DIOCESE DE LAGHOUAT - GHARDAIA .
BILLET MENSUEL Octobre 2015
Bien chers amis.
Juste devant la porte de l’évêché, de l’autre côté de la rue, c’est déjà le désert ! Si vous montez sur le « kef » (colline de rochers) et si vous filez tout droit, vous ne rencontrerez ni maison ni village à des centaines de kilomètres ! Mais, en bordure, à quelques mètres, s’acharne à pousser une sorte d’épineux vert, que j’ai même vu fleurir en plein mois d’août : de belles fleurs blanches qui semblaient se moquer de cet environnement pierreux et d’une température qui, à cette saison, dépasse souvent les 40° à l’ombre ! Je me suis toujours demandé pourquoi ce buisson verdoyant avait choisi de venir pousser dans cette fente de rocher, d’y enfoncer ses racines à plusieurs mètres de profondeur pour y trouver un peu d’humidité. Il est là et il semble heureux d’y être puisqu’il fleurit, accroché à son rocher, la tête au soleil et nourri par une terre invisible !
Jésus aimait les paraboles et il se faisait comprendre par elles. Et si ce buisson en était une ? Nous voici, petites communautés chrétiennes, plantées en plein désert, comme ce buisson sur le kef. Je me demande parfois – et je ne suis pas le seul - pourquoi notre acharnement à nous, chrétiens, à vivre et à fleurir au milieu de ce vaste Sahara ? Mais qu’est-ce qui nous retient ici ? Qu’est-ce qui nous motive dans cet entêtement à trouver où nous sommes la vie et le bonheur d’être là ?
Je ne prétends pas donner une réponse pour tous car chacun et chacune de nous trouve sa motivation, mais compte tenu de ce que je puis percevoir de cette petite « communauté-buisson » qui fleurit même en été, permettez-moi de dire ce que je sens aussi sur le bout des lèvres de beaucoup d’entre nous.
Dans le Document « Serviteurs de l’Espérance » nous, les évêques du Maghreb, écrivons : « À la lumière de l’Écriture, dans le partage et la méditation, nous sommes appelés à donner du sens à ce que nous vivons. Nous ne créons pas l’histoire, mais nous pouvons lui donner du sens. Toute histoire est sacrée, il en est de même pour la nôtre » (P.16) Quel sens donner à cette histoire ?
Ce buisson qui s’acharne à fleurir devant la porte de l’évêché a des racines profondes qui lui font trouver de la terre pour pousser. Ce qui nous tient et nous fait vivre, c’est d’abord cette terre humaine où nous poussons nos racines. Sans ces Algériens et ces Algériennes qui nous accueillent, nous ne pourrions pas vivre et nous serions vite étouffés dans notre bulle. Ce terreau de relations est vital pour nous. Et si nous y sommes heureux, c’est bien parce que le bonheur est dans cette relation partagée. Et je poursuis par cette citation de notre Pape François relatée sur la même page du document des évêques : « Il est nécessaire d’aider à reconnaître que l’unique voie consiste dans le fait d’apprendre à rencontrer les autres en adoptant le comportement juste, en les appréciant et en les acceptant comme compagnons de route, sans résistances intérieures. Mieux encore, il s’agit d’apprendre à découvrir Jésus dans le visage des autres, dans leurs voix, dans leurs demandes. »
Mais pour être verdoyant et fleurir, notre buisson a aussi besoin du soleil. C’est vrai qu’il tape durement au cœur de l’été, nous l’avons encore éprouvé cette année. Mais sans lui pas de feuilles, pas de fleurs, pas de vie! Cet éprouvant et à la fois bienfaisant soleil, pour nous, disons-le sans raccourci, c’est Dieu ! C’est Lui qui nous fait vivre, et qui donne sens à notre vie, comme Il donne sens à la vie de beaucoup d’hommes et de femmes qui nous accueillent. S’Il n’était pas, nous ne serions pas là. Et notre joie est aussi de Le voir briller dans le cœur de cet autre qui nous accueille, et qui prend soudain le visage même de Jésus : « J’étais étranger et vous m’avez accueilli » (Mt 25, 35). Eux aussi produisent des feuilles verdoyantes et des fleurs au plein cœur du désert. Si la terre est la même, si le soleil est le même, les fleurs sont aussi les mêmes !
Heureux, dans ces temps tourmentés où l’étranger dérange, ceux qui savent planter leurs racines dans la Terre humaine et se laisser toucher par le Soleil de Dieu !