Cet article pris sur le site de la revue "Le Pèlerin"
Église et homosexualité :
Pourquoi tant de malentendus ?
Les propos du pape sur « l’homosexualité » et la « psychiatrie » ont déclenché une tempête. Pourquoi l’Église est-elle inaudible sur cette question ?
À propos de l'article
- Modifié le 02/09/2018 à 12:00
- Publié dans Pèlerin
n°7084 du 6 septembre 2018
Que dit l’Église sur l’homosexualité ?
La doctrine de l’Église sur le sujet est récente puisque les principaux textes ont été élaborés entre 1975 et 2005. Le Catéchisme de l’Église catholique paragraphes 2357 et 2358), publié en 1992, distingue tout d’abord les actes d’homosexualité et les personnes. Le jugement moral porte sur les actes, considérés comme « intrinsèquement désordonnés et « contraires à la loi naturelle ». Néanmoins « la personne n’est jamais réduite à ses actes » explique le P. Burgun, spécialiste du droit canon. Par ailleurs, « elle doit toujours être replacée dans le contexte de son histoire singulière, de sa liberté propre et des choix qu’elle fait » complète le P. Dominique Foyer, théologien*. Dès lors, l’Église demande d’accueillir les personnes homosexuelles « avec respect, compassion et délicatesse ».
Pourquoi un couple, Pour l’Église, ne peut-il être formé que d’un homme et d’une femme ?
L’importance que l’Église accorde à l’altérité homme/femme repose sur l’idée que « leur communion est le premier lieu de la révélation de Dieu, explique le P. Burgun. Ainsi dans la Genèse, c’est l’homme et la femme ensemble qui sont à l’image de Dieu, non pas uniquement l’un ou l’autre séparément ». Jean-Paul II faisait de l’amour entre l’homme et la femme « le sacrement primordial », c’est-à-dire le premier lieu où Dieu donne sa grâce. En outre, « l’Église considère que dans la relation d’amour, c’est par la différence sexuelle que l’on se découvre pleinement dans sa spécificité sexuelle » poursuit-il. Bien sûr, un couple homosexuel fait l’expérience d’autres formes d’altérité. Mais « il manquera toujours à leurs actes sexuels ce qui caractérise l’acte d’union d’un homme et d’une femme : le vécu charnel et existentiel de la différence et de la complémentarité des sexes. Sous ce regard, l’acte homosexuel est toujours « défectueux », au sens où il n’accomplit pas la plénitude de la rencontre des sexes masculin et féminin », détaille le P. Foyer. « Même s’il y a de l’amour dans un couple homosexuel et que toute personne porte en elle l’image de Dieu, l’Église défendra toujours la différence homme/femme, structurante pour l’humanité, ou encore pour l’éducation des enfants » selon le P. Burgun.
Que Propose l’Église aux homosexuels ?
Elle leur propose de rester célibataires et de vivre la continence sexuelle, seul chemin selon elle pour « se rapprocher, graduellement et résolument, de la perfection chrétienne.» À ces conditions, les personnes homosexuelles peuvent accéder à tous les sacrements, sauf celui de l’ordination. Une instruction romaine de 2005 demande en effet aux directeurs de séminaires de dissuader les candidats au sacerdoce présentant des « tendances homosexuelles profondément enracinées. » En revanche, les personnes homosexuelles qui vivent publiquement en couple (ou sont mariées ou pacsées) « persistent avec obstination dans un péché grave. » Une situation qui leur interdit l’accès aux sacrements, notamment l’eucharistie et la réconciliation. Sur le terrain, certains prêtres estiment toutefois que ce discours n’est pas audible. « Le célibat doit avant tout répondre à une vocation et ne peut pas être imposé, insiste le P. André Guimet, théologien moraliste, qui a une longue expérience d’accompagnement des personnes homosexuelles. Demander la continence à des personnes qui ne peuvent pas la vivre, qu’est-ce que cela veut dire ? On demande l’impossible ! » Aux couples homosexuels qu’il accompagne et chez qui il perçoit un vrai désir d’engagement, il propose de vivre les quatre piliers du mariage chrétien : liberté, fidélité, indissolubilité – bien que l’Église ne reconnaisse pas leur union – et fécondité. Celle-ci, rappelle-t-il, n’est pas uniquement biologique, mais peut s’exprimer de milles autre manières.
Le discours de l’Église sur l’homosexualité va-t-il évoluer ?
Sur le fond, le magistère de l’Église sur cette question ne semble pas prêt d’évoluer, bien que de vifs débats agitent les théologiens. « Il ne faut pas s’attendre à ce que l’Église fasse comme la société et mette sur un plan d’égalité toutes les formes d’amour » avertit le P. Burgun. En 2014 et 2015, lors des synodes sur la famille, certains pères synodaux s’étaient interrogés sur la possibilité de reconnaître l’engagement de deux personnes dans un couple homosexuel comme un possible « chemin de sainteté. » D’autres, plus conservateurs, n’ont pas voulu en entendre parler. In fine, l a question a été quasiment évacuée du rapport final des Pères synodaux, tout comme de l’exhortation apostolique Amoris laetitia. Celle-ci insiste tout de même sur l’importance du « discernement » pour accompagner les personnes qui se trouvent dans des situations dites « irrégulières », notamment les personnes homosexuelles vivant en couple. Car si la doctrine de l’Église n’a pas bougé, son approche pastorale s’est ouverte ces dernières années. « Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? » avait affirmé François en 2013 dans l’avion qui le ramenait de Rio, marquant durablement les esprits. Dans les paroisses et les communautés religieuses, de plus en plus de propositions se développent à destination des personnes homosexuelles et de leurs proches : retraites, accueil, lieux d’écoute, etc.
Homosexuel et paroissien : mission impossible ?
« Les choses bougent dans les paroisses, se félicite Marie-Hélène Nouvion, coprésidente de David et Jonathan, un mouvement qui rassemble des chrétiens homosexuels. Je me suis récemment présentée à mon curé et quinze jours après, il est venu dîner à la maison et nous avons pu discuter, dans un climat d’ouverture. » « Beaucoup de personnes homosexuelles ont aujourd’hui trouvé leur place dans les paroisses, confirme le P. Guimet, même si ce n’est pas encore partout le cas. Il y a 30 ans, rappelle-t-il, parler d’homosexualité était quasiment impossible dans l’Église. »
À lire :
Foi - Homosexualité - Église, (Collectif), Éd. Bayard, 246 p. ; 14,90 €.