Burkina Faso : François Compaoré laissé en liberté,
selon son avocat
La Cour d'appel de Paris a décidé du maintien en liberté de François Compaoré dans le cadre de l'affaire Norbert Zongo. Il avait été interpellé ce dimanche à son arrivée en France en provenance d'Abidjan, en vertu d'un mandat d'arrêt international délivré par la justice burkinabè.
François Compaoré reste libre – du moins pour l’instant. Ce lundi 30 octobre, le procureur général de la Cour d’appel de Paris a décidé de laisser le frère cadet de Blaise Compaoré en liberté. La veille, il avait été interpellé par la police française à son arrivée à l’aéroport Paris-Charles de Gaulle, en provenance d’Abidjan, en vertu d’un mandat d’arrêt international émis par la justice burkinabè dans le dossier Norbert Zongo.
Considéré comme le principal suspect dans l’assassinat de ce journaliste d’investigation, le 13 décembre 1998, François Compaoré est inculpé par la justice burkinabè pour « incitation à assassinat » dans cette affaire toujours non résolue. Juste après l’annonce de son arrestation à Paris, la procureure du Faso avait, elle, indiqué qu’elle allait officiellement demander son extradition aux autorités françaises.
Toujours sous le coup d’une éventuelle extradition
« Il est laissé en liberté, explique son avocat Pierre-Olivier Sur. L’audition s’est déroulée en quelques minutes et personne n’a demandé à ce qu’il soit placé en détention. » Est-ce pour autant la fin des ennuis judiciaires pour le frère cadet de Blaise Compaoré ? Pas sûr, car il reste toujours sous le coup d’une éventuelle extradition au Burkina Faso. Une nouvelle audience doit avoir lieu d’ici quelques semaines pour savoir si tel sera le cas ou non.
D’ici là, François Compaoré est toujours autorisé à voyager mais il devra au préalable formuler une demande auprès des autorités françaises, qui lui ont temporairement retiré ses passeports.
Burkina Faso: Norbert Zongo, emblème de la lutte
contre le régime de Compaoré (selon RFI)
La cour d'appel de Paris a décidé le maintien en liberté de François Compaoré. C'est ce que son avocat Me Pierre-Olivier Sur a annoncé, lundi 30 octobre. Le frère de l'ancien président Blaise Compaoré avait été arrêté la veille à son arrivée en France, en vertu d'un mandat d'arrêt international délivré par le Burkina Faso. Le Burkina qui va demander son extradition « dès ce soir », a annoncé ce lundi le ministre de Justice. François Compaoré aura besoin d'une autorisation spéciale pour pouvoir quitter le territoire pendant l'examen de la procédure d'extradition qui pourrait prendre plusieurs semaines. François Compaoré est poursuivi dans le cadre de l'affaire Norbert Zongo, un journaliste assassiné en 1998 avec trois compagnons.
Directeur de publication de l'hebdomadaire L'Indépendant, Norbert Zongo était d'abord et avant tout un journaliste d'investigation qui dénonçait dans ses enquêtes les malversations du régime Compaoré, la corruption, les détournements de fonds, mais aussi les atteintes aux libertés.
Le 13 décembre 1998, son véhicule, entièrement calciné, est retrouvé sur la nationale 6, à moins de 100 kilomètres au sud de Ouagadougou. Pas de trace de collision, rien qui ressemble à un accident de circulation. Des douilles sont retrouvées sur les lieux et l’autopsie le confirmera par la suite, les quatre hommes ont été assassinés.
Prosper Farama, l'un des avocats de la famille du journaliste, précise que ces douilles proviennent d'armes de guerre, des armes utilisées à l'époque par la garde présidentielle. Les experts ont aussi révélé qu'un liquide inflammable a été utilisé pour incendier le véhicule.
Nobert Zongo était accompagné ce jour-là de son petit frère, son chauffeur et un ami.
Des révélations gênantes pour François Compaoré
En décembre 1998, Norbert Zongo travaillait depuis près d'un an sur la mort de David Ouédraogo, le chauffeur de François Compaoré.
L'homme était mort dans les locaux de la présidence. Il avait été soupçonné d'avoir volé la somme de 10 millions de francs CFA (15 000 euros) à l'épouse de François Compaoré. Il avait été arrêté et gardé au Conseil de l'entente (un camp militaire qui était le siège de la sécurité présidentielle). Et le journaliste en était convaincu : David Ouédraogo n'était pas mort de maladie, comme le rapport médical le déclarait, mais bien de tortures infligées par la garde présidentielle.
Dans ses articles publiés avant son assassinat, Norbert Zongo citait le nom de François Compaoré. Il affirmait que c'était François Compaoré qui avait donné l'ordre de faire arrêter son chauffeur, en dehors de tout cadre légal. Il affirmait aussi qu'après la mort du chauffeur, François Compaoré avait assisté à des réunions pour effacer les traces, pour maquiller le crime. A chaque article, il promettait de nouvelles révélations.
« Les révélations étaient tellement précises qu'au niveau du régiment, chacun commençait à soupçonner l'autre d'être un informateur », précise Me Prosper Farama. Ces informations indignaient les Burkinabè et les défenseurs des droits de l'homme.
Au Burkina, personne n'oublie Norbert Zongo
L'assassinat de Norbert Zongo est rapidement devenu une affaire emblématique de la lutte contre l'autoritarisme du régime de Blaise Compaoré, contre ses exactions. Emblématique aussi du climat d'impunité qui prévalait à l'époque.
Aussitôt après l'annonce de l'assassinat de Norbert Zongo, la société civile s'est mobilisée, notamment les étudiants. Des manifestations monstres ont été organisées. « Du jamais vu », se souvient un journaliste qui avait couvert ces évènements. C'est d'ailleurs à la suite de ces manifestations que Blaise Compaoré avait dû introduire dans la Constitution burkinabè la limitation du nombre de mandats présidentiels, le fameux article 37 que Blaise Compaoré a voulu en 2014 reformer pour pouvoir se représenter, ce qui a déclenché l'insurrection qui provoqua sa chute.
Alors, sous la pression populaire, le gouvernement a également créé une Commission d’enquête indépendante. « C'est peut-être la seule commission vraiment indépendante qu'on n'ait jamais eue », précise Me Prosper Farama. Cette CEI a identifié six « suspects sérieux ». Tous des membres de la garde présidentielle identifiés comme auteurs et non comme commanditaires. « L'assassinat du chauffeur de François Compaoré était cité comme mobile », se souvient un ancien membre de Reporters sans frontières (RSF).
Après la publication de ce rapport, seul l'adjudant Marcel Kafando, le chef de la sécurité rapprochée du président Compaoré, sera inculpé. Il bénéficiera en juillet 2006 d’un non-lieu, confirmé en appel.
Mais au Burkina Faso, personne n'oublie Norbert Zongo. Son nom revient à chaque manifestation, dans les slogans, dans les revendications. Même lors de l'insurrection populaire d'octobre 2014, des manifestants réclamaient « la vérité, la justice pour Norbert Zongo ». Le dossier refait donc logiquement surface après la chute du régime Compaoré.
Pendant la transition, l'enquête est rouverte et en décembre 2015, trois anciens soldats du RSP sont inculpés « d'assassinat ». François Compaoré « d’incitation au meurtre ».