Lutte contre la traite et l’exode d’enfants Source : Sidwaya, Burkina Faso Réprimer pour donner l’exemple Le phénomène de la traite d’enfants persiste malgré les luttes multiformes et multiples. “Constat” s’en est fait l’écho dans sa précédente parution. Aujourd’hui, il donne la parole aux acteurs qui se prononcent sur le phénomène. Ils expliquent les causes, les conséquences et proposent des solutions pour éradiquer ce mal des temps modernes. Les acteurs concernés par la lutte contre la traite d’enfants sont unanimes sur le fait qu’il faut réprimer les trafiquants et les parents complices impliqués dans le phénomène. Si l’aspect financier est la cause première de la traite, il n’en demeure pas moins que les conséquences négatives sont multiples.
La majorité des filles prises en situation de trafic sont placées dans des centres de formation. Ces dernières vont du décès des filles à la prostitution, en passant par les viols et le fait que les familles se disloquent, perdent de leur stabilité, leur identité, partant, leur avenir est hypothéqué. De la Boucle du Mouhoun aux provinces du Houet ainsi que celles du Soum, du Lorum, des Balé, la traite d’enfants constitue un casse-tête pour les parents, surtout les pères de famille. Afin d’éradiquer le phénomène ou du moins l’atténuer, l’UNICEF a mis en place, dans des provinces, des comités provinciaux de vigilance et de surveillance du trafic des enfants. Dans les villages, ce sont des noyaux relais qui ont été mis en place. Cependant, force est de constater que ces structures ne tournent pas à plein régime, faute de moyens matériels et financiers pour mener la lutte de manière efficiente. A côté de ce système, une formule a été trouvée en vue de la réinsertion des enfants pris en situation de trafic. Ainsi, des centres de formation en tissage, en couture, en broderie et en mécanique, reçoivent des enfants pour les former. Le problème est qu’après leur formation, par manque de suivi et/ou de moyens financiers pour entreprendre des activités, ces enfants retombent dans le train-train quotidien prêts à repartir vers d’autres cieux. Les Hauts–Bassins n’échappent pas à cette réalité. Selon Henry Magloire Palm, éducateur social à la direction provinciale de l’Action sociale et de la Solidarité nationale du Houet et membre du Comité provincial de vigilance et de surveillance du trafic d’enfants (CPVS), les causes de ce fléau sont la pauvreté, l’analphabétisme et l’ignorance. “ De nombreux parents acceptent de laisser partir leurs enfants à l’aventure parce qu’ils n’ont pas les moyens de les entretenir. Sous prétexte de leur donner une éducation religieuse, ils les laissent entre les mains de marabouts qui les maltraitent par la suite ”, déclare-t-il. Certains vendent de l’eau glacée, d’autres sont utilisés (surtout les filles) comme serveuses dans les bars et même pire, amenées à se prostituer, par ces trafiquants. Ces derniers, pour avoir déboursé de l’argent auprès des parents avant d’avoir les enfants, se croient maîtres de leur destin. Quelle que soit la cause de ce trafic, M. Palm pense qu’il n’en résulte que des conséquences regrettables pour ces enfants et la société. Ces malheureux sont exploités sexuellement, violés, livrés à l’esclavage, exposés à toutes sortes de maladies. Vivant le plus souvent dans la rue, ils n’ont aucune éducation. Ils se droguent, volent et deviennent par la suite des voyous irrécupérables. Pour trouver une solution durable au problème, l’action sociale et le CPVS proposent la sensibilisation, l’information, la protection et la sanction. “ Il faut augmenter les séances de sensibilisation sur la promotion des droits des enfants. Au niveau de la communauté musulmane, des initiatives doivent être prises pour faire la part entre les vrais maîtres coraniques et les trafiquants d’enfants ”, affirme-t-on. L’action sociale invite également ses partenaires à aller jusqu’au bout dans la prise en charge des enfants récupérés afin de leur permettre une véritable réinsertion sociale. Du côté de Boromo Elle propose en outre que les trafiquants d’enfants et les parents complices soient punis tout comme les coupables d’excision le sont. En outre, les responsables de l’Action sociale souhaitent que des tables-rondes soient organisées entre plusieurs partenaires pour débattre franchement du problème, car, souligne Magloire Palm, la lutte contre le trafic d’enfants doit être une lutte collective. La gare de Boromo est le point de transit et le lieu de prédilection des enfants échappés au trafic. Face à cette situation, des solutions doivent être trouvées, selon le directeur provincial de l’action sociale et de la solidarité nationale des Balé, Bonzi Milogo Bertrant, pour juguler le phénomène de la traite d’enfants. Egalement, ajoute-t-il, il est urgent d’amoindrir les effets néfastes de la gare sur les enfants. Car, selon lui, beaucoup d’enfants, scolarisés ou non, restent à la gare jusqu’a des heures indues. Ainsi “ l’accent doit être mis sur la sensibilisation des parents, des enfants eux-mêmes et, la création des activités génératrices de revenu en milieu local ”. Et la méthode forte n’est pas exclue : “ il faut sanctionner sévèrement la pratique afin de dissuader les trafiquants et leurs complices puisque, tant que les gens ne voient pas des trafiquants jugés et condamnés, le trafic d’enfant va perdurer ”, soutient M. Bonzi. Il déplore, par ailleurs, la léthargie du Comité provincial de vigilance et de surveillance de la traite d’enfants dans les Balé. Celui-ci, depuis son installation, n’a pas fonctionné faute de moyens. Du côté du comité de vigilance et de surveillance du trafic d’enfants du syndicat des transporteurs (Boromo), la gare est aussi pointée du doigt. La spécificité de Boromo, c’est sa gare, souligne les responsables de ce comité, Elo Teby et Ibrahim Kaba. “ Les enfants qui ont l’âge d’aller à l’école se pavanent à la gare jusqu’à une heure du matin ”, regrette le président du comité de vigilance et de surveillance du trafic d’enfants du syndicat des transporteurs, Elo Teby. Pour lui, son comité est bien placé pour lutter contre le trafic d’enfants, mais il souffre de manque de moyens. “ Nous n’avons absolument rien pour faire la sensibilisation. Nous n’avons même pas de badges, ni de carte nous identifiant comme des surveillants du trafic d’enfants si bien que certains passagers refusent de se prêter à nos questions ”, explique M Kaba. Quant au président de l’Association des volontaires pour le bien-être de l’enfant (AVBE), Adama Sangaré, il faut héberger, encadrer les enfants de la rue. A leurs risques et périls Car, ils sont souvent des enfants victimes de trafic ou des pires formes de travail. Pour ce faire, son association souhaite des appuis afin de réaliser son centre d’hébergement et de formation en soudure, menuiserie, vannerie… L’AVBE a déjà des ateliers prêts à les héberger. Faute de moyens, elle suit occasionnellement une vingtaine d’enfants de la rue à Boromo en leur apportant de la nourriture et des soins médicaux. Tous les acteurs de la lutte invitent la population à dénoncer sans hésiter les cas de trafic d’enfants dans la province des Balé. Les acteurs de la lutte contre la traite mènent leurs activités souvent au péril de leur vie. Que ce soit à Tierkou (5 km de Tchériba dans le Mouhoun) ou Djiguel dans le Soum, les agents du comité de vigilance et de surveillance de la traite sont soumis à des menaces diverses de la part des trafiquants. Yanou Daba, membre du noyau relais de Tierkou : “ Nous sommes souvent menacés par les trafiquants et les transporteurs qui nous accusent d’être un frein à leur gagne-pain. ” A Dédougou, Deux structures œuvrent dans la limite de leurs moyens à réinsérer les enfants. Il s’agit du centre d’artisanat géré par Mme Tuina qui est une combattante aux mains nues et le Projet d’appui contre la traite des enfants (PACTE) dirigé par Camille Sawadogo. Au centre d’artisanat, nous avons rencontré des filles prises en situation de trafic et qui aujourd’hui sont fières de savoir coudre, tisser, broder, être alphabétisées, etc. Kalou Nebon, Kansama Doumanié et Adjara Kanao s’épanouissent au centre. Elles y ont été emmenées par l’Action sociale de Dédougou en partenariat avec la direction du centre. Mais Mme Tuina, malgré sa bonne volonté, rencontre des difficultés pour faire face à différentes sollicitations du fait que les parents n’arrivent pas à soutenir les coûts de l’éducation des filles. D’où son appel à plus de générosité à l’endroit des structures en charge de l’éducation des enfants et des filles pour les aider à faire face. “Autrement, si le centre ferme, ce sont des milliers de filles qui se retrouveront dans la rue», prévient-elle. Quant à M. Sawadogo dont le PACTE est soutenu par l’Agence canadienne internationale de développement, il souhaite que les acteurs financiers de la lutte initient des activités pour les communautés à la base. “ Par exemple, en saison sèche, on peut créer des zones de cultures maraîchères, d’élevage, de la petite irrigation villageoise… ”, explique-t-il. Dans le Yatenga, l’Action sociale ne reste pas les bras croisés. Pour le directeur provincial de cette structure, Moussa Konaté, un
Malgré sa bonne volonté, Mme Tuina, directrice du Centre d’artisanat de Dédougou manque de moyens financiers pour prendre en charge la réinsertion des filles en situation de trafic. Programme intégré de communication (PIC) sera incessamment lancé dans six régions en vue d’éradiquer la traite d’enfants. Ce PIC va concerner les régions du Nord, de la Boucle du Mouhoun, des Cascades, du Centre-Nord, du Sahel et de l’Est. “C’est une stratégie novatrice avec les noyaux-relais, les radios locales et l’action sociale.” En tout état de cause, la lutte a des retombées positives dans la mesure où les uns et les autres savent que la traite d’enfants est interdite. Le directeur provincial par intérim du Lorum est formel quant au fait qu’il «faut sensibiliser, encore sensibiliser, toujours sensibiliser pour venir à bout du phénomène». La lutte doit être sans merci car aux grands maux doivent être appliqués les grands remèdes. Daouda Emile OUEDRAOGO |