MESSAGE VIDÉO DU PAPE FRANÇOIS
À LA VEILLE DE SON VOYAGE APOSTOLIQUE AU KENYA ET EN OUGANDA
[25-30 NOVEMBRE 2015]

 

Chers amis,

Tandis que je me prépare à visiter le Kenya et l’Ouganda ce mois-ci, je vous adresse un mot de salutation et d’amitié à vous, ainsi qu’à vos familles. Il me tarde de passer ce moment avec vous.

Je viens en tant que ministre de l’Évangile, pour proclamer l’amour de Jésus Christ et son message de réconciliation, de pardon et de paix. Le but de ma visite est de confirmer la communauté catholique dans sa louange de Dieu et son témoignage de l’Évangile, qui nous enseigne la dignité de tout homme et femme, et nous exhorte à ouvrir nos cœurs aux autres, notamment aux pauvres et à ceux qui sont dans le besoin.

Dans le même temps, je souhaite rencontrer tout le peuple du Kenya et d’Ouganda, et offrir à chacun un mot d’encouragement. Nous vivons à un moment où les croyants, ainsi que les personnes de bonne volonté partout dans le monde, sont appelés à prôner une compréhension mutuelle et le respect, et à se soutenir les uns les autres en tant que membres de notre grande famille humaine. Car nous sommes tous les enfants de Dieu. L’un des points culminants de ma visite sera mes rencontres avec les jeunes, qui sont votre plus grande ressource et notre espoir le plus prometteur pour un avenir de solidarité, de paix et de progrès.

Je sais que beaucoup de personnes travaillent dur pour préparer ma visite, et je les en remercie. Je demande à chacun de prier afin que ma visite au Kenya et en Ouganda soit une source d’espoir et d’encouragement pour tous. J’invoque sur vous et vos familles les Bénédictions de Dieu, de joie et de paix !


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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS
AU KENYA, EN OUGANDA ET EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

(25-30 NOVEMBRE 2015)

RENCONTRE AVEC LES AUTORITÉS KENYANES
ET AVEC LE CORPS DIPLOMATIQUE

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

State House, Nairobi
Mercredi 25 novembre 2015

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Monsieur le Président,
Honorables membres du Gouvernement et dirigeants civils,
Distingués membres du Corps Diplomatique,
Mes frères Evêques,
Mesdames et Messieurs,

Je suis très reconnaissant pour votre accueil chaleureux à l’occasion de cette visite, ma première en Afrique. Je vous remercie, Monsieur le Président, pour votre aimable adresse au nom du peuple kényan et je me réjouis de mon séjour au milieu de vous. Le Kenya est une nation jeune et vigoureuse, une société d’une riche diversité qui joue un rôle important dans la région. De plusieurs manières, votre expérience de forger une démocratie est partagée par beaucoup d’autres nations africaines. Comme le Kenya, elles travaillent aussi à bâtir, sur de solides fondations de respect mutuel, de dialogue et de coopération, une société multiethnique vraiment harmonieuse, juste et inclusive.

Votre nation est également une nation de jeunes. Durant ces jours, je désire ardemment rencontrer beaucoup d’entre eux, parler avec eux et encourager leurs espérances ainsi que leurs aspirations pour l’avenir. Les jeunes sont les ressources les plus précieuses de toute nation. Les protéger, investir en eux et leur tendre une main secourable, sont la meilleure façon dont nous pouvons assurer un avenir digne de la sagesse et des valeurs spirituelles chères à leurs aînés, valeurs qui sont le cœur et l’âme d’un peuple.

Le Kenya a été béni non seulement par son immense beauté, par ses montagnes, ses rivières et ses lacs, ses forêts, ses savanes et semi-déserts, mais aussi par des ressources naturelles abondantes. Les Kenyans apprécient à leur juste valeur ces trésors de Dieu et sont connus pour une culture de sauvegarde qui vous honorent. La grave crise environnementale qui menace notre monde demande une sensibilité toujours croissante à la relation entre les êtres humains et la nature. Nous avons la responsabilité de transmettre la beauté de la nature dans son intégralité aux futures générations, et l’obligation de bien administrer les dons que nous avons reçus. Ces valeurs sont profondément enracinées dans l’âme africaine. Dans un monde qui continue d’exploiter plutôt que de  protéger notre maison commune, elles doivent inspirer les efforts des dirigeants nationaux à promouvoir des modèles responsables de développement économique.

En effet, il y a un lien évident entre la protection de la nature et la construction d’un ordre social juste et équitable. Il ne peut y avoir aucun renouvellement de notre relation avec la nature sans un renouvellement de l’humanité elle-même (cf. Laudato Si’, n. 118). Dans la mesure où nos sociétés connaissent des divisions, qu’elles soient ethniques, religieuses ou économiques, tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté sont appelés à travailler pour la réconciliation et la paix, le pardon et l’apaisement. Dans l’œuvre de construction d’un ordre démocratique solide, par le renforcement de la cohésion et de l’intégration, de la tolérance et du respect des autres, la poursuite du bien commun doit être le premier objectif. L’expérience montre que la violence, le conflit et le terrorisme se nourrissent de la peur, de la méfiance ainsi que du désespoir provenant de la pauvreté et de la frustration. Enfin, la lutte contre ces ennemis de la paix et de la prospérité doit être menée par des hommes et des femmes qui croient fermement et rendent un témoignage sincère aux grandes valeurs spirituelles et politiques qui ont inspiré la naissance de la nation.

Mesdames et Messieurs, la promotion et la préservation de ces grandes valeurs sont confiées de manière spéciale à vous, les dirigeants de la vie politique, culturelle et économique de votre pays. C’est une grande responsabilité, un vrai appel au service du peuple kenyan tout entier. L’Evangile nous dit qu’à ceux à qui il a été beaucoup donné, il sera beaucoup demandé (cf. Lc 12, 48). Dans cet esprit, je vous encourage à travailler avec intégrité et transparence pour le bien commun, et à promouvoir l’esprit de solidarité à chaque niveau de la société. Je vous demande en particulier de montrer un vrai souci des besoins des pauvres, des aspirations des jeunes ainsi que d’une juste distribution des ressources naturelles et humaines dont le Créateur a doté votre pays. Je vous assure des efforts inlassables de la communauté catholique, par ses œuvres éducatives et caritatives, pour offrir sa contribution spécifique dans ces domaines.

Chers amis, on m’a dit qu’ici au Kenya, c’est une tradition pour les jeunes écoliers de planter des arbres pour la postérité. Puissent ce signe éloquent d’espérance dans l’avenir et la confiance dans la croissance que Dieu donne, vous soutenir tous dans vos efforts pour cultiver une société de solidarité, de justice et de paix sur la terre de ce pays et partout dans ce grand Continent africain. Je vous remercie une fois encore pour votre accueil chaleureux et sur vous ainsi que sur vos familles, et sur tout le cher peuple kenyan, j’invoque d’abondantes bénédictions du Seigneur.

Mungu abariki Kenya !

Que Dieu bénisse le Kenya !


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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS
AU KENYA, EN OUGANDA ET EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

(25-30 NOVEMBRE 2015)

RENCONTRE ŒCUMÉNIQUE ET INTERRELIGIEUSE

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Nonciature apostolique, Nairobi (Kenya)
Jeudi 26 novembre 2015

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Chers amis,

je suis heureux de votre présence aujourd’hui et de l’opportunité de partager ces moments de réflexion avec vous. De façon particulière, je voudrais remercier Monseigneur Kairo, l’Archevêque Wabukala et le Professeur El-Busaidy pour leurs paroles de bienvenue en votre nom et au nom de leurs communautés respectives. Quand  je visite les catholiques d’une Église locale, il est toujours important pour moi d’avoir l’occasion de rencontrer les leader des autres communautés chrétiennes et des autres traditions religieuses. C’est mon espérance que ce temps passé ensemble puisse être un signe de l’estime de l’Église pour les membres de toutes les religions et renforcer les liens d’amitié qui existent déjà entre nous.

À dire vrai, notre relation nous place devant des défis ; elle nous place devant des interrogations. Toutefois, le dialogue œcuménique et interreligieux n’est pas un luxe. Ce n’est pas quelque chose de supplémentaire ou d’optionnel, mais il est essentiel, c’est quelque chose dont notre monde, blessé par des conflits et des divisions, a toujours plus besoin.

En effet, les croyances religieuses et la manière de les pratiquer influencent ce que nous sommes et la compréhension du monde environnant. Elles sont pour nous source d’illumination, de sagesse et de solidarité, et de cette façon, elles enrichissent la société dans laquelle nous vivons. En prenant soin de la croissance spirituelle de nos communautés, en formant les esprits et les cœurs à la vérité et aux valeurs enseignées par nos traditions religieuses, nous devenons une bénédiction pour les communautés dans lesquelles vivent nos gens. Dans une société démocratique et pluraliste comme celle-ci, la coopération entre les leader religieux et leurs communautés devient un important service du bien commun.

À cette lumière, et dans un monde toujours plus interdépendant, nous voyons toujours plus clairement la nécessité de la compréhension interreligieuse, de l’amitié et de la collaboration dans la défense de la dignité conférée par Dieu à chaque individu et aux peuples, et leur droit à vivre dans la liberté et le bonheur. En promouvant le respect de cette dignité et de ces droits, les religions jouent un rôle essentiel dans la formation des consciences, dans le fait d’insuffler aux jeunes les profondes valeurs spirituelles de nos traditions respectives et dans la préparation de bons citoyens, capables d’infuser dans la société civile l’honnêteté, l’intégrité et une vision du monde qui valorise la personne humaine par rapport au pouvoir et au gain matériel.

Je pense ici à l’importance de notre conviction commune selon laquelle le Dieu que nous cherchons à servir et un Dieu de paix. Son saint Nom ne doit jamais être utilisé pour justifier la haine et la violence. Je sais qu’il est vivant en vous le souvenir laissé par les attaques barbares à Westgate Mall, à Garissa University College et à Mandera. Trop souvent des jeunes sont rendus extrémistes au nom de la religion pour semer discorde et peur, et pour déchirer le tissu même de notre société. Comme il est important que nous soyons reconnus comme des prophètes de paix, des artisans de paix qui invitent les autres à vivre dans la paix, dans l’harmonie et le respect réciproque ! Puisse le Tout-Puissant toucher les cœurs de ceux qui commettent cette violence et accorde sa paix à nos familles et à nos communautés.

Chers amis, cette année est l’année du cinquantième anniversaire de la clôture du Concile Vatican II, où l’Église catholique s’est engagée dans le dialogue œcuménique et interreligieux au service de la compréhension et de l’amitié. J’entends réaffirmer cet engagement, qui naît de notre conviction de l’universalité de l’amour de Dieu et du salut qu’il offre à tous. Le monde justement s’attend à ce que les croyants travaillent ensemble avec les personnes de bonne volonté pour affronter les nombreux problèmes qui se répercutent sur la famille humaine. En regardant l’avenir, prions afin que tous les hommes et toutes les femmes se considèrent comme des frères et des sœurs, pacifiquement unis dans et à travers leurs différences. Prions pour la paix !

Je vous remercie pour votre attention et je demande à Dieu tout-puissant de vous accorder ainsi qu’à vos communautés l’abondance de ses bénédictions.

 


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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS
AU KENYA, EN OUGANDA ET EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

(25-30 NOVEMBRE 2015)

MESSE

HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE

Campus de l'Université de Nairobi (Kenya)
Jeudi 26 novembre 2015

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La parole de Dieu parle au plus fond de notre cœur. Aujourd’hui Dieu nous dit que nous lui appartenons. Il nous a faits, nous sommes sa famille, et il sera toujours présents pour nous. “Ne craignez pas – nous dit-il – : je vous ai choisis et je vous promets de vous donner ma bénédiction’’ (cf. Is 44, 2-3).

Nous avons entendu cette promesse dans la première lecture. Le Seigneur nous dit qu’il fera jaillir de l’eau dans le désert, dans une terre assoiffée ; il fera en sorte que les enfants de son peuple fleurissent comme de l’herbe, comme des saules luxuriants. Nous savons que cette prophétie s’est accomplie par l’effusion du Saint Esprit à la Pentecôte. Mais nous voyons aussi qu’elle s’accomplit partout où l’Évangile est prêché et où de nouveaux peuples deviennent membres de la famille de Dieu, l’Église. Aujourd’hui nous nous réjouissons parce qu’elle s’est accomplie sur cette terre. Par la prédication de l’Évangile, vous aussi vous êtes devenus participants de la grande famille chrétienne.

La prophétie d’Isaïe nous invite à regarder nos familles et à nous rendre compte combien elles sont importantes dans le plan de Dieu. La société du Kenya a longtemps été bénie par une solide vie familiale, par un profond respect de la sagesse des personnes âgées et par l’amour envers les enfants. La santé de toute société dépend de la santé des familles. Pour leur bien et celui de la communauté, la foi dans la parole de Dieu nous appelle à soutenir les familles dans leur mission à l’intérieur de la société, à accueillir les enfants comme une bénédiction pour notre monde, et à défendre la dignité de tout homme et de toute femme, puisque nous sommes tous frères et sœurs dans l’unique famille humaine.

Par obéissance à la Parole de Dieu, nous sommes aussi appelés à résister aux pratiques qui favorisent l’arrogance chez les hommes, qui blessent ou méprisent les femmes, et qui menacent la vie des innocents qui ne sont pas encore nés. Nous sommes appelés à nous respecter, à nous encourager mutuellement, et à rejoindre tous ceux qui sont dans le besoin. Les familles chrétiennes ont cette mission spéciale : rayonner l’amour de Dieu et répandre l’eau vivifiante de son Esprit. Ceci est particulièrement important aujourd’hui, parce que nous assistons à l’avancée de nouveaux déserts créés par une culture du matérialisme et de l’indifférence envers les autres.

Ici, au cœur de cette Université, où les esprits et les cœurs des nouvelles générations sont formés, je lance un appel particulier aux jeunes de la nation. Que les grandes valeurs de la tradition africaine, la sagesse et la vérité de la Parole de Dieu, ainsi que le généreux idéalisme de votre jeunesse, vous guident dans l’engagement à former une société qui soit toujours plus juste, inclusive et respectueuse de la dignité humaine. Que les besoins des pauvres vous soient toujours à cœur ; rejetez tout ce qui conduit au préjugé et à la discrimination, parce que ces choses – nous le savons – ne sont pas de Dieu.

Tous nous connaissons bien la parabole de Jésus sur l’homme qui a construit sa maison sur le sable plutôt que sur le roc. Quand les vents ont soufflé, elle est tombée et sa ruine a été grande (cf. Mt 7, 24-27). Dieu est le rocher sur lequel nous sommes appelés à construire. Il nous le dit dans la première lecture, et il nous demande : « Y a-t-il un Dieu en dehors de moi ? » (Is 44, 8).

Quand Jésus ressuscité affirme dans l’Évangile de ce jour : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre » (Mt 28, 18) il nous dit que lui-même, le Fils de Dieu, est le rocher. Il n’y en a pas d’autre que lui. Unique Sauveur de l’humanité, il désire attirer à lui les hommes et les femmes de toute époque et de tout lieu, afin de pouvoir les conduire au Père. Il veut que tous nous construisions notre vie sur le fondement solide de sa Parole.

Cela c’est la tâche que le Seigneur attribue à chacun de nous. Il nous demande d’être des disciples missionnaires, des hommes et des femmes qui rayonnent la vérité, la beauté et la puissance de l’Évangile qui transforme la vie. Des hommes et des femmes qui soient des canaux de la grâce de Dieu, qui permettent à sa miséricorde, à sa bienveillance et à sa vérité de devenir les éléments pour construire une maison qui demeure solide. Une maison qui soit un foyer où les frères et sœurs vivent enfin en harmonie et dans le respect réciproque, dans l’obéissance à la volonté du vrai Dieu, qui nous a montré, en Jésus, la voie vers cette liberté et cette paix auxquelles tous les cœurs aspirent.

Que Jésus, le Bon Pasteur, le rocher sur lequel nous construisons nos vies, vous guide ainsi que vos familles sur la voie du bien et de la miséricorde, tous les jours de votre vie. Qu’il bénisse de sa paix tous les habitants du Kenya.

« Soyez forts dans la foi ! N’ayez pas peur ! ». Car vous appartenez au Seigneur.

Mungu awabariki ! (Que Dieu vous bénisse ! )

Mungu abariki Kenya ! (Que Dieu bénisse le Kenya ! )

 


VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS
AU KENYA, EN OUGANDA ET EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

(25-30 NOVEMBRE 2015)

RENCONTRE AVEC LE CLERGÉ, LES RELIGIEUX,
LES RELIGIEUSES ET LES SÉMINARISTES

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Terrain de sport de la St Mary’s School, Nairobi (Kenya)
Jeudi 26 novembre 2015

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Merci beaucoup pour votre présence. Je voudrais tant vous parler en anglais, mais mon anglais est limité… J’ai pris note et je voudrais vous dire beaucoup de choses, à vous tous, à chacun d’entre vous… mais j’ai peur de parler et je préfèrerais parler dans ma langue maternelle. Monseigneur Miles est le traducteur. Merci de votre compréhension.

Lorsqu’on lisait la lettre de saint Paul, ceci m’a touché : « J’en suis persuadé, celui qui a commencé en vous un si beau travail le continuera jusqu’à son achèvement au jour où viendra le Christ Jésus » (Ph 1, 6).

Le Seigneur vous a tous choisis, il nous a tous choisis. Et il a commencé son œuvre le jour où il nous a regardés dans le baptême et le jour où il nous a regardés puis nous a demandé : ‘‘Veux-tu venir avec moi’’. Eh bien, en ce moment-là, nous nous sommes mis en rang et nous nous sommes mis en chemin, mais le chemin, il l’a commencé lui, pas nous. Dans l’évangile, nous lisons qu’une personne guérie a voulu le suivre et Jésus lui a dit : ‘‘Non’’. En suivant Jésus, que ce soit dans le sacerdoce, ou bien dans la vie consacrée, on entre par la porte, la porte, c’est le Christ, c’est lui qui appelle, c’est lui qui commence, c’est lui qui fait le travail. Certains veulent entrer par la fenêtre. C’est inutile. S’il vous plaît, si quelqu’un voit qu’un compagnon ou une compagne entrer par la fenêtre, qu’il l’embrasse et lui explique que c’est mieux qu’il aille servir Dieu ailleurs, parce qu’il ne portera jamais à terme une œuvre que Jésus n’a pas commencée par la porte.

Et cela doit nous conduire à la conscience d’être élus : j’ai été regardé, j’ai été choisi. Le début du chapitre 6 d’Ezéquiel m’impressionne : ‘‘Tu étais fils d’étrangers, tu étais nouveau-né et abandonné. Je passais, je t’ai nettoyé et je t’ai pris’’. C’est le chemin, c’est l’œuvre que le Seigneur a commencé lorsqu’il vous a regardés. Certains ne savent pas pour quoi Dieu les appelle, mais ils sentent que Dieu les a appelés. Qu’ils soient tranquilles, il leur fera comprendre pour quoi il les a appelés. D’autres veulent suivre le Seigneur pour un intérêt, par intérêt. Souvenons-nous de la mère de Jacques et de Jean : ‘‘Seigneur, je veux te demander qu’en partageant le gâteau, tu donnes la plus grande portion à mes deux enfants, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche’’. Il y a la tentation de suivre Jésus par ambition : ambition de l’argent, ambition du pouvoir. Nous pouvons tous dire : ‘‘Lorsque j’ai commencé à suivre Jésus, cela ne m’était pas venu à l’idée’’. Mais quelqu’un d’autre a eu cette idée et te l’a semée dans le cœur comme une zizanie. Quand on suit Jésus, il n’y a de place ni pour l’ambition personnelle, ni pour les richesses, ni pour être une personne importante dans le monde. Jésus, on le suit jusqu’à la dernière étape de sa vie ici-bas, la croix. Ensuite, il se charge de te ressusciter, mais il faut aller jusque-là. Et je vous parle sérieusement, parce que l’Eglise n’est pas une entreprise, elle n’est pas une ONG, l’Eglise est un mystère, c’est le mystère du regard de Jésus sur chacun, qui lui dit : ‘‘Viens’’. C’est clair, celui qui appelle, c’est Jésus. On entre par la porte, non pas par la fenêtre,  et on suit le chemin de Jésus.

Evidemment, lorsque Jésus nous choisit, il ne nous canonise pas, nous continuons d’être les mêmes pécheurs. Et je vous demanderais, s’il vous plaît, s’il y a ici un prêtre ou une religieuse, ou bien un religieux qui ne sent pas pécheur, qu’il lève la main. Nous sommes tous pécheurs, moi le premier, ensuite vous, mais la tendresse et l’amour de Jésus nous font aller de l’avant.

‘‘Celui qui a commencé en vous un si beau travail le continuera jusqu’à son achèvement’’ : c’est cela qui nous fait aller de l’avant, l’amour de Jésus. Vous rappelez-vous, dans l’Evangile, quand l’Apôtre Jacques a pleuré ?  Quelqu’un s’en souvient-il, ou non ?  Non. Et quand est-ce que Jean a pleuré ? Non. Et quand est-ce qu’un autre Apôtre a pleuré ?  L’Evangile nous relate qu’un seul a pleuré, celui qui s’est rendu compte qu’il était pécheur, si pécheur qu’il a trahi son Seigneur, et lorsqu’il s’en est rendu compte, il a pleuré. Ensuite, Jésus l’a fait Pape. Qui comprend Jésus ? Un mystère ! Ne cessez jamais de pleurer. Lorsque chez un prêtre, un religieux ou chez une religieuse, les larmes se sèchent, quelque chose ne va pas. Pleurer pour sa propre infidélité, pleurer pour la douleur du monde, pleurer pour les personnes marginalisées, pour les personnes âgées abandonnées, pour les enfants assassinés, pour les choses que nous ne comprenons pas, pleurer lorsqu’on nous demande : ‘‘Pourquoi ?’’ Personne d’entre nous a les réponses aux ‘‘pourquoi’’. Il y a un auteur russe qui se demandait pourquoi les enfants souffrent. Et chaque fois que moi je salue un enfant souffrant du cancer, d’une tumeur, d’une maladie rare – comme on les qualifie à présent –, je me demande : pourquoi cet enfant souffre-t-il ? Et je n’ai pas la réponse, je regarde seulement Jésus sur la croix ; et c’est l’unique réponse à certaines injustices, à certaines douleurs, à certaines situations de la vie. Saint Paul disait à ses disciples : ‘‘Souviens-toi de Jésus-Christ, souviens-toi de Jésus-Christ crucifié’’. Lorsqu’un consacré ou une consacrée, un prêtre oublie le Christ crucifié, pauvre de lui ! Il commet un péché très laid, un péché dont Dieu est dégoûté, qui fait vomir Dieu, le péché de la tiédeur. Chers prêtres, sœurs et frères, gardez-vous de commettre le péché de la tiédeur.

Eh bien, et quoi d’autre puis-je vous dire qui puisse vous exprimer le message de mon cœur ? Que vous ne vous éloigniez jamais de Jésus. Cela veut dire que jamais vous ne cessiez de prier : ‘‘Père, mais parfois, c’est si ennuyeux de prier, on se fatigue, on dort’’. Dormez devant le Seigneur ! C’est une manière de prier, mais reste là, devant le Seigneur, prie, n’abandonne pas la prière. Si un consacré abandonne la prière, son âme se sèche comme ces figues desséchés ; elles sont laides, elles présentent mal. L’âme d’une religieuse, d’un religieux, d’un prêtre qui ne prie pas, est une âme laide. Pardon, mais c’est ainsi. Je vous laisse cette question : Est-ce je prends du temps au sommeil, est-ce je prends du temps à la radio, à la télévision, aux revues, pour prier, ou bien est-ce que je préfère autre chose ? Se mettre devant Celui qui a commencé l’œuvre et qui la porte à terme en chacun de vous... La prière.

Et la dernière chose que je voudrais vous dire, avant de vous en dire une autre, c’est que tous ceux qui se laissent choisir par Jésus, c’est pour servir, pour servir le peuple de Dieu, pour servir les plus pauvres, les plus marginalisés, les plus humbles, pour servir les enfants et les personnes âgées, pour servir aussi ceux qui ne sont pas conscients de l’orgueil et du péché qu’ils ont en eux, pour servir Jésus. Se laisser choisir par Jésus, c’est se laisser choisir pour servir, non pas pour se faire servir. Il y a à peu près un an, une rencontre de prêtres a eu lieu – les religieuses sont sauvées – et durant ces exercices spirituels, chaque jour il y avait des prêtres de tour qui devaient servir à table ; certains d’entre eux se sont plaints : ‘‘Non ! nous devons être servis, nous avons payé, nous pouvons payer pour qu’on nous serve’’. S’il vous plaît, jamais cela dans l’Eglise ! Servir, ne pas se servir de…

Bon, c’est ce que je voulais vous dire, c’est que j’ai senti tout d’un coup lorsque j’ai écouté la phrase de saint Paul, confiant que Celui qui a commencé la bonne œuvre en vous la continuera et la portera à terme, jusqu’au jour où viendra Jésus-Christ. Un cardinal, plus âgé que moi d’un an, me disait que, lorsqu’il va au cimetière où il voit des missionnaires, des prêtres, des religieux, des religieuses qui  ont donné leur vie, il se demande : Et pourquoi on ne les canonise pas demain, pour avoir passé leur vie à servir ? Et moi, je suis ému lorsque je salue après une messe un prêtre, une religieuse, qui me dit : ‘‘Depuis 30, 40 ans, je suis dans cet hôpital d’enfants autistes, ou bien je suis dans les missions de l’Amazonie ou bien je suis à tel endroit ou à tel autre’’. Cela me touche l’âme. Cette femme ou cet homme a compris que suivre Jésus, c’est servir les autres et non se servir des autres.

Bon, je vous remercie beaucoup. Mais quel Pape mal éduqué que celui-ci, n’est-ce pas ? Il nous a donné des conseils, il nous a châtiés et ne nous dit pas merci. Je voudrais vous dire…, la dernière que je voudrais vous dire, la cerise sur le gâteau, c’est que je voudrais vous remercier. Merci de vouloir Jésus. Merci pour chaque fois que vous vous sentez pécheurs. Merci pour chaque caresse de tendresse que vous donnez à qui en a besoin. Merci pour toutes les fois où vous avez aidé tant de personnes à mourir en paix. Merci pour consumer votre vie dans l’espérance. Merci de vous faire aider et corriger et pardonner tous les jours. Et je vous demande, en vous remerciant, de ne pas oublier de prier pour moi, parce que j’en ai besoin. Merci beaucoup !

Intervention à la fin de la rencontre

Je vous remercie pour le bon moment que nous avons passé ensemble, mais je dois sortir par cette porte parce qu’il y a les enfants malades du cancer et je voudrais les voir et leur donner une caresse. Vous, je vous remercie beaucoup, et vous, les séminaristes, je ne vous ai pas nommés mais vous êtes inclus dans tout ce que j’ai dit, et si quelqu’un ne se décide pas pour ce chemin, - il en est encore temps -, qu’il cherche un autre travail, qu’il se marie et qu’il fonde une bonne famille. Merci !

 


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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS
AU KENYA, EN OUGANDA ET EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

(25-30 NOVEMBRE 2015)

VISITE À L'OFFICE DES NATIONS UNIES À NAIROBI (U.N.O.N.)

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Kenya
Jeudi 26 novembre 2015

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Je voudrais remercier pour l’aimable invitation et pour les paroles de bienvenue de Madame Sahle-Work Zewde, Directrice Générale de l’Office des Nations Unies à Nairobi, ainsi que de Monsieur Achim Steiner, Directeur Exécutif du programme des Nations pour l’Environnement, et de Monsieur Joan Clos, Directeur Exécutif du Programme ONU – Habitat. Je profite de l’occasion pour saluer tout le personnel et tous ceux qui collaborent avec les institutions ici présentes.

En route vers cette salle, j’ai été invité à planter un arbre dans le parc du Centre des Nations Unies. J’ai accepté d’accomplir ce geste symbolique et simple, chargé de sens dans beaucoup de cultures.

Planter un arbre, c’est d’abord une invitation à continuer de lutter contre des phénomènes tels que la déforestation et la désertification. Cela nous rappelle l’importance de protéger et d’administrer de façon responsable ces « poumons de la planète pleins de biodiversité [comme nous  pouvons bien l’apprécier dans ce continent avec] le bassin du fleuve Congo », lieu important « pour toute la planète et pour l’avenir de l’humanité ». C’est pourquoi, elle est toujours appréciée et encouragée, « la tâche des organismes internationaux et des organisations de la société civile qui sensibilisent les populations et coopèrent de façon critique, en utilisant aussi des mécanismes de pressions légitimes, pour que chaque gouvernement accomplisse son propre et intransférable devoir de préserver l’environnement ainsi que les ressources naturelles de son pays, sans se vendre à des intérêts illégitimes locaux ou internationaux » (Laudato Si’, n. 38).

En outre, planter un arbre nous invite à continuer d’avoir confiance, d’espérer et surtout de consentir à des efforts pour inverser toutes les situations d’injustice et de détérioration dont nous souffrons aujourd’hui.

Dans quelques jours, commencera à Paris une importante rencontre sur le changement climatique, où la communauté internationale, en tant que telle, se confrontera de nouveau à cette problématique. Ce serait triste et j’ose le dire, catastrophique, que les intérêts particuliers l’emportent sur le bien commun et conduisent à manipuler l’information pour protéger leurs projets.

Dans ce contexte international, où nous sommes devant une alternative que nous ne pouvons pas ignorer – améliorer ou détruire l’environnement –, chaque initiative, petite ou grande, individuelle ou collective, prise pour sauvegarder la création indique le chemin sûr de cette « créativité généreuse et digne, qui révèle le meilleur de l’être humain » (Ibid., n. 211).

« Le climat est un bien commun, de tous et pour tous ; […]

le changement climatique est un problème global aux graves répercussions environnementales, sociales, économiques, distributives ainsi que politiques, et constitue l’un des principaux défis actuels pour l’humanité » (Ibid., nn. 23-25), dont la réponse « doit incorporer une perspective sociale qui prenne en compte les droits fondamentaux des plus défavorisés » (Ibid., n. 93). Car « l’abus et la destruction de l’environnement sont en même temps accompagnés par un processus implacable d’exclusion » (Discours à l’ONU, 25 septembre 2015).

La COP21 est un pas important dans le processus de développement d’un nouveau système énergétique, qui dépende le moins possible des combustions fossiles, vise l’efficacité énergétique et se structure grâce à l’utilisation d’énergie au contenu en carbone réduit ou nul. Nous sommes face au grand engagement politique et économique qui consiste à reconsidérer et à corriger les dysfonctionnements et les distorsions du modèle de développement actuel.

L’Accord de Paris peut envoyer un signal clair dans cette direction, à condition que, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à l’Assemblée Générale de l’ONU, nous évitions la « tentation de tomber dans un nominalisme de déclarations à effet tranquillisant sur les consciences. Nous devons veiller à ce que nos institutions soient réellement efficaces » (Ibid.). C’est pourquoi j’espère que la COP21 débouchera sur la conclusion d’un accord global et ‘‘transformateur’’ fondé sur les principes de solidarité, de justice, d’équité et de participation, et qui oriente vers la réalisation de trois objectifs, à la fois complexes et interdépendants : l’allègement de l’impact du changement climatique, la lutte contre la pauvreté et le respect de la dignité humaine.

Malgré de nombreuses difficultés, s’affirme la « tendance à concevoir la planète comme une patrie, et l’humanité comme un peuple qui habite une maison commune » (Laudato Si’, n. 164). Aucun pays « ne peut agir en marge d'une responsabilité commune. Si nous voulons réellement un changement positif, nous devons humblement assumer notre interdépendance» (Discours aux mouvements populaires, 9 juillet 2015). Le problème naît lorsque nous croyons qu’interdépendance est synonyme d’imposition ou de soumission de quelques-uns aux intérêts des autres. Du plus faible au plus fort.

Un dialogue sincère et ouvert est nécessaire, avec la coopération responsable de tous : autorités politiques, communauté scientifique, entreprises et société civile. Les exemples positifs ne manquent pas qui nous démontrent comment une vraie collaboration entre la politique, la science et l’économie est capable d’obtenir d’importants résultats.

Nous sommes conscients, cependant, que les « êtres humains, capables de se dégrader à l’extrême, peuvent aussi se surmonter, opter de nouveau pour le bien et se régénérer » (Laudato Si’, n. 205). Cette profonde prise de conscience nous conduit à espérer que, si l’humanité de la période post-industrielle pourrait laisser le souvenir de l’une des plus irresponsables de l’histoire, « l’humanité du début du XXIème siècle pourra rester dans les mémoires pour avoir assumé avec générosité ses graves responsabilités » (Ibid., n. 165). Pour cela, il est nécessaire de mettre au service des peuples l’économie et la politique où « l'être humain, en harmonie avec la nature, structure tout le système de production et de distribution pour que les capacités et les nécessités de chacun trouvent une place appropriée dans l'être social » (Discours aux mouvements populaires, 9 juillet 2015). Il ne s’agit pas d’une utopie chimérique, au contraire, il s’agit d’une perspective réaliste qui place la personne humaine et sa dignité comme point de départ et vers laquelle tout doit confluer (cf. Ibid.)

Le changement de direction dont nous avons besoin, il n’est pas possible de le réaliser sans un engagement substantiel à travers l’éducation et la formation. Rien ne sera possible si les solutions politiques et techniques ne sont accompagnées d’un processus d’éducation qui promeuve de nouveaux styles de vie. Un nouveau type de culture. Cela exige une formation destinée à susciter chez les enfants, les femmes et les hommes, les jeunes et les adultes, l’assimilation d’une culture de protection ; la protection de soi-même, la protection de l’autre, la protection de l’environnement ; en lieu et place de la culture de détérioration et de rejet. Le rejet de soi, de l’autre, de l’environnement. La promotion de la « conscience d’une origine commune, d’une appartenance mutuelle et d’un avenir partagé par tous […] permettrait le développement de nouvelles convictions, attitudes et formes de vie. [C’est] un grand défi culturel, spirituel et éducatif, qui supposera de longs processus de régénération » (Laudato Si’, n. 202), qu’il est encore temps de promouvoir.

Ils sont nombreux les visages, les histoires, les conséquences évidentes chez des milliers de personnes que la culture de la détérioration et du rejet a conduit à sacrifier aux idoles du gain et de la consommation.  Nous devons nous protéger d’un triste signe de la « ‘‘mondialisation de l’indifférence’’, qui nous fait lentement nous ‘‘habituer’’ à la souffrance de l’autre, comme si elle était normale» ( Message pour la Journée Mondiale de l’Alimentation, 16 octobre 2013), ou pire encore, qui nous conduit à la résignation face aux formes extrêmes et scandaleuses de ‘‘rejet’’ et d’exclusion sociale, comme sont les nouvelles formes d’esclavage, le trafic des personnes, le travail forcé, la prostitution, le trafic d’organes. « L’augmentation du nombre de migrants fuyant la misère, accrue par la dégradation environnementale, est tragique ; ces migrants ne sont pas reconnus comme réfugiés par les conventions internationales et ils portent le poids de leurs vies à la dérive, sans aucune protection légale » (Laudato Si’, n. 25). Ce sont de nombreuses vies, de nombreuses histoires, de nombreux rêves qui se noient dans notre présent. Nous ne pouvons pas rester indifférents face à cela. Nous n’en avons pas le droit.

Parallèlement à la négligence de l’environnement, depuis un certain temps, nous sommes témoins d’un rapide processus d’urbanisation qui, malheureusement, conduit souvent à une «croissance démesurée et désordonnée de beaucoup de villes qui sont devenues insalubres [et] inefficaces » (Ibid., n. 44). Et ce sont aussi des endroits où se répandent des symptômes préoccupants d’une tragique rupture des liens d’intégration et de communion sociale, qui conduit à l’« augmentation de la violence et [à] l’émergence de nouvelles formes d’agressivité sociale, [au] narcotrafic et [à] la consommation croissante de drogues chez les plus jeunes, [à] la perte d’identité » (ibid. n. 46), au déracinement et à l’anonymat social (cf. ibid. n. 149).

Je voudrais exprimer mon encouragement à tous ceux qui, au niveau local et international, travaillent pour que le processus d’urbanisation devienne un instrument efficace en vue du développement et de l’intégration, afin de garantir pour tous, et surtout aux personnes qui vivent dans les quartiers marginaux, des conditions de vie dignes, garantissant les droits fondamentaux à une terre, à un toit et au travail. Il est nécessaire de promouvoir des initiatives de planification urbaine et de protection des espaces publics qui aillent dans ce sens et prévoient la participation des habitants, essayant de combattre les nombreuses inégalités et les poches de pauvreté urbaine, non seulement économiques, mais aussi et surtout sociales et environnementales. La prochaine Conférence Habitat-III, prévue à Quito en octobre 2016, pourrait être un moment important pour identifier les façons de répondre à ces problématiques.

Dans quelques jours, cette ville de Nairobi, abritera la 10ème Conférence Ministérielle de l’Organisation Mondiale du Commerce. En 1971, face à un monde toujours plus interdépendant, et anticipant de quelques années la présente réalité de la globalisation, mon prédécesseur Paul VI réfléchissait sur la manière dont les relations commerciales entre les Etats pourraient être un élément fondamental pour le développement des peuples ou, au contraire, cause de misère et d’exclusion ( Cf. Paul VI, Populorum progressio, nn. 56-62). Même en reconnaissant tout l’effort réalisé dans ce domaine, il semble qu’on ne soit pas encore arrivé à un système commercial international équitable et totalement au service de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Les relations commerciales entre les Etats, une part indispensable des relations entre les peuples, peuvent tant servir à porter préjudice à l’environnement qu’à l’assainir et le rendre sûr pour les générations futures.

Je forme le vœu que les délibérations de la prochaine Conférence de Nairobi ne soient pas un simple équilibre des intérêts en conflit, mais un vrai service à la sauvegarde de la maison commune et au développement intégral des personnes, surtout des plus défavorisées. En particulier, je veux m’unir aux préoccupations de nombreuses réalités engagées dans la coopération au développement et dans l’assistance sanitaire – dont les congrégations religieuses qui aident les plus pauvres et exclus – préoccupations qui concernent les accords sur la propriété intellectuelle et l’accès aux médicaments ainsi qu’aux soins essentiels de santé. Les Traités de libre commerce régionaux sur la protection de la propriété intellectuelle, en particulier dans le domaine pharmaceutique et biotechnologique, non seulement ne doivent pas limiter les facultés déjà accordées aux Etats par les accords multilatéraux, mais, au contraire, devraient être un instrument pour assurer un minimum d’assistance sanitaire et d’accès aux traitements de base pour tous. Les discussions multilatérales, à leur tour, doivent donner aux pays les plus pauvres le temps, la flexibilité et les exceptions nécessaires à une adaptation ordonnée, et non traumatisante, aux normes commerciales. L’interdépendance et l’intégration des économies ne doivent pas provoquer le moindre préjudice aux systèmes de santé et de protection sociale existants ; au contraire, elles doivent favoriser leur création et leur fonctionnement. Certaines questions de santé, telles que l’élimination du paludisme et de la tuberculose, le traitement des maladies dites ‘‘orphelines’’ et les domaines négligés de la médecine tropicale, réclament une attention politique prioritaire, avant tout autre intérêt commercial ou politique.

L’Afrique offre au monde une beauté et une richesse naturelle qui nous conduisent à louer le Créateur. Ce patrimoine africain et de toute l’humanité est constamment menacé par un risque de destruction, en raison d’égoïsmes humains en tout genre et de l’abus de situations de pauvreté et d’exclusion. Dans le contexte des relations économiques entre les Etats et les peuples, on ne peut cesser de parler des trafics illégaux qui croissent dans un environnement de pauvreté, et qui, à leur tour, alimentent la pauvreté et l’exclusion. Le commerce illégal de diamants et de pierres précieuses, de métaux rares ou de valeur stratégique, du bois et de matériel biologique, ainsi que de produits d’origine animale, comme dans le cas du trafic d’ivoire et le massacre des éléphants qui lui est relatif, alimente l’instabilité politique, le crime organisé et le terrorisme. Cette situation est aussi un cri des hommes et de la terre qui doit être entendu par la Communauté internationale.

Lors de ma récente visite au siège de l’ONU à New York, j’ai pu exprimer le souhait et l’espérance que le travail des Nations Unies et de tous les développements multilatéraux puissent être le « gage d’un avenir sûr et heureux pour les futures générations. Et [il] le sera si les représentants des Etats savent laisser de côté des intérêts sectoriels et idéologiques, et chercher sincèrement le service du bien commun » (Discours à l’ONU, 25 septembre 2015).

Je renouvelle, un fois encore, le soutien de la communauté catholique, et le mien, consistant à continuer de prier et de collaborer pour que les résultats de la coopération régionale qui s’exprime aujourd’hui dans l’Union Africaine et par les nombreux accords africains de commerce, de coopération et de développement, soient mis en œuvre avec vigueur et en tenant toujours compte du bien commun des enfants de cette terre.

La bénédiction au Très-Haut soit avec tous et chacun d’entre vous ainsi qu’avec vos peuples. Merci !


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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS
AU KENYA, EN OUGANDA ET EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

(25-30 NOVEMBRE 2015)

VISITE AU QUARTIER PAUVRE DE KANGEMI

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Nairobi (Kenya)
Vendredi 27 novembre 2015

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Merci de me recevoir dans votre quartier. Merci à Mgr l’Archevêque Kivuva et au Père Pascal pour leurs paroles. En vérité, je me sens comme chez moi, en partageant ce moment avec des frères et des sœurs qui, je n’ai pas honte de le dire, ont une place de choix dans ma vie et dans mes options. Je suis ici pour vous assurer que vos joies et vos espérances, vos angoisses et vos tristesses, ne me sont pas indifférentes. Je connais les difficultés que vous traversez quotidiennement ! Comment ne pas dénoncer les injustices que vous subissez ?

Mais avant tout, je voudrais m’arrêter sur une réalité que les discours d’exclusion n’arrivent pas à reconnaître ou qu’ils semblent ignorer. Je veux parler de la sagesse des quartiers populaires. Une sagesse qui jaillit de la « résistance obstinée de ce qui est authentique » (Laudato Si’, n. 112) des valeurs évangéliques que la société opulente, endormie par la consommation effrénée, semble avoir oubliées. Vous êtes capables de tisser des « liens d’appartenance et de cohabitation, qui transforment l’entassement en expérience communautaire où les murs du moi sont rompus et les barrières de l’égoïsme dépassées » (Ibid., n. 149).

La culture des quartiers populaires imprégnée de cette sagesse particulière « a des caractéristiques très positives, qui sont un apport au monde où il nous revient de vivre, elle s’exprime par des valeurs telles que la solidarité ; donner sa vie pour l’autre ; préférer la naissance à la mort ; donner une sépulture chrétienne aux morts. Offrir une place au malade dans sa propre maison, partager le pain avec l’affamé : ‘‘là où 10 mangent, 12 mangent’’ ; la patience et le courage face aux grandes adversités, etc. » (Équipe de Prêtres d’Argentine, Réflexions sur l’urbanisation et la culture de bidonville, 2010). Valeurs qui se fondent sur la vérité que chaque être humain est plus important que le dieu argent. Merci de nous rappeler qu’il y a un autre type de culture possible.

Je voudrais revendiquer en premier lieu ces valeurs que vous pratiquez, des valeurs qui ne sont pas cotées en Bourse, des valeurs qui ne sont pas objet de spéculation, ni n’ont pas de prix sur le marché. Je vous félicite, je vous accompagne et je veux que vous sachiez que le Seigneur ne vous oublie jamais. Le chemin de Jésus commence dans les périphéries, il part des pauvres et avec les pauvres, et va vers tous.

Reconnaître ces manifestations de vie honnête qui grandissent chaque jour au milieu de vous n’implique, en aucune manière, d’ignorer l’atroce injustice de la marginalisation urbaine. Celle-ci, ce sont les blessures provoquées par les minorités qui concentrent le pouvoir, la richesse et gaspillent de façon égoïste tandis que des majorités toujours croissantes sont obligées de se réfugier dans des périphéries abandonnées, contaminées, marginalisées.

Cela s’aggrave lorsque nous voyons l’injuste distribution de la terre (peut-être pas dans ce quartier, mais sûrement dans d’autres) qui conduit dans beaucoup de cas des familles entières à payer des loyers exorbitants pour des logements qui se trouvent dans des conditions inadéquates. Je connais aussi le grave problème de l’accaparement de terres par des ‘‘promoteurs privés’’ sans visage qui vont jusqu’à vouloir s’approprier la cour des écoles de vos enfants. Cela se passe parce qu’on oublie que « Dieu a donné la terre à tout le genre humain pour qu'elle fasse vivre tous ses membres, sans exclure ni privilégier personne » (Centesimus annus  n. 31).

Dans ce sens, un grave problème est le manque d’accès aux infrastructures et aux services de base. Je me réfère aux toilettes, aux égouts, aux drainages, à la collecte des déchets, à l’éclairage, aux routes mais aussi aux écoles, aux hôpitaux, aux centres de loisir et de sport, aux ateliers d’art. Je veux me référer en particulier à l’eau potable. « L’accès à l’eau potable et sûre est un droit humain primordial, fondamental et universel, parce qu’il détermine la survie des personnes, et par conséquent il est une condition pour l’exercice des autres droits humains. Ce monde a une grave dette sociale envers les pauvres qui n’ont pas accès à l’eau potable, parce que c’est leur nier le droit à la vie, enraciné dans leur dignité inaliénable » (Laudato Si’, n. 30). Priver une famille d’eau, sous quelque prétexte bureaucratique, est une grande injustice, surtout lorsqu’on se fait du profit avec cette nécessité.

Cette situation d’indifférence et d’hostilité que subissent les quartiers populaires s’aggrave lorsque la violence se généralise et que les organisations criminelles, au service d’intérêts économiques ou politiques, utilisent des enfants et des jeunes comme ‘‘chair à canon’’ pour leurs affaires entachées de sang. Je connais aussi les souffrances des femmes qui luttent héroïquement pour préserver leurs enfants de ces dangers. Je demande à Dieu que les autorités empruntent avec vous la voie de l’inclusion sociale, de l’éducation, du sport, de l’action communautaire et de la protection des familles parce que c’est l’unique garantie d’une paix juste, véritable et durable.

Ces réalités que j’ai énumérées ne sont pas une combinaison fortuite de problèmes isolés. Elles sont même une conséquence de nouvelles formes de colonialisme qui veut encore que les pays africains soient « les pièces d'un mécanisme, les parties d'un engrenage gigantesque » (Ecclesia in Africa, n. 52).

De fait, les pressions ne manquent pas pour que soient adoptées des politiques de marginalisation, comme celle de la réduction de la natalité, qui veulent « légitimer ainsi le modèle de distribution actuel où une minorité se croit le droit de consommer dans une proportion qu’il serait impossible de généraliser » (Laudato Si’, n. 50).

En ce sens, je propose de revenir sur l’idée d’une intégration urbaine respectueuse. Ni éradication, ni paternalisme, ni indifférence, ni pur confinement. Nous avons besoin de villes intégrées et pour tous. Nous avons besoin de dépasser la pure déclaration de droits qui, en pratique, ne sont pas respectés, de réaliser des actions systématiques améliorant l’habitat populaire et de planifier de nouvelles urbanisations de qualité pour héberger les futures générations. La dette sociale, la dette environnementale envers les pauvres des villes se paie en rendant effectif le droit sacré aux trois ‘‘T’’ : terre, toit, et travail. Ce n’est pas de la philanthropie, c’est une obligation morale pour tous.

Je voudrais appeler tous les chrétiens, en particulier les pasteurs, à renouveler l’impulsion missionnaire, à prendre l’initiative face à tant d’injustices, à s’impliquer dans les problèmes des voisins, à les accompagner dans leurs luttes, à préserver les fruits de leur travail communautaire et à célébrer ensemble chaque victoire, petite ou grande. Je sais qu’ils font beaucoup, mais je leur demande de se souvenir qu’il ne s’agit pas d’une tâche de plus ; c’est peut-être la plus importante, parce que « les pauvres sont les destinataires privilégiés de l’Evangile »  (Benoît XVI, Discours à l’occasion de la rencontre avec l’Episcopat brésilien, 11 mai 2007, n. 3).

Chers voisins, chers frères, prions, travaillons et engageons-nous ensemble pour que toute famille ait un toit digne, ait accès à l’eau potable, ait des toilettes, ait de l’énergie sûre pour s’éclairer, cuisiner, puisse améliorer ses logements… afin que tout quartier ait des routes, des places, des écoles, des hôpitaux, des espaces de sport, de loisir et d’art ; afin que les services de base arrivent à chacun d’entre vous ; afin qu’on écoute vos réclamations et votre demande d’opportunités ; afin que tous puissent jouir de la paix et de la sécurité qu’ils méritent conformément à leur dignité humaine infinie. Mungu awabariki (Que Dieu vous bénisse !)

Je vous le demande, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi ! 

 


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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS
AU KENYA, EN OUGANDA ET EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

(25-30 NOVEMBRE 2015)

RENCONTRE AVEC LES JEUNES

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Stade Kasarani, Nairobi (Kenya)
Vendredi 27 novembre 2015

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Merci beaucoup pour le Rosaire que vous avez prié pour moi : merci, merci beaucoup !

Merci de votre présence, de votre présence enthousiaste! Merci à Linette et merci à Manuel pour vos réflexions.

Il y a une question à la base de toutes les questions que Linette et Manuel m’ont posées : Pourquoi y a-t-il des divisions, des luttes, des guerres, des morts, des fanatismes, des destructions entre jeunes ? Pourquoi y-a-t-il ce désir de nous détruire ? Dans les premières pages de la Bible, après toutes ces merveilles que Dieu a faites, un frère tue un autre frère. L’esprit du mal nous porte à la destruction ; et l’esprit du mal nous porte à la désunion, il nous porte au tribalisme, à la corruption, à la dépendance de la drogue ; il nous porte à la destruction par les fanatismes.

Manuel demandait : Que faire pour qu’un fanatisme idéologique ne nous vole pas un frère, ne nous vole pas un ami ? Il y a un mot qui peut paraître gênant, mais je ne veux pas l’éviter parce que vous l’avez employé avant moi : vous l’avez employé quand vous m’avez apporté les rosaires, en comptant les rosaires que vous avez prié pour moi ; l’Évêque l’a employé aussi quand il a présenté ceux qui se sont préparés à cette visite par la prière. La première chose que je répondrai c’est qu’un homme perd le meilleur de son être humain, une femme perd le meilleur de son être humain, quand ils oublient de prier, parce qu’ils se sentent tout-puissants, parce qu’ils ne sentent pas le besoin de demander de l’aide devant tant de tragédies.

La vie est pleine de difficultés, mais il y a deux manières de voir les difficultés : ou bien tu les vois comme quelque chose qui te bloque, qui te détruit, qui t’immobilise, ou bien tu les vois comme une opportunité. A toi de choisir. Pour moi, une difficulté est-elle un chemin de destruction, ou est-elle une occasion de la transformer en bien, le mien, celui de ma famille, de mes amis, de mon pays ?

Jeunes, garçons ou filles, nous ne vivons pas au Ciel, nous vivons sur la terre. Et la terre est pleine de difficultés. La terre est pleine, non seulement de difficultés, mais aussi d’invitations à dévier vers le mal. Mais il y a une chose que vous tous, les jeunes, vous avez, qui dure un temps plus ou moins long : la capacité de choisir. Quel chemin je veux choisir ? Laquelle de ces deux choses je veux choisir : me laisser vaincre par la difficulté, ou bien transformer la difficulté en une opportunité pour vaincre, moi ?

Certaines des difficultés que vous avez mentionnées sont de vrais défis. Et donc, d’abord une question : Voulez-vous remporter les défis, ou bien vous laisser vaincre par les défis ? Etes-vous comme ces sportifs qui, lorsqu’ils viennent jouer au stade, veulent gagner, ou bien êtes-vouscomme ceux qui ont déjà vendu la victoire aux autres et se sont mis l’argent dans la poche ? A vous de choisir !

Un défi que Linette a mentionné est celui du tribalisme. Le tribalisme détruit une nation ; le tribalisme c’est avoir les mains cachées derrière le dos et avoir une pierre dans chaque main pour la lancer contre l’autre. Le tribalisme se vainc seulement avec l’oreille, avec le cœur, et avec la main. Avec l’oreille : Quelle est ta culture ? Pourquoi es-tu comme ça ? Pourquoi ta tribu a-t-elle cette coutume ? Ta tribu se sent-elle supérieure ou inférieure ? Avec le cœur : une fois que tu as écouté avec les oreilles, la réponse : j’ouvre le cœur et je tends la main pour continuer à dialoguer. Si vous ne dialoguez pas et ne vous écoutez pas entre vous, alors il y aura toujours du tribalisme qui est comme un ver qui ronge la société. Aujourd’hui – ou plutôt hier, mais pour vous nous le faisons aujourd’hui – une journée de prière et de réconciliation a été déclarée. Je veux vous inviter maintenant, vous les jeunes – que Linette et Manuel viennent –, et tous nous nous tenons la main en signe contre le tribalisme. Nous sommes tous une nation ! Nous sommes tous une nation ! [la même phrase en anglais] Il faut que nos cœurs soient ainsi. Le tribalisme ce n’est pas seulement lever la main aujourd’hui – cela c’est le désir, c’est la décision –, mais le tribalisme est un travail de tous les jours. Vaincre le tribalisme est un travail de tous les jours ; c’est un travail de l’oreille : écouter l’autre ; un travail du cœur : ouvrir mon cœur à l’autre ; un travail des mains : se donner la main l’un l’autre. Et maintenant donnons-nous la main les uns les autres.

Une autre question que Linette a posée porte sur la corruption. Et, dans le fond, elle me demandait : Peut-on justifier la corruption, le péché, par le seul fait que tous pèchent et sont corrompus ? Comment pouvons-nous être chrétiens et combattre le mal de la corruption ? 

Je me rappelle que dans mon pays un jeune de 20-22 ans voulait se consacrer à la politique ; il étudiait avec enthousiasme, il allait de ci de là, et il a trouvé un travail dans un ministère. Un jour il a dû décider d’une chose qu’il fallait acheter ; alors il a demandé trois devis, il les a étudiés et il a choisi le plus économique, le plus avantageux. Puis il est allé au bureau de son chef pour qu’il signe. Pourquoi as-tu choisi cela ? – Parce qu’il faut choisir le plus avantageux pour les finances du pays. – Non ! Il faut choisir celui qui t’en met le plus dans la poche. Alors le jeune a répondu à son chef : Je suis venu faire de la politique pour faire grandir le pays. Et le chef lui a répondu : Et moi je fais de la politique pour voler ! C’est un exemple, rien de plus. Mais il y a des cas de corruption, non seulement dans la politique, mais dans toutes les institutions, y compris le Vatican. La corruption est quelque chose qui nous rentre à l’intérieur. Elle est comme le sucre : il est doux, il plaît, il est facile, et après on finit mal ! Avec beaucoup de sucre facile, on finit diabétique et notre pays aussi devient diabétique !

Chaque fois que nous acceptons un « dessous-de-table » et que nous le mettons dans la poche, nous détruisons notre cœur, nous détruisons notre personnalité et nous détruisons notre pays. S’il vous plaît, ne prenez pas goût à ce « sucre » qui s’appelle corruption. « Père, mais je vois que tous sont corrompus, je vois beaucoup de gens qui se vendent pour un peu d’argent, sans se préoccuper de la vie des autres… » Comme en toute chose, il faut commencer. Si tu ne veux pas de corruption dans ton cœur, dans ta vie, dans ton pays, toi commence ! Si toi tu ne commences pas, le voisin ne commencera pas non plus. La corruption nous vole aussi la joie, elle nous vole la paix. La personne corrompue ne vit pas en paix.

Un jour – et c’est un fait historique, ce que je vous raconte maintenant – un homme est mort dans ma ville. Nous savions tous qu’il était un grand corrompu. J’ai demandé, quelques jours après,  comment ont été les funérailles. Et une femme, avec beaucoup d’humour, m’a répondu : « Père, ils ne réussissaient pas à fermer la bière, le cercueil, parce qu’il voulait emporter tout l’argent qu’il avait volé ». Ce que vous volez par la corruption, restera ici, et un autre en fera usage. Mais cela restera aussi – et gravons bien cela dans le cœur – dans le cœur de beaucoup d’hommes et de femmes qui sont restés blessés par ton exemple de corruption. Cela restera dans le manque de bien que tu aurais pu faire et que tu n’as pas fait. Cela restera dans les enfants malades, affamés, parce que l’argent qui était pour eux, tu l’as gardé pour toi, à cause de ta corruption. Jeunes, la corruption n’est pas un chemin de vie : elle est un chemin de mort !

Il y avait une question sur la manière d’utiliser les moyens de communication pour répandre le message d’espérance du Christ, et promouvoir des initiatives justes afin que se voit la différence. Le premier moyen de communication c’est la parole, c’est le geste, c’est le sourire. Le premier geste de communication, c’est la proximité. Le premier geste de communication, c’est chercher l’amitié. Si vous parlez bien entre vous, si vous vous souriez, si vous vous rapprochez comme des frères ; si vous êtes proches les uns des autres, même si vous appartenez à des tribus différentes ; et si vous êtes proches de ceux qui en ont besoin, de celui qui est pauvre, le malade, l’abandonné, la personne âgée que personne ne visite, ces gestes de communication sont plus contagieux que n’importe quelle chaîne de télévision.

A ces trois questions, je crois que j’ai dit quelque chose qui pourra vous aider. Mais demandez beaucoup à Jésus, priez le Seigneur pour qu’il vous donne la force de détruire le tribalisme : tous frères ; pour qu’il vous donne le courage de ne pas vous laisser corrompre, pour qu’il vous donne le désir de pouvoir communiquer entre vous comme des frères, par un sourire, par une bonne parole, par un geste d’aide et par la proximité.

Manuel aussi a posé des questions incisives. Je m’intéresse à la première qu’il a posée : Que pouvons-nous faire pour empêcher le recrutement des personnes qui nous sont chères ? Que pouvons-nous faire pour les faire revenir ? Pour répondre à cela nous devons savoir  pourquoi un jeune, plein d’illusions, se laisse recruter ou bien cherche à être recruté : il se détache de sa famille, de ses amis, de sa tribu, de son pays ; il se détache de la vie, pour apprendre à tuer. Et c’est une question que vous devez adresser à toutes les autorités. Si un jeune, garçon ou fille, n’a pas de travail, ne peut pas étudier, que peut-il faire ? Il peut être délinquant, ou bien tomber dans une forme de dépendance, ou bien se suicider – en Europe, les statistiques des suicides ne sont pas publiées –, ou bien s’enrôler dans une activité qui lui donne un but dans la vie, en le trompant, en le séduisant.

La première chose que nous devons faire pour éviter qu’un jeune soit recruté ou cherche à se faire recruter c’est l’instruction et le travail. Si un jeune n’a pas de travail, quel avenir l’attend ? De là vient l’idée de se laisser recruter. Si un jeune n’a pas la possibilité de recevoir une éducation, même une éducation d’urgence, de petits métiers, que peut-il faire ? Là se trouve le danger ! C’est un danger social, qui nous dépasse, et qui dépasse aussi le pays, parce qu’il dépend d’un système international qui est injuste, qui met au centre de l’économie non pas la personne, mais le dieu argent. Que puis-je faire pour l’aider ou pour le faire revenir ? Avant tout prier pour lui, mais prier fort. Dieu est plus fort que toute campagne de recrutement. Et ensuite, lui parler avec affection, avec sympathie, avec amour et avec patience. L’inviter à voir une partie de football, l’inviter à faire une promenade, l’inviter à rester ensemble dans le groupe, ne pas le laisser seul. C’est ce qui me vient à l’esprit maintenant.

Il y a certainement – c’est ta seconde question – des comportements qui font du tort, des comportements qui cherchent un bonheur passager, et qui finissent par te faire du tort. La question que tu m’as posée, Manuel, est une question de professeur de théologie : Comment pouvons-nous comprendre que Dieu est notre Père ? Comment pouvons-nous voir la main de Dieu dans les tragédies de la vie ? Comment pouvons-nous trouver la paix de Dieu ?  Écoute, cette question, des hommes et des femmes de partout dans le monde se la posent, d’une manière ou d’une autre ; et ils ne trouvent pas d’explication. Il y a des questions pour lesquelles tu auras beau te casser la tête, tu ne trouveras pas d’explication. Comment je peux voir la main de Dieu dans une tragédie de la vie ? Il y a une seule… j’allais dire une seule réponse. Non, ce n’est pas une réponse ; il n’y a qu’un seul chemin : regarder le Fils de Dieu. Dieu l’a livré pour nous sauver tous. Dieu lui-même s’est fait tragédie. Dieu lui-même s’est laissé détruire sur la croix. Et quand tu ne comprends pas quelque chose, quand tu es désespéré, quand le monde te tombe dessus, regarde la croix ! Là se trouve l’échec de Dieu ; là se trouve la destruction de Dieu. Mais là se trouve aussi le défi à notre foi : l’espérance. Parce que l’histoire ne se termine pas par cet échec, mais par la Résurrection qui nous a tous renouvelés.

Je vais vous faire une confidence – Il est midi… Avez-vous faim ? –  Alors je vais vous faire une confidence. Dans mes poches  j’ai toujours deux choses : un rosaire pour prier ; et une chose qui semble étrange, qui est ceci ; et ceci c’est l’histoire de l’échec de Dieu, c’est une Via Crucis, une petite Via Crucis montrant comment Jésus a souffert depuis le moment où il a été condamné à mort, jusqu’au moment où il a été enseveli. Et avec ces deux choses je cherche à faire de mon mieux. Mais grâce à ces deux choses je ne perds pas l’espérance.

Une dernière question du  théologien  Manuel : Quelles paroles avez-vous pour les jeunes qui ne connaissent pas l’amour de leurs familles ? Est-il possible de sortir de cette expérience ? Il y a partout des enfants abandonnés, ou bien parce qu’ils ont été abandonnés à la naissance, ou bien parce que la vie les a abandonnés – la famille, les parents – et ils ne sentent pas l’affection de la famille. C’est pourquoi la famille est si importante. Défendez la famille ! Défendez-la toujours. Partout il y a, non seulement des enfants abandonnés, mais aussi des personnes âgées abandonnées, qui sont là sans que personne ne les visite, sans personne qui les aime… Comment sortir de cette expérience négative d’abandon, de manque d’amour ? Il y a un seul remède pour sortir de ces expériences : faire ce que moi je n’ai pas reçu. Si vous n’avez pas reçu de compréhension, soyez compréhensifs avec les autres ; si vous n’avez pas reçu d’amour, aimez les autres. Si vous avez senti la douleur de la solitude, approchez-vous de ceux qui sont seuls. La chair se soigne avec la chair ! Et Dieu s’est fait chair pour nous soigner. Nous aussi faisons de même avec les autres.

Bien, je crois qu’avant que l’arbitre ne siffle la fin, c’est le moment de terminer. Je vous remercie de tout cœur d’être venus, de m’avoir permis de parler dans ma langue maternelle… Je vous remercie d’avoir prié beaucoup de rosaires pour moi. Et, s’il vous plaît, je vous demande de prier pour moi, parce que moi aussi j’en ai besoin, et beaucoup ! Je compte sur les prières de tous. Et avant de nous en aller, je vous demande de vous mettre debout et prions ensemble notre Père du Ciel, qui a un seul défaut : il ne peut cesser d’être Père !

[Notre Père en anglais]

[Bénédiction en anglais]

 



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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS
AU KENYA, EN OUGANDA ET EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

(25-30 NOVEMBRE 2015)

RENCONTRE AVEC LES AUTORITÉS ET LE CORPS DIPLOMATIQUE

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Palais de l'État, Entebbe (Ouganda)
Vendredi 27 novembre 2015

[Multimédia]


 

Monsieur le Président,
Honorables membres du Gouvernement,
Distingués Membres du Corps diplomatique,
Chers frères Evêques,
Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie pour votre accueil chaleureux, et je suis heureux d’être en Ouganda. Ma visite dans votre pays vise avant tout à commémorer le 50ème anniversaire de la canonisation des Martyrs de l’Ouganda par mon prédécesseur, le Pape Paul VI. Mais j’espère que ma présence ici sera aussi vue comme un signe d’amitié, d’estime et d’encouragement à tous les citoyens de cette grande nation.

Les Martyrs, catholiques et anglicans, sont de véritables héros nationaux. Ils rendent témoignage aux principes-guides exprimés dans la devise de l’Ouganda – Pour Dieu et pour mon Pays. Ils nous rappellent le rôle important que la foi, la rectitude morale et l’engagement pour le bien commun ont joué, et continuent de jouer dans la vie culturelle, économique et politique de ce pays. Ils nous rappellent aussi que, malgré nos différentes croyances et convictions, nous sommes tous appelés à rechercher la vérité, à travailler pour la justice et la réconciliation, comme à nous respecter, nous protéger et à nous aider mutuellement en tant que membres de la même famille humaine. Ces hauts idéaux sont particulièrement requis chez des hommes et des femmes comme vous, qui sont chargés d’assurer la bonne et transparente gestion, le développement humain intégral, une large participation à la vie nationale, ainsi qu’une distribution sage et juste des biens dont le Créateur a si généreusement doté cette terre.

Ma visite vise aussi à attirer l’attention sur l’Afrique dans son ensemble, sur sa promesse, ses espérances, ses luttes et ses succès. Le monde regarde l’Afrique comme le continent de l’espérance. L’Ouganda a été, en effet, béni par Dieu à travers d’abondantes ressources naturelles, que vous êtes appelés à administrer en tant que des gestionnaires responsables. Mais surtout, la nation a été bénie à travers ses habitants : ses familles fortes, ses jeunes, et ses personnes âgées. J’attends impatiemment la rencontre de demain avec les jeunes, à l’endroit desquels j’aurai des mots d’encouragement et d’exhortation. Qu’il est important qu’on leur donne de l’espérance, des opportunités d’éducation et d’un travail rémunéré, et surtout l’opportunité de partager pleinement la vie de la société ! Mais je voudrais aussi mentionner la bénédiction qui est la vôtre à travers les personnes âgées. Elles sont la mémoire vivante de chaque peuple. Leur sagesse et leur expérience devraient toujours être considérées comme une boussole qui peut aider la société à trouver la bonne direction face aux défis du présent, avec intégrité, sagesse et vision.

Ici, en Afrique de l’Est, l’Ouganda a fait montre d’un extraordinaire souci de l’accueil des réfugiés, en les aidant à rebâtir leurs vies dans la sécurité et dans le sens de la dignité dérivant d’une vie gagnée par un travail honnête. Notre monde, en proie aux guerres, à la violence et à de diverses formes d’injustice, expérimente un mouvement sans précédent de peuples. La façon dont nous les traitons est un test de notre humanité, de notre respect de la dignité humaine et surtout de notre solidarité envers nos frères et sœurs dans le besoin.

Bien que ma visite soit brève, j’espère encourager les nombreux efforts en cours pour prendre soin des pauvres, des malades et de ceux qui sont, de quelque manière, en difficulté. C’est par ces petits signes que nous voyons la vraie âme d’un peuple. De tant de manières, notre monde devient de plus en plus petit, cependant au même moment nous voyons avec préoccupation la globalisation d’une ‘‘culture de rejet’’ qui nous rend aveugles par rapport aux valeurs spirituelles, endurcit nos cœurs face aux besoins des pauvres, et prive nos jeunes d’espérance.

Heureux de vous rencontrer et de passer ce temps avec vous, je prie pour que vous vous révéliez, ainsi que tous les chers Ougandais, toujours dignes des valeurs qui ont forgé l’âme de votre nation. Sur vous tous, j’invoque l’abondance des bénédictions du Seigneur.

Mungu awabariki ! (Que Dieu vous bénisse !)

 



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(25-30 NOVEMBRE 2015)

VISITE À MUNYONYO ET SALUT AUX CATÉCHISTES ET AUX ENSEIGNANTS

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Kampala (Ouganda)
Vendredi 27 novembre 2015

[Multimédia]


 

Chers catéchistes et enseignants,
Chers amis,

Je vous salue tous avec affection au nom de Jésus-Christ, notre Seigneur et Maître.

‘‘Maître’’. Quel beau titre ! Jésus est notre premier et plus grand maître. Saint Paul nous dit que Jésus a donné à son Eglise non seulement des apôtres et des pasteurs, mais aussi des maîtres, pour édifier le Corps entier dans la foi et dans l’amour. Avec les évêques, les prêtres et les diacres, qui ont été ordonnés pour prêcher l’Evangile et prendre soin du troupeau du Seigneur, en tant que catéchistes, vous avez une part importante dans l’annonce de la Bonne Nouvelle à chaque village et hameau de votre pays. Vous avez été choisis pour avoir le ministère de la catéchèse.

Je voudrais, avant tout, vous remercier pour les sacrifices que vous, ainsi que vos familles, vous faites, comme pour le zèle et le dévouement avec lesquels vous accomplissez votre importante charge. Vous enseignez ce que Jésus a enseigné, vous instruisez les adultes et vous aidez les parents à faire grandir leurs enfants dans la foi et vous portez à tous la joie et l’espérance de la vie éternelle. Merci, merci pour votre dévouement, pour l’exemple que vous donnez, pour la proximité au peuple de Dieu dans la vie quotidienne et pour toutes les manières dont vous semez et cultivez la foi sur cette immense terre. Merci spécialement d’enseigner aux enfants et aux jeunes comment prier. Parce que c’est très important ; c’est un grande œuvre, celle qui consiste à enseigner aux enfants à prier.

Je sais que votre travail, bien que gratifiant, n’est pas facile. Je vous encourage, par conséquent, à persévérer, et je demande à vos évêques et à vos prêtres de vous aider par une formation doctrinale, spirituelle et pastorale, en mesure de vous rendre toujours plus efficaces dans votre action. Même lorsque la charge semble lourde, que les ressources sont insuffisantes et les obstacles trop grands, il faut vous souvenir que votre œuvre est une œuvre sainte. Et je veux le souligner : votre œuvre est sainte. L’Esprit-Saint est présent là où le nom du Christ est proclamé. Il est au milieu de nous chaque fois que nous élevons nos cœurs et notre esprit vers Dieu dans la prière. Il vous donnera la lumière et la force dont vous avez besoin ! Le message que vous portez s’enracinera d’autant plus profondément dans les cœurs des personnes que vous serez non seulement des maîtres, mais aussi des témoins. Et c’est une autre chose importante : vous devez être des maîtres, mais cela est inutile si vous n’êtes pas des témoins. Que votre exemple fasse voir à tous la beauté de la prière, le pouvoir de la miséricorde et du pardon, la joie de partager l’Eucharistie avec tous les frères et sœurs !

La communauté chrétienne en Ouganda s’est accrue de façon remarquable grâce au témoignage des martyrs. Ils ont rendu témoignage à la vérité qui rend libre ; ils ont été disposés à verser leur sang pour demeurer fidèles à ce qu’ils savaient être bon, beau et vrai. Nous sommes aujourd’hui ici à Munyonyo, à l’endroit où le Roi Mwanga a décidé d’éliminer les disciples du Christ. Il n’a pas réussi dans cette tentative, comme le Roi Hérode n’a pas réussi à tuer Jésus. La lumière a brillé dans les ténèbres et les ténèbres n’ont pas prévalu (cf. Jn 1, 5). Après avoir vu le témoignage courageux de saint André Kaggwa et de ses compagnons, les chrétiens en Ouganda sont devenus encore plus convaincus des promesses du Christ.

Puisse saint André, votre Patron, et puissent tous les catéchistes ougandais martyrs obtenir pour vous la grâce d’être de sages maîtres, des hommes et des femmes dont les paroles soient pleines de grâce, d’un témoignage convainquant de la splendeur de la vérité de Dieu et de la joie d’Evangile ! Témoins de sainteté. Allez sans peur dans chaque ville et village de ce pays, sans peur, répandre la bonne semence de la Parole de Dieu, et ayez confiance dans sa promesse que vous retournerez joyeux, avec des gerbes plantureuses d’une récolte abondante ! Je vous demande à tous, catéchistes, de prier pour moi, et de faire prier les enfants pour moi.

Omukama Abawe Omukisa ! ( Que Dieu vous bénisse !)

 



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(25-30 NOVEMBRE 2015)

MESSE POUR LES MARTYRS DE L'OUGANDA

HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE

Sanctuaire des Martyrs de Namugongo (Ouganda)
Samedi 28 novembre 2015

[Multimédia]


 

« Vous allez recevoir une force quand le Saint Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1 8).

Depuis l’âge apostolique jusqu’à nos jours, un grand nombre de témoins est sorti pour proclamer Jésus et manifester la puissance de l’Esprit Saint. Aujourd’hui, nous rappelons avec gratitude le sacrifice des martyrs ougandais, dont le témoignage d’amour pour le Christ et son Église a justement rejoint “les extrémités de la terre”. Nous rappelons aussi les martyrs anglicans, dont la mort pour le Christ rend témoignage à l’œcuménisme du sang. Tous ces témoins ont cultivé le don de l’Esprit Saint dans leur vie et ont librement donné le témoignage de leur foi en Jésus Christ, même au prix de leur vie, et beaucoup dans un si jeune âge.

Nous aussi, nous avons reçu le don de l’Esprit, pour nous faire fils et filles de Dieu, mais aussi pour porter témoignage à Jésus et le faire connaître et aimer en tout lieu. Nous avons reçu l’Esprit lorsque nous sommes renés dans le Baptême, et lorsque nous avons été fortifiés par ses dons dans la Confirmation. Chaque jour, nous sommes appelés à approfondir la présence de l’Esprit Saint dans notre vie, à “raviver” le don de son amour divin de façon à être à notre tour source de sagesse et de force pour les autres.

Le don de l’Esprit Saint est un don qui est donné pour être partagé. Il nous unit les uns aux autres comme fidèles et membres vivants du Corps mystique du Christ. Nous ne recevons pas le don de l’Esprit seulement pour nous-mêmes, mais pour nous édifier les uns les autres dans la foi, dans l’espérance et dans l’amour. Je pense aux saints Joseph Mkasa et Charles Lwanga, qui, après avoir été instruits dans la foi par les autres, ont voulu transmettre le don qu’ils avaient reçu. Ils l’ont fait dans des temps dangereux. C’est non seulement leur vie qui a été menacée, mais aussi la vie des plus jeunes confiés à leurs soins. Puisqu’ils avaient cultivé leur foi et avaient fait grandir leur amour pour Dieu, ils n’ont pas eu peur de porter le Christ aux autres, même au prix de leur vie. Leur foi est devenue témoignage ; aujourd’hui, vénérés comme martyrs, leur exemple continue d’inspirer beaucoup de personnes dans le monde. Ils continuent à proclamer Jésus Christ et la puissance de la Croix.

Si, comme les martyrs, nous ravivons chaque jour le don de l’Esprit qui habite en nos cœurs, nous deviendrons alors certainement ces disciples-missionnaires que le Christ nous appelle à être. Pour nos familles et nos amis sûrement, mais aussi pour ceux que nous ne connaissons pas, spécialement pour ceux qui pourraient être peu bienveillants et même hostiles à notre égard. Cette ouverture envers les autres commence dans la famille, dans nos maisons, où on apprend la charité et le pardon, et où dans l’amour de nos parents, on apprend à connaître la miséricorde et l’amour de Dieu. Elle s’exprime aussi dans le soin envers les personnes âgées et les pauvres, les veuves et les orphelins.

Le témoignage des martyrs montre à tous ceux qui ont écouté leur histoire, à l’époque et aujourd’hui, que les plaisirs mondains et le pouvoir terrestre ne donnent pas une joie et une paix durables. C’est plutôt la fidélité à Dieu, l’honnêteté et l’intégrité de la vie et l’authentique préoccupation pour le bien des autres qui nous apportent cette paix que le monde ne peut offrir. Cela ne diminue pas notre souci de ce monde, comme si nous regardions seulement vers la vie future. Au contraire, cela offre un but à la vie en ce monde et nous aide à rejoindre ceux qui sont dans le besoin, à coopérer avec les autres pour le bien commun et à construire une société plus juste, qui promeut la dignité humaine, sans exclure personne, qui défend la vie, don de Dieu, et protège les merveilles de la nature, la Création, notre maison commune.

Chers frères et sœurs, c’est l’héritage que vous avez reçu des martyrs ougandais : des vies marquées par la puissance de l’Esprit Saint, des vies qui témoignent encore aujourd’hui du pouvoir transformant de l’Évangile de Jésus Christ. On ne s’approprie pas cet héritage comme un souvenir de circonstance ou en le conservant dans un musée comme si c’était un joyau précieux. Nous l’honorons vraiment et nous honorons tous les Saints, lorsque plutôt nous portons le témoignage qu’ils ont rendu au Christ dans nos maisons et à nos voisins, dans nos lieux de travail et dans la société civile, soit que nous restions dans nos maisons ou que nous nous rendions jusqu’au coin le plus reculé du monde.

Puissent les martyrs ougandais, avec Marie, Mère de l’Église, intercéder pour nous, et puisse l’Esprit Saint allumer en nous le feu de l’amour divin !

Omukama Abawe Omukisa ! (Que Dieu vous bénisse !)

 


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(25-30 NOVEMBRE 2015)

RENCONTRE AVEC LES JEUNES

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Kololo Air Strip, Kampala (Ouganda)
Samedi 28 novembre 2015

[Multimédia]


 

[En anglais, le Pape annonce qu’il parlera dans sa langue]

J’ai écouté avec beaucoup de douleur dans le cœur le témoignage de Winnie et d’Emmanuel. Mais, à mesure que j’écoutais, je me suis posé une question : une expérience négative peut-elle servir à quelque chose dans la vie ? Oui ! Emmanuel comme Winnie ont souffert des expériences négatives. Winnie pensait qu’il n’y avait pas d’avenir pour elle, et que, pour elle, la vie était un mur qui était devant. Mais Jésus lui a fait comprendre que, dans la vie, on peut faire un grand miracle : transformer un mur en un horizon, un horizon qui m’ouvre l’avenir. Devant une expérience négative – et beaucoup, beaucoup d’entre nous qui nous trouvons ici avons eu des expériences négatives – il y a toujours la possibilité d’ouvrir un horizon, de l’ouvrir avec la force de Jésus. Aujourd’hui Winnie a transformé sa dépression, son amertume, en espérance. Et ce n’est pas de la magie : c’est l’œuvre de Jésus, parce que Jésus est le Seigneur. Jésus peut tout. Et Jésus a souffert l’expérience la plus négative de l’histoire : il a été insulté, il a été rejeté et il a été assassiné. Et Jésus, par la puissance de Dieu, est ressuscité. Il peut faire en chacun de nous la même chose, avec n’importe quelle expérience négative ; parce que Jésus est le Seigneur.

J’imagine – et tous ensemble nous pouvons imaginer – la souffrance d’Emmanuel, quand il voyait que ses compagnons étaient torturés, quand il voyait que ses compagnons étaient assassinés. Emmanuel a été courageux, il s’est donné du courage. Il savait que s’ils le trouvaient le jour où il s’échappait, ils l’auraient tué. Il a risqué, il s’est confié à Jésus et il s’est échappé. Et aujourd’hui nous l’avons ici, 14 ans après, diplômé en Sciences Administratives. On peut toujours ! Notre vie est comme une semence : pour vivre il faut mourir ; et parfois mourir physiquement, comme cela est arrivé aux compagnons d’Emmanuel ; mourir comme sont morts Charles Lwanga et les martyrs de l’Ouganda. Mais à travers cette mort il y a une vie, une vie pour tous. Si je transforme le négatif en positif, je triomphe. Mais cela ne peut se faire qu’avec la grâce de Jésus. Etes-vous sûrs de cela ? … Je n’entends rien… Etes-vous sûrs de cela ? [les jeunes : Oui !] Etes-vous prêts à transformer dans la vie toutes les choses négatives en choses positives ? [les jeunes : Oui !] Etes-vous prêts à transformer la haine en amour ? [les jeunes : Oui !] Etes-vous prêts à transformer la guerre en paix ? [les jeunes : Oui !] Ayez conscience que vous êtes un peuple de martyrs. Dans vos veines coule le sang des martyrs ! C’est pourquoi vous avez la foi et la vie que vous avez aujourd’hui [les jeunes : Oui !] Et cette foi, cette vie, elle est si belle qu’elle s’appelle la « Perle de l’Afrique ».

Il semble que le micro ne fonctionne pas bien. Parfois, nous aussi, nous ne fonctionnons pas bien. Oui ou non ? Et quand nous ne fonctionnons pas bien, à qui devons nous aller demander qu’il nous aide ? Je ne vous entends pas !…Plus fort !… [les jeunes : Jésus] A Jésus ! Jésus peut changer ta vie. Jésus peut abattre tous les murs que tu as devant toi. Jésus peut faire que ta vie soit un service pour les autres.

L’un de vous pourrait me demander : Et pour cela, il y a une baguette magique ? Si tu veux que Jésus change ta vie, demande lui de l’aide. Et cela s’appelle prier. Vous avez bien compris ? Prier ! Je vous demande : est-ce que vous priez ? [les jeunes : Oui !] Vraiment ? [les jeunes : Oui !] Priez Jésus parce qu’il est le Sauveur. N’oubliez jamais de prier ! La prière est l’arme la plus forte que possède un jeune. Jésus nous aime. Je vous demande : Jésus aime-t-il les uns, et pas les autres ? [Non !] Jésus aime tout le monde ? [Oui !] Jésus veut-il tous nous aider ? [Oui !] Alors ouvre la porte de ton cœur et laisse-le entrer. Laisser entrer Jésus dans ma vie. Et quand Jésus entre dans ta vie, il t’aide à lutter, à lutter contre tous les problèmes dont a parlé Winnie. Lutter contre la dépression, lutter contre le SIDA. Demander de l’aide pour surmonter ces situations, mais lutter toujours. Lutter avec mon désir et lutter avec ma prière. Etes-vous prêts à lutter ? Etes-vous prêts à désirer le meilleur pour vous ? [Oui !] Etes-vous prêts à prier, à demander à Jésus qu’il vous aide dans la lutte ? [Oui !]

Et je veux vous dire une troisième chose. Nous sommes tous dans l’Église, nous appartenons à l’Église. C’est vrai ? [Oui !] Et l’Église a une Mère. Comment s’appelle-t-elle ? Je n’ai pas compris ! [Marie !] Prier la Mère ! Quand un enfant tombe, il se fait mal, il se met à pleurer et va chercher la maman. Quand nous avons un problème, la meilleure chose que nous pouvons faire c’est d’aller où se trouve notre Mère ; et prier Marie, notre Mère. Vous êtes d’accord ? [Oui !] Et vous, est-ce que vous prier la Vierge, notre Mère ? [Oui !] Et vous ici [s’adressant à un groupe de jeunes] , est-ce que vous priez Jésus et la Vierge, notre Mère ? [Oui !]

Trois choses. Surmonter les difficultés. La seconde : transformer le négatif en positif. La troisième : la prière. La prière à Jésus qui peut tout. Jésus qui entre dans notre cœur et change notre vie. Jésus qui est venu pour me sauver et qui a donné sa vie pour moi. Priez Jésus parce qu’il est l’unique Seigneur. Et comme dans l’Église nous ne sommes pas orphelins, et que nous avons une Mère, priez notre Mère. Et comment s’appelle notre Mère ? [Marie !] Plus fort ! [Marie !]

Je vous remercie beaucoup de m’avoir écouté. Je vous remercie de vouloir changer le négatif en positif ; de vouloir combattre le mal, avec Jésus à vos côtés. Et surtout, je vous remercie de vouloir ne jamais cesser de prier. Et maintenant, je vous invite à prier ensemble notre Mère, pour qu’elle nous protège. Vous êtes d’accord ? [Oui !] Tous ensemble ? [Oui !]

[Ave Maria et Bénédiction en anglais]

Et, s’il vous plait, s’il vous plait, une dernière demande : priez pour moi. Priez pour moi ! J’en ai besoin. N’oubliez pas. Au revoir !

 


Discours préparé par le Saint-Père

Saint Père : Omukama Mulungi ! [Dieu est bon !]

Les Jeunes : Obudde Bwoona ! [Maintenant et toujours]

Chers jeunes, chers amis,

je suis heureux d’être ici et de partager ces moments avec vous. Je désire saluer les frères Évêques et les Autorités civiles présents. Je remercie Monseigneur Paul Ssemogerere pour ses paroles de bienvenue. Les témoignages de Winnie et d’Emmanuel renforcent mon impression que l’Église en Ouganda est riche de jeunes qui désirent un avenir meilleur. Aujourd’hui, si vous me le permettez, je voudrais vous confirmez dans la foi, vous encourager dans l’amour et d’une manière spéciale, vous fortifier dans l’espérance.

L’espérance chrétienne n’est pas simplement de l’optimisme ; c’est beaucoup plus. Elle enfonce ses racines dans la vie nouvelle que nous avons reçue en Jésus Christ. Saint Paul dit que l’espérance ne nous déçoit pas, parce que dans le Baptême l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint (cf. Rm 5, 5). L’espérance nous rend capables de compter sur les promesses du Christ, sur la force de son pardon, de son amitié, de son amour, qui ouvre les portes à une vie nouvelle. Vraiment quand vous vous heurtez à un problème, à un échec, quand vous avez un temps d’arrêt, ancrez votre cœur dans cet amour parce qu’il a le pouvoir de changer la mort en vie et de repousser tout mal.

Aussi cet après-midi, je voudrais vous inviter, avant tout, à prier pour que ce don grandisse en vous et que vous puissiez recevoir la grâce de devenir des messagers d’espérance. Il y a beaucoup de personnes autour de nous qui éprouvent une profonde inquiétude et même du désespoir. Jésus dissipe ces nuages, si nous le lui permettons.

J’aimerais aussi partager avec vous quelques pensées au sujet de certains obstacles que vous pourriez rencontrer sur la route de l’espérance. Vous tous, vous désirez un avenir meilleur, un travail, la santé et le bien –être, et c’est une bonne chose. Pour le bien du peuple et de l’Église, vous désirez partager avec les autres vos dons, les aspirations et l’enthousiasme, et c’est une chose très bonne. Mais parfois, quand vous voyez la pauvreté, quand vous rencontrez l’absence d’opportunité, quand vous faites l’expérience des échecs de la vie, un sentiment de désespoir peut surgir et grandir. Vous pouvez être tentés de perdre l’espérance.

Ne vous est-il jamais arrivé de voir un enfant qui dans la rue doive s’arrêter face à une flaque d’eau qui se trouve devant lui, et qu’il n’est pas en mesure de sauter ou de contourner ? Il peut essayer de le faire, mais ensuite il tombe et se mouille. Alors, après diverses tentatives, il appelle à l’aide son papa, qui le prend par la main et le fait passer rapidement de l’autre côté. Nous sommes comme cet enfant. La vie nous réserve beaucoup de flaques d’eau. Mais nous ne devons pas surmonter tous les problèmes et les obstacles avec nos seules forces. Dieu est là pour saisir notre main, si seulement nous l’invoquons.

Ce que je voudrais vous dire, c’est que nous tous, même le Pape, nous devrions ressembler à cet enfant ! Parce que c’est seulement lorsque nous sommes petits et humbles que nous n’avons pas peur d’appeler à l’aide notre Père. Si vous avez fait l’expérience de ce secours, vous savez de quoi je suis en train de parler. Nous avons besoin d’apprendre à replacer notre espérance en Lui, conscients qu’il est toujours là présent, pour nous. Il nous infuse confiance et courage. Mais – et c’est important – ce serait une erreur de ne pas partager cette belle expérience avec les autres. Nous nous tromperions si nous ne devenions pas des messagers d’espérance pour les autres.

Une “flaque d’eau” particulière peut faire peur aux jeunes qui souhaitent grandir dans l’amitié avec le Christ. C’est la peur d’échouer dans l’engagement pris à aimer, surtout dans ce grand et sublime idéal qu’est le mariage chrétien. On peut avoir peur de ne pas réussir à être une bonne épouse et une bonne mère, un bon époux et un bon père. Si on continue à regarder la flaque, on peut même voir ses propres faiblesses et ses peurs se refléter sur soi. S’il vous plaît, ne vous rendez pas face à elles ! Parfois ces peurs proviennent du diable, qui ne veut pas que vous soyez heureux. Non ! Appelez Dieu à l’aide, ouvrez-lui votre cœur et il vous soulèvera, il vous prendra entre ses bras, et il vous montrera comment aimer. Je demande en particulier aux jeunes couples de cultiver la confiance que Dieu veut bénir votre amour et vos vies par sa grâce, dans le sacrement du Mariage. Au cœur du mariage chrétien, il y a le don de l’amour de Dieu, non l’organisation de fêtes somptueuses qui obscurcissent souvent la profonde signification spirituelle d’une joyeuse célébration avec les proches et les amis.

Enfin, une “flaque d’eau” que nous devons tous affronter est la peur d’être différents, d’aller à contre-courant dans une société qui nous pousse constamment à embrasser des modèles de satisfaction et de consommation étrangers aux valeurs profondes de la culture africaine. Pensez : que diraient les Martyrs de l’Ouganda au sujet de la mauvaise utilisation des moyens modernes de communication, où les jeunes sont exposés à des images et à des visions déformées de la sexualité, qui dégradent la dignité humaine, conduisant à la tristesse et au vide intérieur ? Quelles seraient les réactions des Martyrs ougandais devant la croissance de l’avidité et de la corruption dans la société ? Certainement, ils vous demanderaient d’être des modèles de vie chrétienne, confiants que l’amour du Christ, la fidélité à l’Évangile et la sage utilisation des dons que Dieu vous a donnés ne puissent qu’enrichir, purifier et élever la vie de ce pays. Ils continuent à vous montrer la route. N’ayez pas peur de faire en sorte que la lumière de la foi resplendisse dans vos familles, dans les écoles et dans les lieux de travail. N’ayez pas peur d’entrer humblement en dialogue avec les autres, qui peuvent voir les choses de façons différentes.

Chers jeunes, chers amis, regardant vos visages je suis plein d’espérance : espérance pour vous, pour votre pays et pour l’Église. Je vous demande de prier pour que l’espérance que vous avez reçue de l’Esprit Saint continue d’inspirer vos efforts pour grandir en sagesse, en générosité et en bonté. N’oubliez pas d’être des messagers de cette espérance ! Et n’oubliez pas que Dieu vous aidera à traverser toutes les flaques d’eau que vous rencontrerez le long du chemin !

Mettez votre espérance dans le Christ et il vous rendra capables de trouver le véritable bonheur. Et s’il vous est difficile de prier et d’espérer, n’ayez pas peur de vous tourner vers Marie, parce qu’elle est notre Mère, la Mère de l’espérance. Enfin, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Que Dieu vous bénisse !


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(25-30 NOVEMBRE 2015)

VISITE À LA MAISON DE CHARITÉ DE NALUKOLONGO

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Kampala (Ouganda)
Samedi 28 novembre 2015

[Multimédia]


 

Chers amis,

Je vous remercie de votre accueil chaleureux. J’ai beaucoup désiré visiter cette Maison de la Charité, que le Cardinal Nsubuga a fondée ici à Nalukolongo. Ce lieu a toujours été lié à l’engagement de l’Église envers les pauvres, les handicapés et les malades. Ici, dans les premiers temps, des enfants ont été rachetés de l’esclavage et des femmes ont reçu une éducation religieuse. Je salue les Sœurs du Bon Samaritain, qui poursuivent cette œuvre excellente et je les remercie pour leurs années de service silencieux et joyeux dans l’apostolat. Et ici, ici Jésus est présent, parce qu’il a dit qu’il sera toujours présent au milieu des pauvres, des malades, des prisonniers, de ceux dont on ne veut pas, de ceux qui souffrent. Ici il y a Jésus.

Je salue aussi les représentants de nombreux autres groupes d’apostolat qui prennent soin des besoins de nos frères et de nos sœurs en Ouganda. Je pense en particulier au grand et fructueux travail réalisé avec les malades du SIDA. Surtout, je salue ceux qui habitent dans cette Maison et dans d’autres semblables, et tous ceux qui bénéficient des œuvres de la charité chrétienne. Parce que cette maison est vraiment une maison ! Ici vous pouvez trouver affection et attention ; ici vous pouvez sentir la présence de Jésus notre frère, qui aime chacun de nous avec l’amour qui est le propre de Dieu.

Aujourd’hui, de cette Maison, je voudrais adresser un appel à toutes les paroisses et communautés présentes en Ouganda – et dans le reste de l’Afrique – à ne pas oublier les pauvres, à ne pas oublier les pauvres. L’Évangile nous impose de sortir vers les périphéries de la société et de trouver le Christ dans celui qui souffre et dans celui qui se trouve dans le besoin. Le Seigneur nous dit, avec des paroles qui sont sans équivoques, qu’il nous jugera sur cela ! Il est triste que nos sociétés permettent que les personnes âgées soient rejetées ou oubliées ! Il est déplorable que les jeunes soient exploités par l’esclavage actuel du trafic d’êtres humains ! Si nous regardons attentivement le monde qui nous entoure il semble qu’en de nombreux endroits l’égoïsme et l’indifférence se répandent. Combien de nos frères et sœurs sont victimes de la culture actuelle de l’ « utilise et jette », que génère le mépris surtout vis-à-vis des enfants qui ne sont pas encore nés, des jeunes et des personnes âgées !

En tant que chrétiens, nous ne pouvons pas simplement rester à regarder, rester à regarder ce qui se passe, et de ne rien faire. Quelque chose doit changer ! Nos familles doivent devenir des signes encore plus évidents de l’amour patient et miséricordieux de Dieu, non seulement pour nos enfants et nos personnes âgées, mais aussi pour tous ceux qui se trouvent dans le besoin. Nos paroisses ne doivent pas fermer les portes et les oreilles au cri des pauvres. Il s’agit de la voie maitresse du disciple chrétien. C’est de cette manière que nous rendons témoignage au Seigneur, qui est venu non pour être servi mais pour servir. Nous montrons ainsi que les personnes comptent plus que les choses et que ce que nous sommes est plus important que ce que nous possédons. En effet, précisément en ceux que nous servons, le Christ se révèle lui-même chaque jour et prépare l’accueil que nous espérons recevoir un jour dans son Royaume éternel.

Chers amis, à travers des gestes simples, à travers des actes simples et dévoués qui honorent le Christ dans ses frères et sœurs les plus petits, nous faisons entrer la force de son amour dans le monde et nous le changeons réellement. Encore une fois je vous remercie pour votre générosité et pour votre charité. Je me souviendrai toujours de vous dans mes prières et je vous demande, s’il vous plait de prier pour moi. Je vous confie tous à la tendre protection de Marie notre Mère et je vous donne ma Bénédiction.

Omukama Abakuume ! [Que Dieu vous protège]


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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS
AU KENYA, EN OUGANDA ET EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

(25-30 NOVEMBRE 2015)

RENCONTRE AVEC LES PRÊTRES, RELIGIEUX, RELIGIEUSES ET SÉMINARISTES

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Cathédrale Sainte-Marie de Kampala (Ouganda)
Samedi 28 novembre 2015

[Multimédia]


(En italien) Je laisserai à l’Évêque chargé de la Vie Consacrée le message que j’ai écrit pour vous, pour qu’il soit publié.

(En anglais) Je vous demande pardon de parler dans ma langue maternelle, mais je ne sais pas parler anglais.

Je désire vous dire trois choses. Avant tout, dans le livre du Deutéronome, Moïse rappelle à son peuple: n'oublie pas ! Et il le répète plusieurs fois dans le livre : N'oublie pas ! N'oublie pas tout ce que Dieu a fait pour le peuple. La première chose que je veux vous dire c’est que vous ayez, que vous demandiez, la grâce de la mémoire. Comme je l'ai dit aux jeunes : le sang des catholiques ougandais est mêlé au sang des martyrs. Ne perdez pas la mémoire de cette semence, pour qu'ainsi vous continuiez à grandir. Le principal ennemi de la mémoire c'est l'oubli, mais ce n'est pas le plus dangereux. L'ennemi le plus dangereux de la mémoire c’est s'habituer à hériter des biens des aînés. L'Église en Ouganda ne peut pas s'habituer, jamais, au souvenir lointain de ses martyrs. Martyr signifie témoin. L'Église en Ouganda pour être fidèle à cette mémoire doit continuer à être témoin, elle ne doit pas vivre de rentes. Les gloires passées ont été au début, mais vous avez à faire les gloires futures. Et c'est la tâche que vous confie l'Église: soyez témoins comme ont été témoins les martyrs qui ont donné la vie pour l'Évangile.

Pour être témoin – seconde chose que je veux vous dire - la fidélité est nécessaire. Fidélité à la mémoire, fidélité à sa propre vocation, fidélité au zèle apostolique. Fidélité signifie suivre le chemin de la sainteté. Fidélité signifie faire ce qu'ont fait les témoins d’avant : être missionnaires. Peut-être ici, en Ouganda, il y a des diocèses qui ont beaucoup de prêtres et des diocèses qui en ont peu. Fidélité signifie se proposer à l'Évêque pour aller dans un autre diocèse qui a besoin de missionnaires. Et cela n'est pas facile. Fidélité signifie persévérance dans la vocation. Et je veux ici remercier spécialement l'exemple de fidélité que m'ont donné les Sœurs de la Maison de la Miséricorde : fidélité aux pauvres, aux malades, à ceux qui sont le plus dans le besoin, parce que le Christ est là. L'Ouganda a été arrosé par le sang de martyrs, de témoins. Il est aujourd'hui nécessaire de continuer à l'arroser, et pour cela, de nouveaux défis, de nouveaux témoins, de nouvelles missions ; sinon vous allez perdre la grande richesse que vous possédez, et la « Perle de l'Afrique » finira gardée dans un musée, parce que le démon attaque comme ça, petit à petit.

Et je ne parle pas seulement pour les prêtres, mais aussi pour les religieux. Ce que je veux dire aux prêtres de manière spéciale concernant la mission : que les diocèses qui ont un clergé nombreux proposent à ceux qui en ont moins, et alors l'Ouganda continuera à être missionnaire.

Mémoire qui signifie fidélité ; et fidélité qui est possible seulement par la prière. Si un religieux, une religieuse, un prêtre cesse de prier ou prie peu, parce qu'il dit qu'il a beaucoup de travail, il a déjà commencé à perdre la mémoire, et il a déjà commencé à perdre la fidélité. La prière qui signifie aussi humiliation. L'humiliation d'aller avec régularité au confesseur pour dires ses péchés. On ne peut pas boiter des deux jambes. Religieux, religieuses, prêtres, nous ne pouvons pas mener une double vie. Si tu es pécheur, si tu es pécheresse, demande pardon ! Mais ne garde pas caché ce que Dieu ne veut pas, ne garde pas caché le manque de fidélité, n’enferme pas dans l’armoire la mémoire.

Mémoire, nouveaux défis, fidélité à la mémoire et à la prière – la prière commence toujours en se reconnaissant pécheur. Avec ces trois colonnes, la "Perle de l'Afrique" continuera à être une perle, et pas seulement un mot dans le dictionnaire. Que les martyrs qui ont donné la force à cette Église vous aident à persévérer dans la mémoire, dans la fidélité et dans la prière. Et, s'il vous plait, je vous demande de ne pas oublier de prier pour moi.

Merci beaucoup (en anglais)

Maintenant je vous invite à prier tous ensemble un Ave Maria à la Vierge.

(Prière de l’Ave Maria et Bénédiction Apostolique en anglais)


Discours préparé par le Saint-Père

Chers frères prêtres,
Chers religieux et chers séminaristes,

Je suis heureux d’être avec vous, et je vous remercie de votre cordiale bienvenue. Je remercie en particulier ceux qui ont parlé et qui ont témoigné de vos espérances et de vos préoccupations, et surtout de la joie qui vous inspire dans votre service du peuple de Dieu en Ouganda.

Je me réjouis aussi que notre rencontre ait lieu à la veille du premier dimanche de l’Avent, un temps qui nous invite à regarder vers un nouveau commencement. Durant cet Avent nous nous préparons aussi à franchir le seuil de l’Année Jubilaire extraordinaire de la Miséricorde, que j’ai convoquée pour toute l’Église.

Alors que nous approchons du Jubilé de la Miséricorde, je voudrais vous poser deux questions. La première : qui êtes-vous, comme prêtres ou futurs prêtres, ou comme personnes consacrées ? En un certain sens, la réponse est facile : vous êtes certainement des hommes et des femmes dont les vies ont été transformées par une « rencontre personnelle avec Jésus-Christ » (Evangelii gaudium, n. 3). Jésus a touché vos cœurs, il vous a appelé par votre nom, et il vous a demandé de le suivre d’un cœur sans partage au service de son peuple saint.

L’Église en Ouganda, dans sa brève mais cependant vénérable histoire, à été bénie par un grand nombre de témoins – fidèles laïcs, catéchistes, prêtres et religieux – qui ont tout laissé par amour de Jésus : maison, famille et, dans le cas des martyrs, leur vie elle-même. Dans votre vie, que ce soit dans le ministère sacerdotal, que ce soit dans la consécration religieuse, vous êtes appelés à poursuivre ce grand héritage, surtout par des actes simples d’humble service. Jésus désire se servir de vous pour toucher les cœurs de nouvelles personnes : il veut se servir de votre bouche pour proclamer sa parole de salut, de vos bras pour embrasser les pauvres qu’il aime, de vos mains pour construire une communauté d’authentique disciples missionnaires. Veuille le ciel que nous n’oublions jamais que notre « oui » à Jésus est un « oui » à son peuple. Nos portes, les portes de nos églises, mais surtout les portes de nos cœurs, doivent rester constamment ouvertes au peuple de Dieu, à notre peuple. C’est pour cela que nous somme ce que nous sommes.

Une seconde question que je voudrais vous poser ce soir est : Qu’êtes-vous prêts à faire de plus pour vivre votre vocation spécifique ? Parce qu’il y a toujours quelque chose de plus que nous pouvons faire, un autre mille à parcourir sur notre chemin.

Le peuple de Dieu, et même tous les peuples, aspirent à une vie nouvelle, au pardon et à la paix. Malheureusement, dans le monde il y a de nombreuses situations préoccupantes qui nécessitent nos supplications, à partir des réalités les plus proches. Je prie avant tout pour le bien-aimé peuple burundais, afin que le Seigneur suscite chez les Autorités et dans toute la société des sentiments et des propositions de dialogue et de collaboration, de réconciliation et de paix. Si notre tâche est d’accompagner les personnes qui souffrent, alors, à la ressemblance de la lumière qui filtre à travers les vitres de cette Cathédrale, nous devons permettre que la puissance de guérison de Dieu passe à travers nous. En premier lieu nous devons permettre que les vagues de sa miséricorde s’écoulent sur nous, nous purifient et nous restaurent, de sorte que nous puissions porter cette miséricorde aux autres, spécialement à ceux qui se trouvent dans les nombreuses périphéries géographiques et existentielles.

Tous nous savons bien combien cela peut être difficile. Il y a tant de travail à accomplir ! En même temps, la vie moderne offre beaucoup de distractions qui peuvent brouiller nos consciences, dissiper notre zèle, et même nous attirer dans cette « mondanité spirituelle » qui ronge les fondements de la vie chrétienne. L’engagement à la conversion – cette conversion qui est le cœur de l’Évangile (cf. Mc 1, 15) – doit être poursuivie, chaque jour, dans le combat pour reconnaître et dépasser ces habitudes et ces façons de penser qui peuvent alimenter la paresse spirituelle. Nous avons besoin d’examiner nos consciences, que ce soit comme individu ou comme communauté.

Comme je l’ai souligné, nous entrons dans le temps de l’Avent, qui est le temps d’un nouveau départ. Dans l’Église, il nous est agréable d’affirmer que l’Afrique est le continent de l’espérance, et pour de bonnes raisons. L’Église sur ces terres est bénie par une abondante récolte de vocations religieuses. Ce soir je voudrais offrir une parole particulière d’encouragement aux jeunes séminaristes et religieux ici présents. L’appel du Seigneur est une source de joie et un appel à servir. Jésus nous dit que « ce que dit la bouche, c’est ce qui déborde du cœur » (Lc 6, 45). Puisse le feu de l’Esprit Saint purifier vos cœurs, de manière à être les témoins joyeux et convaincus de l’espérance donnée par l’Évangile. Vous avez une très belle parole à annoncer ! Puissiez-vous l’annoncer toujours, surtout par l’intégrité et la conviction qui émanent de votre vie.

Chers frères et sœurs, ma visite en Ouganda est brève, et cette journée a été longue ! Cependant je considère notre rencontre de ce soir comme le couronnement de cette très belle journée, au cours de laquelle j’ai pu me rendre en pèlerin au Sanctuaire des martyrs Ougandais à Namugongo, et où j’ai pu rencontrer de très nombreux jeunes qui sont l’avenir de la nation et de l’Église. En vérité je quitterai l’Afrique avec une grande espérance dans la moisson de grâce que Dieu est en train de préparer parmi vous ! Je demande à chacun de vous de prier pour une abondante effusion de zèle apostolique, pour une joyeuse persévérance dans l’appel que vous avez reçu, et surtout pour le don d’un cœur pur et toujours ouvert aux besoins de tous nos frères et sœurs. De cette manière l’Église en Ouganda se montera vraiment digne de son glorieux héritage et pourra affronter les défis de l’avenir avec la ferme espérance dans les promesses du Christ. Je me souviendrai de vous tous dans mes prières, et je vous demande de prier pour moi !


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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS
AU KENYA, EN OUGANDA ET EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

(25-30 NOVEMBRE 2015)

RENCONTRE AVEC LES AUTORITÉS ET LE CORPS DIPLOMATIQUE

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Palais Présidentiel, Bangui (République centrafricaine)
Dimanche 29 novembre 2015

[Multimédia]


Madame le Chef de l’État de la Transition,
Distinguées autorités,
Membres du Corps diplomatique,
Représentants des Organisations internationales,
Chers frères Evêques,
Mesdames et Messieurs,

Heureux de me retrouver ici avec vous, je voudrais d’abord manifester ma vive appréciation pour le chaleureux accueil qui m’a été réservé et remercier Madame le Chef de l’État de la Transition pour son aimable adresse de bienvenue. Je suis touché, Madame, pour ce que vous venez de dire. Merci beaucoup pour ce témoignage si humain et si chrétien. De ce lieu, qui d’une certaine manière est la maison de tous les Centrafricains, il m’est agréable d’exprimer, à travers vous et à travers les autres Autorités du pays ici présentes, ma sympathie et ma proximité spirituelle à tous vos concitoyens. Je voudrais également saluer les membres du Corps diplomatique, ainsi que les représentants des Organisations internationales dont l’œuvre rappelle l’idéal de solidarité et de coopération qui doit être cultivé entre les peuples et les nations.

Alors que la République Centrafricaine s’achemine progressivement, malgré les difficultés, vers la normalisation de sa vie socio-politique, je foule pour la première fois cette terre, après mon prédécesseur saint Jean-Paul II. C’est en pèlerin de la paix que je viens, et c’est en apôtre de l’espérance que je me présente. Voilà pourquoi j’ai plaisir à saluer l’effort accompli par les diverses Autorités nationales et internationales, en commençant par Madame le Chef de l’État de la Transition, pour conduire le pays à ce stade. Mon souhait le plus ardent est que les différentes consultations nationales qui vont se tenir dans quelques semaines permettent au pays d’entamer sereinement une nouvelle étape de son histoire.

Pour éclairer l’horizon, la devise de la République Centrafricaine traduisant l’espérance des pionniers et le rêve des pères fondateurs, est là : « Unité – Dignité – Travail ». Aujourd’hui plus encore qu’hier, cette trilogie exprime les aspirations de chaque Centrafricain et, par conséquent, constitue une boussole sûre pour les Autorités, chargées de conduire les destinées du pays. Unité, dignité, travail ! Trois mots lourds de sens, dont chacun représente autant un chantier qu’un programme jamais achevé, une tâche à remettre sans cesse sur le métier.

D’abord, l’unité. Elle est, on le sait, une valeur cardinale pour l’harmonie des peuples. Elle est à vivre et à construire à partir de la merveilleuse diversité du monde ambiant, en évitant la tentation de la peur de l’autre, de ce qui ne nous est pas familier, de ce qui n’appartient pas à notre ethnie, à nos options politiques ou à notre confession religieuse. L’unité exige, tout au contraire, de créer et de promouvoir une synthèse des richesses que chacun porte en lui. L’unité dans la diversité, c’est un défi constant, qui appelle à la créativité, à la générosité, à l’abnégation et au respect d’autrui.

Ensuite, la dignité. C’est justement cette valeur morale synonyme d’honnêteté, de loyauté, de grâce et d’honneur, qui caractérise les hommes et les femmes conscients de leurs droits comme de leurs devoirs et qui les conduit au respect mutuel. Chaque personne a une dignité. Je me suis laissé dire avec intérêt que la Centrafrique est le pays du ‘‘Zo kwe zo’’, le pays où chaque personne est une personne. Tout doit donc être fait pour sauvegarder le statut et la dignité de la personne humaine. Et celui qui a les moyens d’une vie décente, au lieu d’être préoccupé par les privilèges, doit chercher à aider les plus pauvres à accéder eux aussi à des conditions respectueuses de la dignité humaine, notamment à travers le développement de leur potentiel humain, culturel, économique et social. Par conséquent, l’accès à l’éducation et aux soins, la lutte contre la malnutrition et le combat pour garantir à tous un logement décent doivent figurer au premier plan d’un développement soucieux de la dignité humaine. En définitive, la dignité de l’être humain, c’est de travailler à la dignité de ses semblables.

Enfin, le travail. C’est par le travail que vous pouvez améliorer la vie de vos familles. Saint Paul a dit : « Les enfants n’ont pas à amasser pour leurs parents, mais les parents pour leurs enfants » (2 Co 12, 14). L’effort des parents exprime leur amour pour les petits. Et vous encore, les Centrafricains, vous pouvez améliorer cette merveilleuse terre, en exploitant judicieusement ses nombreuses ressources. Votre pays se trouve dans une région considérée comme l’un des deux poumons de l’humanité, à cause de sa richesse exceptionnelle en biodiversité. À ce sujet, me référant à l’Encyclique Laudato si’, je voudrais particulièrement attirer l’attention de chacun, citoyens, responsables du pays, partenaires internationaux et sociétés multinationales, sur la grave responsabilité qui est la leur dans l’exploitation des ressources environnementales, dans les choix et les projets de développement, qui d’une manière ou d’une autre affectent la planète entière. Le travail de construction d’une société prospère doit être une œuvre solidaire. Cette vérité, la sagesse de votre peuple l’a comprise depuis longtemps et l’a traduite par ce proverbe : « Les fourmis sont petites, mais en étant nombreuses, elles ramènent leur butin dans leur nid ».

Il est sans doute superflu de souligner l’importance capitale que revêtent le comportement et la gestion des Autorités publiques. Celles-ci doivent être les premières à incarner avec cohérence dans leur vie les valeurs de l’unité, de la dignité et du travail, en étant des modèles pour leurs compatriotes. 

L’histoire de l’évangélisation de cette terre et l’histoire socio-politique de ce pays attestent l’engagement de l’Église dans le sens de ces valeurs de l’unité, de la dignité et du travail. En faisant mémoire des pionniers de l’évangélisation en République Centrafricaine, je salue mes frères Evêques qui en ont présentement la charge. Avec eux, je renouvelle la disponibilité de cette Eglise particulière à contribuer toujours plus à la promotion du bien commun, notamment à travers la recherche de la paix et de la réconciliation. La recherche de la paix et de la réconciliation. Je ne doute donc pas que les Autorités centrafricaines actuelles et futures se préoccuperont sans relâche de garantir à l’Église des conditions favorables à l’accomplissement de sa mission spirituelle. Elle pourra ainsi contribuer toujours davantage à ‘‘promouvoir tout homme et tout l’homme’’ (Populorum progressio, n. 14), pour reprendre l’heureuse formule de mon prédécesseur, le bienheureux Paul VI, qui, il y a bientôt 50 ans, fut le premier Pape des temps modernes à venir en Afrique pour l’encourager et la confirmer dans le bien à l’orée d’une aube nouvelle. 

Pour ma part, je voudrais à présent saluer l’effort accompli par la communauté internationale, ici représentée par le Corps Diplomatique et les membres de différentes Missions d’Organisations internationales. Je l’encourage vivement à aller toujours plus loin sur le chemin de la solidarité, souhaitant que son engagement, uni à l’action des Autorités centrafricaines, aide le pays à progresser notamment dans la réconciliation, le désarmement, le maintien de la paix, l’assistance sanitaire et la culture d’une saine gestion à tous les niveaux.

Pour finir, j’aimerais redire ma joie de visiter ce merveilleux pays, situé au cœur de l’Afrique, abritant un peuple profondément religieux, doté d’un si riche patrimoine naturel et culturel. J’y vois un pays comblé des bienfaits de Dieu ! Puisse le peuple centrafricain, ainsi que ses dirigeants et tous ses partenaires, apprécier à leur juste valeur ces bienfaits, en travaillant sans cesse pour l’unité, la dignité humaine et la paix fondée sur la justice !  Que Dieu vous bénisse tous ! Merci !




VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS
AU KENYA, EN OUGANDA ET EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

(25-30 NOVEMBRE 2015)

RENCONTRE AVEC LES COMMUNAUTÉS ÉVANGÉLIQUES

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Faculté de théologie évangélique de Bangui [FATEB], République centrafricaine
Dimanche 29 novembre 2015

[Multimédia]

 

Chers frères et sœurs,

Je suis heureux d’avoir l’occasion de vous rencontrer dans cette Faculté de Théologie évangélique. Je remercie le Doyen de la Faculté et le Président de l’Alliance des Évangéliques en Centrafrique, pour leurs aimables paroles de bienvenue. Je salue chacun d’entre vous, et aussi à travers vous tous les membres de vos communautés, dans un profond sentiment d’amour fraternel. Nous sommes tous ici au service du même Seigneur ressuscité, qui nous rassemble aujourd’hui ; et, par le commun Baptême que nous avons reçu, nous sommes envoyés pour annoncer la joie de l’Évangile aux hommes et aux femmes de ce cher pays de Centrafrique.

Depuis trop longtemps, votre peuple est marqué par les épreuves et la violence qui causent tant de souffrances. Cela rend l’annonce évangélique d’autant plus nécessaire et urgente. Car c’est la chair du Christ lui-même qui souffre, qui souffre, en ses membres préférés : les pauvres de son peuple, les malades, les personnes âgées et les abandonnés, les enfants qui n’ont plus de parents ou qui sont livrés à eux-mêmes, sans guide et sans éducation. Ce sont aussi tous ceux que la violence et la haine ont blessés dans leur âme ou dans leur corps ; ceux que la guerre a démunis de tout, de leur travail, de leur maison, de leurs êtres chers.

Dieu ne fait pas de différences parmi ceux qui souffrent. J’ai souvent appelé cela l’œcuménisme du sang. Toutes nos communautés souffrent indistinctement de l’injustice et de la haine aveugle que le démon déchaîne ; et je voudrais à cette occasion faire part de ma proximité et de ma sollicitude envers le Pasteur Nicolas dont la maison a été récemment saccagée et incendiée, ainsi que le siège de sa communauté. Dans ce contexte difficile, le Seigneur nous envoie sans cesse manifester à tous sa tendresse, sa compassion et sa miséricorde. Cette souffrance commune et cette mission commune sont une occasion providentielle de nous faire avancer ensemble sur le chemin de l’unité ; elles en sont même un moyen spirituel indispensable. Comment le Père refuserait-il la grâce de l’unité, même encore imparfaite, à ses enfants qui souffrent ensemble, et qui, en de multiples occasions, se dévouent ensemble au service de leurs frères ?

Chers frères, la division des chrétiens est un scandale, car elle est d’abord contraire à la volonté du Seigneur. Elle est aussi un scandale devant tant de haine et de violence qui déchirent l’humanité, devant tant de contradictions qui se dressent face à l’Évangile du Christ. Aussi, saluant l’esprit de respect mutuel et de collaboration qui existe entre les chrétiens de votre pays, je vous encourage à poursuivre sur cette voie dans un service commun de la charité. C’est un témoigne rendu au Christ, qui construit l’unité.

Puissiez-vous, de plus en plus et avec audace, ajouter à la persévérance et à la charité, le service de la prière et de la réflexion commune, dans la recherche d’une meilleure connaissance réciproque, d’une plus grande confiance et d’une plus grande amitié, en vue de la pleine communion dont nous gardons la ferme espérance.

Je vous assure que ma prière vous accompagne sur ce chemin fraternel de service, de réconciliation et de miséricorde, un chemin long mais rempli de joie et d’espérance.

Je demande au Seigneur Jésus de vous bénir tous, qu’il bénisse vos communautés, qu’il bénisse aussi notre Église. Et je vous demande de prier pour moi. Merci beaucoup.


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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS
AU KENYA, EN OUGANDA ET EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

(25-30 NOVEMBRE 2015)

OUVERTURE DE LA PORTE SAINTE DE LA CATHÉDRALE DE BANGUI
ET
MESSE AVEC LES PRÊTRES, RELIGIEUX, RELIGIEUSES, CATÉCHISTES ET JEUNES

Cathédrale de Bangui (République centrafricaine)
1er dimanche de l’Avent 29 novembre 2015

[Multimédia]


Paroles prononcées avant l’ouverture de la Porte Sainte

(Italien) Aujourd’hui Bangui devient la capitale spirituelle du monde. L’Année Sainte de la Miséricorde commence en avance sur cette terre.

(Espagnol) Une terre qui souffre depuis plusieurs années de la guerre et de la haine, de l’incompréhension, du manque de paix. Mais sur cette terre souffrante, il y a aussi tous les pays qui passent par la croix de la guerre. (Italien) Bangui devient la capitale spirituelle de la prière par la miséricorde du Père. Tous, demandons la paix, la miséricorde, la réconciliation, le pardon, l’amour. Pour Bangui, pour toute la République de Centrafrique, pour le monde entier, pour les pays qui souffrent de la guerre, demandons la paix !

Et tous ensemble, demandons l’amour et la paix. Tous ensemble ! (En Sango) Doyé Siriri ! [tous répètent : Doyé Siriri !]

Et maintenant, avec cette prière nous commençons l’Année Sainte : ici, dans cette capitale spirituelle du monde, aujourd’hui !


HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE

En ce premier dimanche de l’Avent, temps liturgique de l’attente du Sauveur et symbole de l’espérance chrétienne, Dieu a conduit mes pas, jusqu’à vous, sur cette terre, alors que l’Église universelle s’apprête à inaugurer l’Année Jubilaire de la Miséricorde, que nous aujourd’hui, ici, avons commencée. Et je suis particulièrement heureux que ma visite pastorale coïncide avec l’ouverture dans votre pays de cette Année Jubilaire. Depuis cette cathédrale, par le cœur et la pensée, je voudrais rejoindre avec affection tous les prêtres, les personnes consacrées, les agents pastoraux de ce pays, spirituellement unis à nous en ce moment. A travers vous, j’aimerais saluer aussi tous les Centrafricains, les malades, les personnes âgées, les blessés de la vie. Certains d’entre eux sont peut-être désespérés et n’ont même plus la force d’agir, attendant simplement une aumône, l’aumône du pain, l’aumône de la justice, l’aumône d’un geste d’attention et de bonté. Et tous, nous attendons la grâce, l’aumône de la paix.

Mais comme les apôtres Pierre et Jean montant au temple, qui n’avaient ni or ni argent à donner au paralytique dans le besoin, je viens leur offrir la force et la puissance de Dieu qui guérissent l’homme, le remettent debout et le rendent capable de commencer une nouvelle vie, en passant sur l’autre rive (cf. Lc 8, 22).

Jésus ne nous envoie pas tout seuls sur l’autre rive, mais il nous invite plutôt à effectuer la traversée avec lui, en répondant, chacun, à une vocation spécifique. Il nous faut donc être conscients que ce passage sur l’autre rive ne peut se faire qu’avec lui, en nous libérant des conceptions de la famille et du sang qui divisent, pour construire une Eglise-Famille de Dieu, ouverte à tous, soucieuse de ceux qui sont le plus dans le besoin. Cela suppose la proximité avec nos frères et sœurs, cela implique un esprit de communion. Ce n’est pas d’abord une question de moyens financiers ; il suffit juste de partager la vie du peuple de Dieu, en rendant compte de l’espérance qui est en nous (cf. 1P 3, 15), en étant témoins de l’infinie miséricorde de Dieu qui, comme le souligne le psaume responsorial de ce dimanche, « est bon [et] montre aux pécheurs le chemin » (Ps 24, 8). Jésus nous enseigne que le Père céleste « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons » (Mt 5, 45). Après avoir fait nous-mêmes l’expérience du pardon, nous devons pardonner. Voici notre vocation fondamentale : « Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait » (Mt 5, 48) ! L’une des exigences fondamentales de cette vocation à la perfection, c’est l’amour des ennemis, qui prémunit contre la tentation de la vengeance et contre la spirale des représailles sans fin. Jésus a tenu à insister sur cet aspect particulier du témoignage chrétien (Mt 5, 46-47). Les agents d’évangélisation doivent donc être d’abord et avant tout des artisans du pardon, des spécialistes de la réconciliation, des experts de la miséricorde. C’est ainsi que nous pouvons aider nos frères et sœurs à passer sur l’autre rive, en leur révélant le secret de notre force, de notre espérance, de notre joie qui ont leur source en Dieu, parce qu’elles sont fondées sur la certitude qu’il est dans la barque avec nous. Comme il l’a fait avec les apôtres lors de la multiplication des pains, c’est donc à nous que le Seigneur confie ses dons afin que nous allions les distribuer partout, en proclamant sa parole qui assure : « Voici venir des jours où j’accomplirai la promesse de bonheur que j’ai adressée à la maison d’Israël et à la maison de Juda » (Jr 33, 14).

Dans les textes liturgiques de ce dimanche, nous pouvons découvrir certaines caractéristiques de ce salut de Dieu annoncé, qui se présentent comme autant de points de repères pour nous guider dans notre mission. D’abord, le bonheur promis par Dieu est annoncé en terme de justice. L’Avent, c’est le temps pour préparer nos cœurs afin de pouvoir accueillir le Sauveur, c’est-à-dire le seul Juste et le seul Juge capable de réserver à chacun le sort qu’il mérite. Ici comme ailleurs, tant d’hommes et de femmes ont soif de respect, de justice, d’équité, sans trouver à l’horizon des signes positifs. À ceux-là, il vient faire don de sa justice (cf. Jr 33, 15). Il vient féconder nos histoires personnelles et collectives, nos espoirs déçus et nos souhaits stériles. Et il nous envoie annoncer surtout à ceux qui sont opprimés par les forts de ce monde comme à ceux qui ploient sous le poids de leurs propres péchés : « Juda sera délivré, Jérusalem habitera en sécurité, et voici le nom qu’on lui donnera : ‘‘Le Seigneur-est-notre-Justice’’ » (Jr 33, 16). Oui, Dieu est Justice ! Voilà pourquoi, nous, chrétiens, nous sommes appelés à être dans le monde les artisans d’une paix fondée sur la justice.

Le salut de Dieu attendu a également le goût de l’amour. En effet, en nous préparant pour célébrer le mystère de Noël, nous nous réapproprions le cheminement du peuple de Dieu pour accueillir le Fils venu nous révéler que Dieu n’est pas seulement Justice mais qu’il est aussi et par-dessus tout Amour (cf. 1Jn 4, 8). Partout, même et surtout là où règnent la violence, la haine, l’injustice et la persécution, les chrétiens sont appelés à témoigner de ce Dieu qui est Amour. En encourageant les prêtres, les personnes consacrées et les laïcs qui, dans ce pays, vivent parfois jusqu’à l’héroïsme les vertus chrétiennes, je reconnais que la distance qui nous sépare de l’idéal si exigeant du témoignage chrétien, est parfois grande. Voilà pourquoi je fais miennes sous forme de prière ces paroles de saint Paul : « Frères, que le Seigneur vous donne, entre vous, et à l’égard de tous les hommes, un amour de plus en plus intense et débordant » (1Th 3, 12). A cet égard, le témoignage des païens sur les chrétiens de l’Eglise primitive doit rester présent à notre horizon comme un phare : « Voyez comme ils s’aiment, ils s’aiment vraiment » (Tertullien, Apologétique, 39, 7).

Enfin, le salut de Dieu annoncé revêt le caractère d’une puissance invincible qui l’emportera sur tout. En effet, après avoir annoncé à ses disciples les signes terribles qui précéderont sa venue, Jésus conclut : « Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche » (Lc 21, 18). Et si saint Paul parle d’un ‘‘amour de plus en plus intense et débordant’’, c’est que le témoignage chrétien doit refléter cette force irrésistible dont il est question dans l’Évangile. C’est donc aussi au sein de bouleversements inouïs que Jésus veut montrer sa grande puissance, son inégalable gloire (cf. Lc 21, 27) et la puissance de l’amour qui ne recule devant rien, ni devant les cieux ébranlés, ni devant la terre en feu, ni devant la mer en furie. Dieu est plus puissant et plus fort que tout. Cette conviction donne au croyant sérénité, courage et la force de persévérer dans le bien face aux pires adversités. Même lorsque les forces du mal se déchaînent, les chrétiens doivent répondre présents, la tête relevée, prêts à recevoir des coups dans cette bataille où Dieu aura le dernier mot. Et ce mot sera d’amour et de paix !

A tous ceux qui utilisent injustement les armes de ce monde, je lance un appel : déposez ces instruments de mort ; armez-vous plutôt de la justice, de l’amour et de la miséricorde, vrais gages de paix. Disciples du Christ, prêtres, religieux, religieuses ou laïcs engagés en ce pays au nom si suggestif, situé au cœur de l’Afrique et qui est appelé à découvrir le Seigneur comme le véritable Centre de tout ce qui est bon, votre vocation est d’incarner le cœur de Dieu parmi vos concitoyens. Daigne le Seigneur nous établir tous « fermement dans une sainteté sans reproche devant Dieu notre Père, pour le jour où notre Seigneur viendra avec tous les saints » (1Th 3, 13). Réconciliation, pardon, amour et paix ! Amen.


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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS
AU KENYA, EN OUGANDA ET EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

(25-30 NOVEMBRE 2015)

CONFESSION DE QUELQUES JEUNES ET LANCEMENT DE LA VEILLÉE DE PRIÈRE

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Place de la cathédrale, Bangui (République centrafricaine)
1er dimanche de l’Avent 29 novembre 2015

[Multimédia]


Chers jeunes,

Je vous salue avec toute mon affection. Votre ami, qui a parlé au nom de tous, a dit que votre symbole est le bananier, parce que le bananier est un symbole de vie : il grandit toujours, il se reproduit toujours, il donne toujours des fruits de grande énergie alimentaire. Le bananier est aussi résistant. Je pense que cela dit clairement la route qui vous est proposée en ce moment difficile de guerre, de haine, de divisions : la route de la résistance.

Votre ami disait que certains d’entre vous veulent s’en aller. Fuir les défis de la vie n’est jamais une solution ! Il est nécessaire de résister, avoir le courage de la résistance, de la lutte pour le bien ! Celui qui fuit n’a pas le courage de donner la vie. Le bananier donne la vie et continue à se reproduire et à donner de plus en plus la vie, parce qu’il résiste, parce qu’il reste, parce qu’il est là. Certains d’entre vous me poseront la question : « Mais, Père, que pouvons-nous faire ? Comment fait-on pour résister ?»

Avant tout, la prière. La prière est puissante ! La prière vainc le mal ! La prière vous rapproche de Dieu qui est le Tout-puissant. Je vous pose une question : est-ce que vous priez ? Je n’entend pas… [les jeunes : Oui !] Ne l’oubliez pas !

Deuxièmement : travailler pour la paix. Et la paix n’est pas un document qu’on signe et qui reste là. La paix se fait tous les jours ! La paix est un travail artisanal, elle se fait avec les mains, elle se fait avec sa vie. Mais quelqu’un peut me dire : « Dites-moi, Père, comment puis-je faire, moi, l’artisan de la paix ? » Premièrement : ne jamais haïr. Et si on te fait du mal, cherche à pardonner. Pas de haine ! Beaucoup de pardon ! Disons-le ensemble : « Pas de haine, beaucoup de pardon » [tous répètent en Sango] . Et si tu n’as pas de haine dans ton cœur, si tu pardonnes, tu seras vainqueur. Parce que tu seras vainqueur de la bataille la plus difficile de la vie, vainqueur en amour. Et à travers l’amour vient la paix.

Voulez-vous être vaincus ou vainqueurs dans la vie ? Qu’est-ce que vous voulez ? [les jeunes crient : Nous voulons être ceux qui sont vainqueurs !] Et l’on est vainqueur seulement sur la route de l’amour. La route de l’amour. Et peut-on aimer l’ennemi ? Oui. Peut-on pardonner à celui qui t’as fait du mal ? Oui. Ainsi, avec l’amour et avec le pardon, vous serez vainqueurs. Avec l’amour vous serez vainqueurs dans la vie et vous donnerez toujours la vie. L’amour ne fera jamais de vous des vaincus.

Maintenant je vous souhaite le meilleur, pour vous. Pensez au bananier. Pensez à la résistance devant les difficultés. Fuir, s’en aller loin, n’est pas une solution. Vous devez être courageux. Vous avez compris ce que signifie être courageux ? Courageux en pardon, courageux en amour, courageux pour faire la paix. D’accord ? [les jeunes répondent « Oui » en Sango] Nous le disons ensemble ? « Courageux en amour, en pardon et pour faire la paix » [les jeunes répètent en Sango].

Chers jeunes Centrafricains, je suis très content de vous rencontrer. Aujourd’hui nous avons ouvert cette Porte. Cela signifie la Porte de la Miséricorde de Dieu. Faites confiance à Dieu. Parce qu’il est miséricorde, il est amour, il est capable de nous donner la paix. C’est pourquoi je vous ai dit au début de prier : il est nécessaire de prier pour résister, pour aimer, pour ne pas haïr, pour être des artisans de paix.

Merci beaucoup de votre présence. Maintenant je vais aller à l’intérieur pour entendre les confessions de certains d’entre vous…

Etes-vous, dans le cœur, disposés à résister ? Oui ou non ? [les jeunes : Oui !] Etes-vous, dans votre cœur, disposés à lutter pour la paix ? [Oui !] Etes-vous, dans votre cœur, disposés à la réconciliation ? [Oui !] Etes-vous, dans votre cœur, disposés à aimer cette belle patrie ? [Oui] Et je reviens au départ : Etes-vous, dans votre cœur, disposés à prier ? [Oui !]

Je vous demande aussi de prier pour moi, pour que je puisse être un bon Évêque, pour que je puisse être un bon Pape. Me promettez-vous de prier pour moi ? [Oui !]

Et maintenant je vais vous donner la Bénédiction, à vous et à vos familles. Une Bénédiction en demandant au Seigneur de vous donner l’amour et la paix.

(bénédiction)

Bonne soirée, et priez pour moi !


Discours préparé par le Saint-Père

Chers jeunes, chers amis, bonsoir !

J’ai la grande joie de vous retrouver ce soir, alors que nous commençons une nouvelle année liturgique avec le temps de l’Avent. N’est-ce pas pour chacun de nous l’occasion d’un nouveau départ, l’occasion de « passer sur l’autre rive » (cf. Lc 8, 22) !

Merci Evans pour les paroles que tu viens de m’adresser au nom de vous tous. Au cours de notre rencontre, je pourrai donner le sacrement de la Réconciliation à quelques-uns d’entre vous. Aussi, je voudrais vous inviter à réfléchir sur la grandeur de ce sacrement dans lequel Dieu vient à notre rencontre d’une façon personnelle. Chaque fois que nous le lui demandons, il vient avec nous pour nous faire passer sur l’autre rive, sur cette rive de notre vie où Dieu nous pardonne, déverse en nous son amour qui guérit, apaise et relève ! Le Jubilé de la Miséricorde, que je viens d’avoir la joie d’ouvrir particulièrement pour vous, chers amis Centrafricains et Africains, nous rappelle justement que Dieu nous attend, les bras ouverts, comme nous le rappelle la belle image du Père accueillant le fils prodigue.

En effet, le pardon reçu nous console et il nous permet de repartir le cœur confiant et en paix, capables de vivre davantage en harmonie avec nous-mêmes, avec Dieu et avec les autres. Ce pardon reçu nous permet aussi de pardonner à notre tour. Nous en avons toujours besoin, et particulièrement dans des situations de conflits, de violences comme celles que vous connaissez encore trop souvent. Je redis ma proximité à tous ceux parmi vous qui sont touchés par le deuil, la séparation, les blessures infligées par la haine et la guerre. Dans ce contexte, pardonner à celui qui nous a fait du mal est humainement bien difficile. Mais Dieu nous offre force et courage pour devenir ces artisans de réconciliation et de paix, dont votre pays a tant besoin. Le chrétien, disciple du Christ, marche sur les pas de son maître, qui sur la croix a demandé à son Père de pardonner à ceux qui le crucifiaient (cf. Lc 23, 34). Comme cette attitude est éloignée des sentiments qui habitent trop souvent notre cœur… Méditer cette attitude et cette parole de Jésus : « Père, pardonne-leur », peut nous aider à convertir notre regard et notre cœur. Pour beaucoup, c’est un scandale que Dieu soit venu se faire l’un de nous. C’est un scandale qu’il soit mort sur une croix. Oui, c’est un scandale : le scandale de la croix. La croix continue à faire scandale. Mais c’est l’unique chemin sûr : celui de la Croix, celui de Jésus venu partager notre vie pour nous sauver du péché (cf. Rencontre avec les jeunes Argentins 25 juillet 2013 Rio de Janeiro). Chers amis, cette croix nous parle de la proximité de Dieu : il est avec nous, il est avec chacun de vous dans vos joies comme dans vos épreuves.

Chers jeunes, le bien le plus précieux que nous pouvons avoir dans la vie est notre relation avec Dieu. En êtes-vous convaincus ? Êtes-vous conscients de la valeur inestimable que vous avez aux yeux de Dieu ? Savez-vous que vous êtes aimés et accueillis par Lui, inconditionnellement, comme vous êtes ? (cf. Message pour la 30ème Journée Mondiale de la Jeunesse 20152 ) En consacrant du temps à la prière, à la lecture de l’Écriture, particulièrement de l’Évangile, vous le connaîtrez mieux et vous vous connaîtrez aussi vous-mêmes. En effet, les conseils de Jésus peuvent éclairer aussi aujourd’hui vos sentiments et vos choix. Vous êtes enthousiastes et généreux, en quête d’un grand idéal, chercheurs de vérité et de beauté. Je vous encourage à garder l’esprit vigilant et critique face à toute compromission contraire au message de l’Évangile. Merci pour votre dynamisme créatif dont l’Église a besoin ! Cultivez-le ! Soyez des témoins de la joie que donne la rencontre avec Jésus. Qu’elle vous transforme, qu’elle rende votre foi plus forte, plus solide pour surmonter les peurs, afin d’entrer toujours plus dans le projet d’amour de Dieu sur vous ! Dieu veut le bonheur de tous ses enfants. Ceux qui se laissent regarder par lui sont libérés du péché, de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement (cf. Exhort. apost. Evangelii gaudium, n. 1). Et, en retour, regarder l’autre comme un frère, accepter qu’il soit différent et découvrir qu’il est un don pour moi. C’est ainsi que la paix se construit chaque jour. Cela demande de prendre le chemin du service et de l’humilité, d’être attentif aux besoins de l’autre. Pour entrer dans cette logique, il faut avoir un cœur qui sait s’abaisser et partager sa vie avec ceux qui sont le plus dans le besoin. Là est la vraie charité. Et ainsi grandit la solidarité en commençant par de petites choses, et les germes de division disparaissent. Ainsi le dialogue entre les croyants porte du fruit, la fraternité se vit jour après jour, et elle élargit le cœur en ouvrant un avenir. De cette manière, vous pouvez faire beaucoup de bien pour votre pays et je vous y encourage.

Chers jeunes, le Seigneur est vivant, et il marche à vos côtés. Quand les difficultés semblent s’accumuler, quand la douleur, la tristesse dominent autour de vous, il ne vous abandonne pas. Il nous a laissé le mémorial de son amour : l’Eucharistie et les sacrements pour avancer sur le chemin en y trouvant la force d’aller de l’avant chaque jour. Et cela doit être la source de votre espérance et de votre courage pour passer sur l’autre rive (cf. Lc 8, 22), avec Jésus, en ouvrant des chemins nouveaux pour vous et votre génération, pour vos familles, pour votre pays. Je prie pour que vous ayez cette espérance. Soyez ancrés en elle et vous la donnerez aux autres, à notre monde abimé par les guerres, les conflits, le mal, le péché. N’oubliez pas, le Seigneur est avec vous. Il a confiance en vous. Il souhaite que vous soyez ses disciples-missionnaires, soutenus par la prière de la Vierge Marie et par celle de toute l’Église dans les moments difficiles et les épreuves. Chers jeunes de Centrafrique, allez, je vous envoie !

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VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS
AU KENYA, EN OUGANDA ET EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

(25-30 NOVEMBRE 2015)

RENCONTRE AVEC LA COMMUNAUTÉ MUSULMANE

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Mosquée centrale de Koudoukou, Bangui (République centrafricaine)
Lundi 30 novembre 2015

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Chers amis, responsables et croyants musulmans,

C’est une grande joie pour moi de vous rencontrer et de vous exprimer ma gratitude pour votre accueil chaleureux. Je remercie particulièrement l’Imam Tidiani Moussa Naibi, pour ses aimables paroles de bienvenue. Ma visite pastorale en République Centrafricaine ne serait pas complète si elle ne comprenait pas aussi cette rencontre avec la communauté musulmane.

Chrétiens et musulmans nous sommes frères. Nous devons donc nous considérer comme tels, nous comporter comme tels. Nous savons bien que les derniers événements et les violences qui ont secoué votre pays n’étaient pas fondés sur des motifs proprement religieux. Celui qui dit croire en Dieu doit être aussi un homme, une femme, de paix. Chrétiens, musulmans et membres des religions traditionnelles ont vécu pacifiquement ensemble pendant de nombreuses années. Nous devons donc demeurer unis pour que cesse toute action qui, de part et d’autre, défigure le Visage de Dieu et a finalement pour but de défendre par tous les moyens des intérêts particuliers, au détriment du bien commun. Ensemble, disons non à la haine, non à la vengeance, non à la violence, en particulier à celle qui est perpétrée au nom d’une religion ou de Dieu. Dieu est paix, Dieu salam.

En ces temps dramatiques, les responsables religieux chrétiens et musulmans ont voulu se hisser à la hauteur des défis du moment. Ils ont joué un rôle important pour rétablir l’harmonie et la fraternité entre tous. Je voudrais les assurer de ma gratitude et de mon estime. Et nous pouvons aussi nous rappeler les nombreux gestes de solidarité que chrétiens et musulmans ont eu à l’égard de leurs compatriotes d’une autre confession religieuse, en les accueillant et en les défendant au cours de cette dernière crise, dans votre pays, mais aussi en d’autres parties du monde.

On ne peut que souhaiter que les prochaines consultations nationales donnent au pays des Responsables qui sachent unir les Centrafricains, et deviennent ainsi des symboles de l’unité de la nation plutôt que les représentants d’une faction. Je vous encourage vivement à faire de votre pays une maison accueillante pour tous ses enfants, sans distinction d’ethnie, d’appartenance politique ou de confession religieuse. La République Centrafricaine, située au cœur de l’Afrique, grâce au concours de tous ses enfants, pourra alors donner une impulsion en ce sens à tout le continent. Elle pourra l’influencer positivement et aider à éteindre les foyers de tension qui y sont présents et qui empêchent les Africains de bénéficier de ce développement qu’ils méritent et auquel ils ont droit.

Chers amis, chers frères, je vous invite à prier et à travailler pour la réconciliation, la fraternité et la solidarité entre tous, sans oublier les personnes qui ont le plus souffert de ces événements.

Que Dieu vous bénisse et vous protège ! Salam alaykuom !

 


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AU KENYA, EN OUGANDA ET EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

(25-30 NOVEMBRE 2015)

MESSE

HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE

Complexe sportif Barthélemy Boganda, Bangui (République centrafricaine)
Fête de saint André - Lundi 30 novembre 2015

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Nous pouvons être étonnés, entendant la première lecture, de l’enthousiasme et du dynamisme missionnaires qui habitent l’Apôtre Paul. « Comme il est beau de voir courir les messagers de la Bonne Nouvelle » (Rm 10, 15) ! C’est pour nous un appel à rendre grâce pour le don de la foi que nous avons reçu de ces messagers qui nous l’ont transmis. C’est aussi un appel à nous émerveiller devant l’œuvre missionnaire qui a porté pour la première fois - il n’y a pas si longtemps - la joie de l’Évangile sur cette terre bien aimée de Centrafrique. Il est bon, surtout lorsque les temps sont difficiles, lorsque les épreuves et les souffrances ne manquent pas, lorsque l’avenir est incertain et que l’on se sent fatigué, craignant de ne plus y arriver, il est bon de se réunir autour du Seigneur, ainsi que nous le faisons aujourd’hui, pour se réjouir de sa présence, de la vie nouvelle et du salut qu’il nous propose, comme une autre rive vers laquelle nous devons tendre.

Cette autre rive c’est, bien sûr, la vie éternelle, le ciel où nous sommes attendus. Ce regard porté vers le monde à venir a toujours soutenu le courage des chrétiens, des plus pauvres, des plus petits, dans leur pèlerinage terrestre. Cette vie éternelle n’est pas une illusion, elle n’est pas une fuite du monde ; elle est une puissante réalité qui nous appelle et qui nous engage à la persévérance dans la foi et dans l’amour.

Mais l’autre rive, plus immédiate, que nous cherchons à rejoindre, ce salut procuré par la foi et dont parle Saint Paul, est une réalité qui transforme déjà notre vie présente et le monde dans lequel nous vivons : « Celui qui croit du fond du cœur devient juste » (Rm 10,10). Il accueille la vie même du Christ qui le rend capable d’aimer Dieu et d’aimer ses frères d’une façon nouvelle, au point de faire naître un monde renouvelé par l’amour.

Rendons grâce au Seigneur pour sa présence et pour la force qu’il nous donne dans le quotidien de nos vies lorsque nous sommes confrontés à la souffrance physique ou morale, à une peine, à un deuil ; pour les actes de solidarité et de générosité dont il nous rend capables ; pour la joie et l’amour qu’il fait briller dans nos familles, dans nos communautés, malgré, parfois, le dénuement, la violence qui nous entoure ou la crainte du lendemain ; pour l’audace qu’il met en nos âmes de vouloir créer des liens d’amitié, de dialoguer avec celui qui ne nous ressemble pas, de pardonner à celui qui nous a fait du mal, de nous engager dans la construction d’une société plus juste et plus fraternelle où personne n’est abandonné. En tout cela, le Christ ressuscité nous prend par la main, et nous entraîne à sa suite. Et je veux rendre grâce avec vous au Seigneur de miséricorde pour tout ce qu’il vous a donné d’accomplir de beau, de généreux, de courageux, dans vos familles et dans vos communautés, lors des évènements que connaît votre pays depuis plusieurs années.

Pourtant, il est vrai aussi que nous ne sommes pas encore parvenus au terme, nous sommes comme au milieu du fleuve, et il nous faut décider courageusement, dans un engagement missionnaire renouvelé, de passer sur l’autre rive. Tout baptisé doit sans cesse rompre avec ce qu’il y a encore en lui de l’homme ancien, de l’homme pécheur, toujours prêt à se réveiller à la suggestion du démon – et combien il est agissant en notre monde et en ces temps de conflits, de haine et de guerre –, pour l’entrainer à l’égoïsme, au repli sur soi et à la méfiance, à la violence et à l’instinct de destruction, à la vengeance, à l’abandon et à l’exploitation des plus faibles…

Nous savons aussi combien nos communautés chrétiennes, appelées à la sainteté, ont encore de chemin à parcourir. Certainement nous avons tous à demander pardon au Seigneur pour trop de résistances et de lenteur à rendre témoignage de l’Évangile. Que l’Année Jubilaire de la Miséricorde, qui vient de commencer dans votre pays, en soit l’occasion. Et vous, chers Centrafricains, vous devez surtout regarder vers l’avenir, et, forts du chemin déjà parcouru, décider résolument de franchir une nouvelle étape dans l’histoire chrétienne de votre pays, vous élancer vers de nouveaux horizons, avancer plus au large, en eau profonde. L’Apôtre André, avec son frère Pierre, n’ont pas hésité un seul instant à tout laisser sur place à l’appel de Jésus, pour le suivre : « Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent » (Mt 4, 22). Nous sommes émerveillés, là encore, par tant d’enthousiasme chez les Apôtres, tellement le Christ les attire à lui, tellement ils perçoivent qu’ils peuvent tout entreprendre et tout oser avec lui.

Alors, chacun dans son cœur peut se poser la question si importante de son lien personnel avec Jésus, examiner ce qu’il a déjà accepté – ou encore refusé – pour répondre à son appel afin de le suivre de plus près. Le cri des messagers retentit plus que jamais à nos oreilles, alors même que les temps sont difficiles ; ce cri qui « retentit par toute la terre, et […] jusqu’au bout du monde » (Rm 10,18). Et il retentit ici, aujourd’hui, en cette terre de Centrafrique ; il retentit dans nos cœurs, dans nos familles, dans nos paroisses, partout où nous vivons, et il nous invite à la persévérance dans l’enthousiasme de la mission, une mission qui a besoin de nouveaux messagers, encore plus nombreux, encore plus donnés, encore plus joyeux, encore plus saints. Et nous sommes tous appelés à être, chacun, ce messager que notre frère, quelle que soit son ethnie, sa religion, sa culture, attend, souvent sans le savoir. Comment, en effet, ce frère croira-t-il au Christ, se demande saint Paul, si la Parole n’est pas entendue ni proclamée ?

Nous aussi, à l’exemple de l’Apôtre, nous devons être remplis d’espérance et d’enthousiasme pour l’avenir. L’autre rive est à portée de main, et Jésus traverse le fleuve avec nous. Il est ressuscité des morts ; dès lors les épreuves et les souffrances que nous vivons sont toujours des occasions qui ouvrent à un avenir nouveau si nous acceptons de nous attacher à sa personne. Chrétiens de Centrafrique, chacun de vous est appelé à être, par la persévérance de sa foi et par son engagement missionnaire, artisan du renouveau humain et spirituel de votre pays. Je souligne, artisan du renouveau humain et spirituel.

Que la Vierge Marie, qui après avoir partagé les souffrances de la passion partage maintenant la joie parfaite avec son Fils, vous protège et vous encourage sur ce chemin d’espérance.

Amen.

 


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