JOURNÉE CONSACRÉE A LA MÉMOIRE DU CARDINAL LAVIGERIE, NOTRE FONDATEUR Homélie par le Père Apollinaire Chishugi à l'occasion de l'anniversaire de la mort du Cardinal Lavigerie, Maison Lavigerie, novembre 2006. C’était dans la nuit du 25 au 26 juin 1892, nous raconte François Renault, autour du lit de notre fondateur se tiennent Monseigneur Linvinhac, le Père Delattre, Le Père Michel et la Mère Salomé des Sœurs Blanches. Dernière scène que nous laisse le « vieux baobab » qui rassemble sous son ombre l’Afrique noire (Linvinhac), l’Afrique du nord (Delattre) et le Proche Orient ( Michel), comme pour indiquer à ceux qui veulent honorer sa mémoire de continuer son œuvre dans son champ apostolique hérité du Seigneur. N’est-ce pas ce que recommande la sagesse africaine : « Si tu veux célébrer les funérailles de ton ami, vas entretenir pour sa famille son champs abandonné. » Dernière scène qui nous rappelle aussi cet attachement de notre fondateur à la communion fraternelle que la règle de trois vient rappeler. Devant ce tableau peint par François Renault, il y a de quoi s’émouvoir à l’instar du soldat romain : « Cet homme était vraiment fidèle à l’Afrique et à sa communauté. » Voici 114 ans que la Société des Missionnaires d’Afrique et celle des Sœurs Missionnaires de Notre Dame d’Afrique se souviennent, comme pour ne pas rompre la chaîne de la tradition, de cette nuit-là et de ce matin-là. Des pierres ont été taillées, du bronze a été fondu pour immortaliser la mémoire de cet apôtre de bienveillance du Seigneur pour l’Afrique. De l’encre a coulé pour diffuser les inspirations pour la mission contenues dans ses paroles et ses écrits. Des bâtiments qui portent son nom ne cessent de pousser en Afrique (Maison Lavigerie, collège Lavigerie, centre Lavigerie, fraternités Lavigerie, home Lavigerie, etc.). Toutes ces initiatives ont pour finalité de tenir en éveil la mémoire des merveilles que le Seigneur a fait pour l’Afrique à travers la vie de ce « barbu sympathique » d’Alger. Quant à nous ici présents, étudiants comme professeurs, invités ou sympathisants, je prie Dieu pour que l’interprétation que je fais de votre présence ici corresponde à votre désir interne de faire de votre vie une mémoire vivante de l’œuvre missionnaire de notre Cardinal bien aimé, le Cardinal Lavigerie. Est-ce téméraire d’oser croire qu’une assemblée aussi disparate qu’est la nôtre puisse correspondre aux dernières volontés de notre Cardinal ? Le caractère disparate de notre assemblée crève les yeux : la Maison Lavigerie de Ouagadougou rassemble des jeunes venus du Rwanda, du Burundi, du Mali, du Togo et du Burkina Faso. Grâce à l’apport des bénédictins, des rédemptoristes et des « orionistes », nous avons aussi des Tchadiens, des Ivoiriens et des Béninois. L’équipe des formateurs et professeurs ajoute à cet arc-en-ciel des Congolais, des Français, des Belges, des Espagnols et même des Australiens. En fondant la Société des Missionnaires d’Afrique (Pères Blancs) et celle des Missionnaires de Notre Dame d’Afrique (Sœurs Blanches), notre cardinal disait ceci : « La Société est appelée à recevoir en son sein, [des hommes] appartenant à toutes les nations […] ; mais il faut qu’on puisse dire d’elle avec vérité ce que disait l’apôtre Paul de l’Église primitive, qu’il n’y a plus, une fois entré dans nos rangs, ni Grec, ni Hébreu. » Oui, nous le disons haut et fort : dans un monde déchiré par des velléités identitaires et ethniques, l’ouverture à l’internationalité que notre Maison Lavigerie donne à l’Église du Burkina Faso est notre manière de perpétrer la mémoire des bienfaits du Seigneur pour l’Afrique à travers le Cardinal Lavigerie. Depuis septembre 1988, des jeunes Burkinabè ont la possibilité de se former dans notre maison pour devenir à leur tour missionnaires en Afrique. Ce rêve du Cardinal Lavigerie est grand et mérite notre adhésion. L’internationalité, charisme et même spécialité des Missionnaires d’Afrique est plus que jamais l’aspect essentiel de la visibilité de l’Église catholique en Afrique. Pour le compte des Missionnaires d’Afrique, notre maison a déjà formé 20 prêtres Missionnaires d’Afrique burkinabè, 3 Togolais, 5 Ghanéens et 2 Maliens. Ils sont au Mozambique, au Malawi, en Zambie, en Tanzanie, au Kenya, au Burundi, au Rwanda, en R.D.C, au Nigeria, au Ghana, au Mali, en Côte d’Ivoire, en Algérie, en Angleterre, en Italie, et même à Jérusalem. Aujourd’hui même, à l’heure où je vous parle, dans notre fraternité Lavigerie d’Abidjan, Patrice Belem (Burkinabè du diocèse de Bobo Dioulasso) avec trois autres jeunes prononceront leur engagement définitif dans la Société des Missionnaires d’Afrique. Pour le compte des Sœurs Blanches, Jeanne d’Arc Ouattara, originaire de Toussiana, se prépare à Rome pour ses vœux perpétuels. Nous partageons avec eux ce rêve et nous appelons tous ceux qui nous connaissent ou qui veulent nous connaître à se joindre à nous pour tenir en éveil la mémoire du Cardinal Lavigerie. Pour nous qui sommes déjà Missionnaires d’Afrique (Pères blancs ou Sœurs Blanches) et pour vous, étudiants de la Maison Lavigerie, faire la fête de notre Cardinal Lavigerie est une occasion de renouveler notre engagement de rendre effectif le rêve de ce vieux cardinal dont la barbe que nous voyons sur ses photos attire notre sympathie. Nous cherchons à faire nôtres les paroles de son successeur, Mgr Linvinhac : « Quoique venu de tous les pays ‘ex omni tribu, lingua et natione’, nous conservons un air de famille auquel on nous reconnaîtra facilement, et qui fera que chacun de nous se trouvera toujours chez lui et parfaitement à l’aise dans toutes nos maisons. » C’est aussi pour nous l’occasion de prendre conscience des défis qu’un tel projet de former des communautés (Pères Blancs, Sœurs Blanches) à l’image de nos familles africaines représente pour nos milieux sociopolitiques. L’Afrique nous attend. Elle est marquée par des rivalités ethniques ou religieuses, par des injustices qui plongent nos familles humaines dans la misère, par la modernité qui bafoue les valeurs traditionnelles de nos familles telles que l’entraide, la fidélité, la loyauté et la compassion. A ces défis sociaux, il faut ajouter les défis que représente la formation des prêtres aujourd’hui : l’excellence visée dans tout ce que nous faisons (prière, apostolat, études, etc.). Pour relever ces défis, la Maison Lavigerie propose : une vie de prière intense avec des accompagnateurs spirituels disponibles, une vie communautaire pleine de moments de partage et de détente, un parcours d’étude de la philosophie et des sciences religieuses encadré par des professeurs compétents, des moments de sorties apostoliques pour témoigner notre proximité auprès des malades à l’hôpital, des amis de l’arche de Jean Vanier, des enfants en milieu difficile, etc. Le Cardinal Lavigerie aimait tant l’Afrique : Devant les plaies ouvertes des Africains en proie à la sauvagerie de l’esclavage, Le Cardinal proposait la compassion de Notre Dame d’Afrique et la libération par le Christ Roi de l’univers. Aux orphelins et aux enfants abandonnés le Cardinal a ouvert des maisons. Aux hommes de bonne volonté qui ne partagent pas notre foi chrétienne, le Cardinal a ouvert des espaces de dialogue où la charité est plus forte que l’obscurantisme. C’est cette même vision missionnaire qui continue à éclairer les fils et filles de Lavigerie que sont les Pères Blancs, les Sœurs Blanches et laïcs missionnaires. On les voit dans des initiatives sociales à Koudougou pour la cause des paysans et des petits en proie à l’injustice locale et internationale. dans le quartier de Cissin, avec leur association Taab yinga, on les voit entrain de venir en aide aux enfants de la rue. à la paroisse Jean XXIII, on les voit au service de la communauté chrétienne. Dans le quartier de Paspanga, on les voit au service des élèves des collèges et lycées, au service des étudiants de l’université, dans leur centre « Pélican »pour un soutien scolaire et pour l’accompagnement vocationnel. On les voit à Dori et Aribinda en train d’ouvrir des espaces de paix et de dialogue avec les musulmans, des espaces où la charité est plus forte que les passions et les haines. Le Cardinal aimait l’Afrique de son temps, les missionnaires (Pères Blancs et Sœurs Blanches) aiment l’Afrique d’aujourd’hui. Que le Dieu de l’espérance pour l’Afrique, qui a comblé de bénédictions le Cardinal Lavigerie, vous comble de toutes les grâces nécessaires pour que nous soyons ensembles missionnaires dans notre continent. Amen. Que Dieu exauce nos prières. Apollinaire CHISHUGI MAfr. |