aimantés par d’autres activités.

Qu’importent les écarts d’âge : dans la famille de Julius, tout le monde a la foi chevillée au corps. « Nous sommes catholiques depuis cinq générations. Cela remonte à l’époque du jésuite Saint François Xavier, venu évangéliser le Tamil Nadu au début du XVIe siècle… », entame fièrement Mercy.

Veuve depuis deux ans, la vieille femme peine à se déplacer, mais prie chaque jour son chapelet. Et regarde assidûment la chaîne catholique « Madha » – « Marie » en tamoul, un nom choisi pour se différencier de la pléthorique concurrence protestante, alors que les communautés évangéliques – et notamment pentecôtistes, très prosélytes – ne cessent de gagner du terrain sur le sous-continent indien.

« Méditer ensemble »

Quant à la transmission de la foi à sa descendance, la matriarche veille au grain. Comme l’exige ici la tradition des mariages arrangés, c’est elle qui a choisi Sophia comme bru. « Je suis la fille d’un ancien hindou, comptable de profession, qui a tout abandonné pour se convertir au catholicisme avant d’épouser ma mère. J’ai donc été aussi éduquée dans un environnement fervent. C’est ce qui a tant plu à ma belle-mère », plaisante la quadragénaire, riant de bon cœur en évoquant sa rencontre avec son époux - née de l’entremise d’une sorte d’« agence matrimoniale » constituée au niveau du diocèse de Madurai.

Depuis, une réelle complicité s’est nouée au sein du couple, cimentée par la solide éducation religieuse donnée à leurs enfants. Catéchisme, groupes de prières, participation à la chorale… « Ils sont très investis. Et tous les soirs, nous nous réunissons aussi pour méditer ensemble autour de la Bible », sourit Julius. Un rituel quotidien qui se tient dans une petite pièce apparentée à une chapelle privée, en contrebas du salon où trône un Christ roi.

L’heure a tourné au domicile familial; les femmes ont troqué leurs saris du jour pour des habits de fête, et paré leurs longs cheveux de fleurs blanches ; les hommes ont revêtu des chemises fraîchement repassées, et noué leurs montres aux poignets. 23 heures approchent, sous les hurlements des chiens errants qui assaillent le quartier à la nuit tombée. Il est temps de s’acheminer doucement vers la paroisse du Christ-Roi, à quelques pas de là, où plus d’un millier de fidèles afflue sur le parvis pavé pour suivre les trois heures de célébration.

Très engagés dans cette paroisse, Julius et Sophia s’installent tout devant. Ils seront parmi les premiers à transmettre la flamme du cierge pascal, symbole de la lumière du Christ ressuscité, aux rangées derrière eux. « À mon époque, on n’avait pas l’électricité : on rapportait ce feu jusqu’à nos cuisines après ! », confie Mercy, avant de se laisser aller à un élan de nostalgie : « j’ai été élevée dans une famille rigoriste ; je trouve la foi des jeunes moins structurée aujourd’hui ».

Discrimination

Ce mouvement de sécularisation frappe souvent les étudiants fraîchement débarqués dans de nouvelles universités. « Ils n’arrivent pas à s’enraciner dans une autre paroisse, et décrochent », regrette Julius, ex-coordinateur diocésain de la pastorale des jeunes de 2012 à 2016. S’inquiéterait-il déjà pour Anton, qui rêve de partir suivre des études en Europe pour devenir astrophysicien ? Il ne le dira pas. « Mais l’autre problème majeur, ce sont les distractions permanentes de cette génération scotchée aux réseaux sociaux », pointe, lui, le père Arulanandam, curé et doyen depuis trois ans de la paroisse du Christ-Roi.

Si riche soit-elle en vocations, l’Église indienne, réputée cléricale, est éprouvée par des défis internes. Ici, on parle encore peu des problématiques d’abus, mais « le système des castes, notamment, fait des ravages chez nous », cite Julius. L’éminent professeur incarne à lui seul l’exemple de ces Dalits - communément appelés « intouchables » - ayant connu une fulgurante ascension sociale grâce à la banalisation de l’accès à l’éducation : « il y a ici un paradoxe ; moins d’un prêtre sur dix est dalit, alors que nous représentons près de 70 % des catholiques. Il faut former des responsables capables de nous représenter ».

Discriminations anti-chrétiennes, vandalisme contre des églises, perturbations de prières… Dans le sillage de l’élection du premier ministre Narendra Modi en 2014, l’affirmation du nationalisme hindou en Inde a par ailleurs ouvert le champ à des dérives. Au Tamil Nadu, une loi « anti-conversion » a été votée à l’aube des années 2000, prévoyant de lourdes sanctions pour ceux qui sont soupçonnés d’évangéliser des hindous.

« Nous devons encourager les fidèles qui demandent le baptême à écrire une lettre de motivation, pour éviter d’être accusés », appuie le père Augustin Prabhu, 39 ans, curé de Saint Anthony, à une heure de bus de Madurai. Parmi les pressions, les autorités peuvent aussi empêcher ou freiner la construction d’églises », poursuit celui qui a rencontré Julius et sa famille lors d’un pèlerinage à Goa - et accepté de faire office de traducteur pour la soirée. Dans les années 2000, nous pouvions davantage exprimer notre vie pastorale dans la rue, via des processions, des fêtes… C’est plus compliqué aujourd’hui ».

Interreligieux

Au cœur d’un pays-continent brassant des réalités ecclésiales très différentes, beaucoup exhortent à ne pas faire de généralités. « De belles choses interreligieuses se jouent aussi, quand des prêtres hindous viennent assister aux grandes fêtes chrétiennes », appuie Julius. Fait notable, des hindous sont en effet présents à la vigile, reconnaissables aux tikkas – ces points ou traits rouges ou blancs estampillés sur les fronts en signe de porte-bonheur.

À la paroisse du Christ-roi, Julius et Sophia ont éteint leurs bougies, émus devant la mise en scène d’un tombeau du Christ dont la pierre vient d’être projetée à terre. Vibrant soudain aux cris des Alléluias qui font trembler le sol, la puissante religiosité du peuple indien s’élève avec eux, ce soir-là, jusqu’aux étoiles du ciel de Madurai.

Les chrétiens sous la pression des fondamentalistes hindous

Pâques en Inde (2/3)

Discriminations, banalisation de lois « anti-conversion », actes de vandalisme visant des lieux de culte... Avec un sentiment croissant d’impunité, le parti au pouvoir de Narendra Modi multiplie les pressions contre les minorités musulmane et chrétienne.

  • Malo Tresca, 

 

Les chrétiens sous la pression des fondamentalistes hindous
 
Dimanche 4 novembre 2018, des prêtres se préparent avant la messe à la cathédrale du Cœur-Immaculé-de-Marie, à Kottayam, dans l’État du Kerala, dans le sud de l’Inde.MANISH SWARUP/AP
       
Les chrétiens sous la pression des fondamentalistes hindous

Cochin et Calcutta (Inde)

De notre envoyée spéciale

Pour le père Vincent Kundukulam, 61 ans, les ennuis ont commencé il y a près d’une trentaine d’années, en 1997. À l’époque, le jeune prêtre originaire du Kerala, État du sud-ouest de l’Inde réputé pour sa paisible cohabitation interreligieuse, avait décidé de s’attaquer, dans sa thèse de doctorat, à un sujet sensible. Sa recherche portait sur les relations houleuses entre l’Église catholique et l’Association des volontaires au service de la nation (RSS). Fondée en 1925, cette organisation paramilitaire extrémiste est considérée comme la matrice du Bharatiya Janata Party (BJP), le parti nationaliste hindou revenu au pouvoir en Inde avec l’élection, en 2014, du premier ministre Narendra Modi.

« Je me suis alors retrouvé sur ”liste noire. Je n’ai jamais été arrêté, mais des policiers sont venus m’interroger, pour me montrer que j’étais sous surveillance », relate le sexagénaire au séminaire pontifical Saint-Joseph de Mangalapuzha (Kerala). Depuis, le père Vincent, aujourd’hui vice-directeur des lieux, a fait les frais d’autres pressions ; l’an passé, des militants du RSS ont encore fait circuler de fausses informations en dévoyant ses propos sur les réseaux sociaux. « Ils cherchent à diviser les chrétiens et les musulmans en les montant les uns contre les autres pour mieux régner », déplore le théologien spécialiste de l’hindutva, cette idéologie hindouiste souhaitant bannir toutes les autres religions du sol national parce qu’importées. Bien qu’en contradiction avec la Constitution censé garantir une république « socialiste et laïque », elle ne cesse de gagner du terrain.

Discriminations, vandalisme contre des églises, perturbations de prières… En novembre, le Forum des chrétiens unis (UCF), un groupe interconfessionnel de défense des libertés fondamentales basé à New Delhi, a recensé 511 incidents anti-chrétiens en Inde – contre 505 en 2021. En tête de liste des États les plus problématiques figuraient l’Uttar Pradesh (Nord) et le Chhattisgarh (Sud), talonnés par le Karnataka (Sud).

Qu’est-il reproché au christianisme ? « Cette religion inquiète, car elle s’appuie sur des missionnaires accusés de faire du prosélytisme dans la société en tentant de convertir des hindous, avec le risque d’entraîner un déclin démographique de leur communauté », explique Christophe Jaffrelot, directeur de recherche au Ceri-Sciences Po (1). C’est dans cette perspective que 11 États sur 29 ont adopté, ces dernières années, des lois « anti-conversion » prévoyant des peines de prison et de lourdes amendes en cas d’infractions. « Il faut être très vigilants : ce n’est pas simple de faire entendre que nous ne sommes pas allés chercher ceux qui demandent le baptême, mais que ce sont eux qui viennent à nous », souffle, impuissant, Joseph (2), un laïc très engagé dans une œuvre de charité de l’Uttar Pradesh. « Ou alors, pour ne pas risquer de se faire accuser, il faut essayer de s’arranger avec d’autres États voisins plus cléments », explique-t-il, élusif.

Dans un pays brassant tant de réalités différentes, d’autres responsables religieux invitent à la prudence, rappelant combien les catholiques restent malgré tout « moins visés » par des fondamentalistes que les musulmans ou les évangéliques – notamment les pentecôtistes. Dans ces conditions, comment envisager un avenir serein ? « Il faut continuer à encourager le dialogue interreligieux partout où nous le pouvons pour faire tomber les préjugés », martèle Joseph, avant de se laisser aller à un rêve. « Si le pape François venait l’an prochain en Inde, comme il en a émis le souhait cet hiver, et s’entretenait avec Modi… Imaginez la puissance du message que cela pourrait envoyer aux catholiques du monde et d’ici ! »

(1) Auteur de L’Inde de Modi, Fayard, 25 €. (2) Le prénom a été changé.

Éric-Emmanuel Schmitt : un pèlerin de la Terre sainte

Critique 

L’écrivain a accepté l’invitation du Vatican d’être un « pèlerin parmi les pèlerins » et d’écrire son journal. La découverte de la Terre sainte s’est révélée être une véritable expérience spirituelle pour l’auteur de L’Évangile selon Pilate.

  • Christophe Henning, 
Éric-Emmanuel Schmitt : un pèlerin de la Terre sainte
 
En quelques pages tenues, pudiques, Eric-Emmanuel Schmitt décrit comment, dans l’enceinte du Saint-Sépulcre et au pied de la croix, il se trouve happé par le Christ.AFIF H.AMIREH/ALBIN MICHEL

Le Défi de Jérusalem

de Éric-Emmanuel Schmitt

Albin Michel, 224 p., 19,90 €

« Croire reste un saut. Se rallier au christianisme ne relève pas du rationnel, c’est consentir à un signe. » En mettant ses pas dans ceux de Jésus de Nazareth, Éric-Emmanuel Schmitt n’attendait pas vraiment un signe. En passionné de l’histoire humaine, il était prêt à vivre ce pèlerinage en Terre sainte avec ce qu’il faut de curiosité. Et la Galilée, ses espaces naturels, les bords du lac ont tenu leur promesse. Mais à Nazareth, gagné par l’activité trépidante d’une grande ville, l’écrivain philosophe rechigne. « Suis-je déçu ? Non, je reçois ma première leçon : l’unique berceau de l’extraordinaire est l’ordinaire. »

C’est à la demande du Vatican et de la Librairie vaticane qu’Éric-Emmanuel Schmitt a pris son bâton de pèlerin à l’automne 2022. Et s’il acceptait d’écrire son journal en se glissant au milieu d’un groupe pour découvrir en simple pèlerin ? Il est prêt à tout, lui qui a déjà été touché par la grâce lors d’une « nuit de feu », à 28 ans, en se perdant dans le désert : « J’entrai dans le Sahara athée, j’en ressortis croyant. (…) À partir de cette nuit, la pensée de Jésus ne me lâcha plus. »

Les premiers jours du pèlerin romancier tiennent plus de la description critique que de la piété. À Nazareth toujours : « Je pénètre dans la basilique aux harmonieux volumes bétonnés et me referme comme une coquille. Je n’aime guère ces tableaux venus de divers pays, encore moins l’immense mosaïque de la nef. Pire, ils me rebutent. » Aucun pèlerin n’échappe à cette confrontation : deux mille ans séparent les lieux saints de la fraîcheur de l’Évangile… Sur les hauteurs du Thabor censé être la montagne de la Transfiguration, un pèlerin explique : « Ce qui importe, ce n’est pas que l’emplacement soit ou pas le bon pour célébrer l’événement, c’est la méditation qu’il propose. »

Devant Jérusalem

Bethléem. Arrivée à la basilique de la Nativité. Une messe se déroule dans la grotte, gardée par des moines peu arrangeants. « La messe s’achève, mais des moines, pas plus attentifs à nous qu’à des mouches inopportunes, nous bousculent et descendent nettoyer la grotte. » Le journal de voyage d’Éric-Emmanuel Schmitt est fait de ces réalités triviales, et aussi des questions politiques : « Si tu comprends quelque chose à la situation de Jérusalem aujourd’hui, c’est qu’on t’a mal expliqué », lui confie-t-on. « Pour la première fois devant elle, j’ignore si je goûte ou si je déteste Jérusalem. Elle m’impressionne. En quoi l’amour proclamé de Jésus correspond-il à cette citadelle guerrière, péremptoire, inhospitalière ? »

Le retournement s’est fait attendre. Il n’en sera que plus profond. En quelques pages tenues, pudiques, l’auteur de L’Évangile selon Pilate décrit comment, dans l’enceinte du Saint-Sépulcre et au pied de la croix, il se trouve happé par le Christ : « Pour ce qui est du regard sur moi, je ne parviens pas à lutter. Il me fige, il m’irradie, il m’ausculte, il me transperce, rien de moi ne lui échappe et pourtant, dans le même temps, il m’enveloppe de bienveillance. »

Retour de pèlerinage

Le chemin de croix dans les ruelles millénaires de Jérusalem prend tout son sens. « À Jérusalem plus que partout ailleurs, Dieu nous provoque, il ne nous pousse pas seulement vers le divin, il invoque notre humanité dans ce qu’elle a de pluriel, de composite, d’enclin à l’harmonie. » D’un pèlerinage, on ne revient pas indemne : « S’ouvrir à une réalité transcendante étonne d’abord, détruit ensuite. Il faut se reconstruire, tout repenser, modifier son vocabulaire, s’aboucher avec d’autres références. Changer. »

Premier lecteur de ce journal de pèlerinage, le pape François signe une postface : « La Terre sainte nous offre ce grand don : le christianisme est l’expérience d’un fait historique. Cet événement, cette Personne, on peut encore les rencontrer ici, dans les collines ensoleillées de Galilée, dans les étendues du désert de Judée, dans les ruelles de Jérusalem. »