Ouagadougou tente de se remettre
de la double attaque du vendredi 2 mars

Des militaires montent la garde devant le siège de l'état-major des armées, à Ouagadougou, au Burkina Faso, le 3 mars 2018.
© Ahmed OUOBA / AFP
 

A Ouagadougou, au lendemain de la double attaque contre l’ambassade de France et l’état-major général des armées, les habitants sont encore sous le choc. Après la panique et alors que le bilan de cet attentat est encore incertain – au moins huit assaillants et huit membres des forces de l’ordre ont été tués, 80 personnes blessées –, les habitants tentent de reprendre une vie normale.

La vie reprend dans la capitale du Burkina Faso, ce samedi 3 mars. Notre envoyé spécial à Ouagadougou a même aperçu des femmes qui se rendaient sur les marchés. Les commerçants, les travailleurs - en tout cas pour ceux qui travaillent le samedi - rejoignent leur service.

Même si ce n’est pas encore la grande affluence des jours ordinaires dans la capitale, la normalité reprend tout doucement ses droits. Dans les quartiers périphériques, où les gens se réveillent très tôt, les rues retrouvent leur ambiance habituelle.

La veille, après la double attaque, les rues étaient désertes. Des habitants sous le choc, sonnés, ont vécu une nouvelle fois une journée de cauchemar. C’est le cas de ce vigile dans une agence bancaire avenue de la Nation. Vendredi matin, il était arrêté au niveau de l’agence, située exactement entre l’ambassade de France et l’état-major militaire, en plein travail.

Il raconte la panique et l’absence d’informations : « On a entendu un bruit époustouflant au niveau de l’état-major, ça n’a pas duré. On a entendu d’autres bruits vers l’ambassade de France et après les gens ont commencé à courir de part et d’autre. On a essayé de comprendre, simplement quand on a regardé de côté on a vu une fumée noirâtre qui se dégageait au niveau de l’état-major. On a eu très peur. On ne savait pas ce qu’il y avait. Les gens parlaient, certains disaient que c’était un coup d’Etat, les gens disaient n’importe quoi. »

« C’est notre âme qui est attaquée »

L’effroi, c’est aussi le sentiment qui a prédominé sur le coup chez Rachel Ouedraogo, une habitante de la capitale burkinabè. Et même « la peur panique totale », parce qu’elle ne savait s’il y aurait encore des tirs, si des terroristes étaient encore présents. Alors, comme beaucoup, elle s’est terrée chez elle et a appelé ses proches.

Non loin de là, à quelques mètres de l’état-major attaqué des jeunes se sont attroupés, par besoin de « discuter ensemble, entre compatriotes », comme l’explique l’un d’entre eux, Toumani Sawadogo, qui parle d’un choc immense. A ses yeux, « en tant que Burkinabè, quand notre état-major est attaqué, on estime que c’est notre âme qui est attaquée. C’est la partie la plus sensible de notre pays qui a été attaquée et ça montre [à quel point] nous sommes vulnérables. »

Par-delà l’hébétude provoquée par la violence, il en « veut un peu » aux autorités du pays. « Comment permettre, avec le niveau d’alerte qui est très élevé, que notre état-major soit attaqué ? », se demande-t-il à voix haute. « C’est qu’il y a faille quelque part. Les attaques précédentes auraient dû leur permettre de comprendre, de faire un diagnostic, pour pouvoir éviter d’éventuelles failles et les corriger », estime le jeune homme.

Solidarité nationale envers les blessés

Depuis, plusieurs responsables politiques burkinabè se sont justement prononcés sur l’attentat. Certains se sont rendus au chevet des victimes. C’est le cas de Léandre Bassole, le président du Haut Conseil pour la réconciliation et l`unité nationale, interrogé par RFI au sortir d'une visite aux militaires blessés et hospitalisés au CHU de Yalgado Ouédraogo.

Une visite pour « exprimer toute sa compassion » face à « une telle violence aveugle ». Léandre Bassole se veut néanmoins confiant. D’après lui, « le peuple burkinabè est un peuple qui est mûr, qui a toujours su se mettre debout, quand il est placé face aux défis. Et celui-là, comme les autres, il sera relevé avec tout ce que nous avons de force morale, de courage et d’abnégation. »

Egalement venu « exprimer la solidarité nationale » aux blessés, Nicolas Meda, ministre de la Santé, tient à les rassurer : « Il y a un processus de prise en charge complète des blessés, des familles, et tous les soins sont prodigués gratuitement pour les blessés. »

Eddie Komboïgo, président du Congrès pour la démocratie et le progrès, le parti de Blaise Compaoré, joint par téléphone, se déclare quant à lui « vraiment touché, sans voix, de constater qu’une fois de plus notre peuple a été lâchement attaqué par les jihadistes ». Lui aussi veut garder espoir et « pense que c’est dans la solidarité, dans la réconciliation franche, dans le pardon, que nous arriverons à nous unir pour combattre ce mal qui n’a que trop duré ».

Quant à Zéphyrin Diabré, président de l'Union pour le progrès et le changement et chef de file de l'opposition burkinabè, il a lui aussi une « réaction de dégoût et de colère » à l’encontre des auteurs de l’attaque, qualifiés « d’ennemis invisibles, qui traumatisent la sous-région depuis un certain temps ».

« Un niveau de sauvagerie qu’il faut prendre en compte »

S’il tient à féliciter les forces de défense et de sécurité « qui ont apporté une réaction vive et énergique à cet attentat », Zéphyrin Diabré se montre surpris par « le culot » dont font preuve les jihadistes dans le choix de cibles aussi importantes que l’état-major des armées et l’ambassade de France.

Aux yeux de cet homme politique, « qu’ils aient le courage de venir maintenant en plein cœur de la capitale pour s’attaquer à ces cibles-là, […] ça montre qu’ils ont atteint un niveau de sauvagerie qu’il faut prendre en compte ». Il souhaite « une volonté politique réaffirmée, beaucoup plus forte et soutenue » contre le terrorisme, mais aussi « l’appui de la communauté internationale ». Mais, tient-il à répéter, « c’est nous qui devons prendre les choses en main et mener ce combat d’abord ».