Juifs, chrétiens et musulmans ont prié ensemble pour la paix, l’égalité et la justice à l’occasion d’une marche qui a rassemblé plusieurs centaines de personnes, mercredi 10 mai à Jérusalem, dans un contexte de regain de tensions entre Israël et la bande de Gaza.
Imams, prêtres, pasteurs et rabbins (au masculin et au féminin pour les deux derniers), bras dessus, bras dessous dans la rue de Jaffa. Dans cette artère vivante et commerçante de Jérusalem-Ouest, le cortège laisse les passants interloqués. Les Israéliens n’ont pas l’habitude des événements interreligieux. D’autant plus qu’ils se déroulent rarement dans l’espace public.
L’invitation a été lancée par l’organisation Rabbins pour les droits de l’homme. Ses dirigeants se sont directement inspirés d’une autre marche, celle du rabbin Abraham Yehoshua Heschel et de Martin Luther King aux États-Unis en 1965.
« Leur marche commune est un exemple de leadership religieux courageux, expose Avi Dabush, directeur exécutif de Rabbins pour les droits de l’homme. Leur idée trouve un écho dans cette société israélienne profondément divisée, où les espaces publics sont devenus des terrains propices au fanatisme religieux et à la violence. »
Perturbations par des juifs radicaux
Quelques centaines de personnes ont répondu à l’appel. Beaucoup de juifs israéliens. Quelques chrétiens (tous étrangers). Quelques musulmans. Des chants, en hébreu, montent du petit groupe qui avance tranquillement dans une lumière dorée de fin de journée. Ils parlent de paix. « Dans l’obscurité actuelle, il est important de rester du côté de la lumière, du dialogue et de la solidarité. C’est vrai aujourd’hui plus que jamais », lance la rabbin Tamar Elad-Appelbaum, en référence aux échanges de roquettes entre la bande de Gaza et Israël ces deux derniers jours.
Les organisateurs ont pensé annuler la marche, prévue depuis une semaine, la situation se tendant progressivement. « On ne voulait pas politiser l’événement, qui était avant tout spirituel. Mais il était important d’être ensemble. C’est la première étape pour amorcer un changement dans les mentalités », souligne Avi Dabush.
Le rassemblement sera malgré tout perturbé par un groupe de jeunes juifs radicaux, tentant de couvrir les prises de parole successives avec leurs cris : « Mort aux terroristes. » Une référence aux Palestiniens de Gaza, auteurs des tirs qui ont survolé Tel-Aviv ce mercredi 10 mai.
« Les modérés ne lèvent pas la voix »
La marche interreligieuse précède d’une semaine une autre marche, celle des drapeaux, organisée tous les ans par l’ultradroite sioniste et religieuse à travers le quartier musulman de la Vieille Ville de Jérusalem, à l’occasion du Jour de Jérusalem. « Cette voix, c’est celle de la droite religieuse. C’est la seule qu’on entend aujourd’hui », soupire Zevi. Kippa tricotée, tsitsit aux coins du pantalon et barbe frisée, le jeune blogueur est issu d’une communauté juive hassidique. Ses vidéos parlent de dialogue interreligieux.
Il poursuit : « Comme partout, ce sont les discours extrémistes qui ont pignon sur rue, parce que les modérés ne lèvent pas la voix. Cette marche, c’est l’occasion de le faire. Elle montre qu’il est possible d’avoir une vision commune et de croire aux droits de l’homme sans quitter la religion. »
Dans un pays où la religion n’est pas séparée de l’État, le dialogue entre les différentes communautés doit forcément passer par la religion pour porter ses fruits. Mais les organisations qui travaillent dans le dialogue interreligieux le savent, ils s’adressent souvent déjà à ceux qui sont convaincus, et peinent à intéresser un plus large public.
« Dans l’idéal, nous aimerions parvenir à créer un groupe de dirigeants issus de différentes communautés religieuses et influents dans la sphère publique, espère Avi Dabush. Ils serviraient d’exemple. Les gens pourraient voir que la religion ne fait pas seulement partie de ce qui est mal, mais qu’elle fait aussi partie du tikkoun olam, c’est-à-dire qu’elle contribue activement à améliorer le monde. »