L’Afrique face au coronavirus
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Six pays africains rapportent désormais des cas de coronavirus. Ce jeudi matin, le bilan était de 25 malades détectés depuis le début de l'épidémie. Aucun décès n'est à déplorer, mais le 22 février dernier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait averti que le continent n’était pas prêt à affronter l’épidémie si des cas apparaissaient et se multipliaient sur le continent.
La menace d’une contamination par le Covid-19 en Afrique venant de Chine a semble-t-il pour l’instant été écartée. Finalement, ce sont à partir de foyers épidémiques secondaires, en Union européenne, que les premiers cas sont apparus sur le continent. Les échanges avec l’Italie, la France et les autres pays européens touchés sont beaucoup plus importants qu’avec la Chine ou les autres pays d’Asie où sévit le virus.
Pour l'instant, la situation semble maîtrisée : les premiers cas sur le sol africain ont été détectés assez rapidement et les enquêtes épidémiologiques pour identifier les contacts des malades sont en cours. Il faut dire que les pratiques ont beaucoup évolué depuis l'épidémie d'Ebola et le continent a eu un peu de temps pour se préparer. Début février, « seuls deux pays étaient équipés et formés au diagnostic », se félicite le docteur John Nkengasong, directeur de l'Africa CDC, le Center for Disease Control de l'Union africaine.
Renforcer l’offre de soin
Pour autant même dans les grands hôpitaux des capitales, les capacités sont limitées comme l’explique le professeur Serge Eholié, infectiologue et chef du service des maladies infectieuses au CHU de Treichville à Abidjan : « Est-on prêt aujourd’hui ? Je réponds oui… si on n’a pas beaucoup de cas. Mais 100 cas graves, on ne pourra pas y répondre, même 20 cas graves ! »
La situation est encore plus critique dans les villes moyennes ou en brousse, où les systèmes de soins ne sont pas prêts pour prendre en charge les cas graves. « Au-delà du CHU, l’hôpital régional qui est à côté, est-ce qu’il a les capacités de répondre à des cas graves de détresse respiratoire comme on les décrit pour ce coronavirus ? Je réponds non. Donc il faut qu’on renforce l’offre hospitalière », estime-t-il, même si « toute la pyramide sanitaire a été formée. Et dans tous les pays. »
Appel aux bailleurs
Dans ces conditions, il faut donc miser sur la prévention pour tenter de gagner du temps selon le docteur John Nkengasong, de l'Africa CDC. Car selon lui, le continent doit s'attendre à avoir plus de cas de ce coronavirus. « On est tous d'accord pour dire que les systèmes de santé en Afrique sont faibles. Donc notre stratégie pour l'instant, c'est de détecter les cas au plus tôt et de les isoler. Ça veut dire qu'on doit encore améliorer les systèmes de surveillance. C'est notre stratégie numéro un, pendant qu'on se prépare sur d'autres aspects comme l'amélioration la prise en charge dans les centres hospitaliers. On doit aussi faire des stocks de masques, de gants, de blouses… »
Il estime que c’est ce type de mesures que les États doivent mettre en place, « et bien sûr cela suppose le déblocage de fonds pour aider les efforts des ministères de la Santé. »
Il en appelle aux partenaires et aux bailleurs. La Banque mondiale vient d'ailleurs de débloquer une aide de douze milliards de dollars dont une partie est réservée aux pays les plus pauvres, pour acheter du matériel médical ou même fournir des conseils politiques. Le FMI (Fonds monétaire international) annonce que cinquante milliards de dollars étaient « disponibles », dont dix milliards qui peuvent être prêtés à taux zéro, pour les pays pauvres et en développement.
« Pandémie de peur »
Mais au-delà du soutien aux systèmes sanitaires, il faut aussi faire des efforts de communication, car si le continent commence tout juste à comptabiliser ses premiers cas, la maladie est déjà bien présente dans les esprits. « Une pandémie de peur », comme la qualifie John Nkengasong, entre rumeur et psychose.
L'essentiel selon le directeur de l'Institut Pasteur de Dakar, le docteur Amadou Alpha Sall, c'est de rappeler que 98% des malades guérissent. « La mortalité n’est pas si élevée », souligne-t-il, « ce qui fait peur aux gens c’est plutôt le fait que c’est inconnu. Il faut dire qu’il y a trois mois encore, on ne connaissait pas ce virus. Et il se diffuse très rapidement. » Il recommande donc la sérénité. « Il faut informer les gens de la situation et les tenir au courant avec des informations justes et vraies. » Il rappelle qu'en se lavant régulièrement les mains avec de l'eau et du savon ou une solution hydroalcoolique, en toussant et éternuant dans le pli du coude, on limite la diffusion de la maladie.