Côte d’Ivoire : l’opposition engage un bras de fer contre Alassane Ouattara
Henri Konan Bédié, candidat du PDCI, lors du meeting de l'opposition à Abidjan, le 20 septembre 2020. © REUTERS/Luc Gnago
Réunie le 20 septembre, l’opposition ivoirienne a posé plusieurs préalables à sa participation à la présidentielle prévue le 31 octobre.
En Côte d’Ivoire, le processus électoral n’a pas encore déraillé, mais il est proche de l’impasse. Moins d’une semaine après l’annonce des candidatures retenues pour l’élection présidentielle du 31 octobre, les décisions du Conseil constitutionnel ne passent pas toujours auprès de l’opposition.
Réunies dimanche 20 septembre, les principales plateformes de l’opposition ont demandé le retrait pur et simple de la candidature d’Alassane Ouattara à un troisième mandat, estimant toujours que la Constitution le lui interdit.
Appel à la « désobéissance civile »
Elles ont ensuite listé une série de conditions à leur participation au prochain scrutin, comme la dissolution du Conseil constitutionnel et de la commission électorale, ainsi qu’une « réforme profonde du cadre législatif et institutionnel des élections ».
Elle a enfin appelé la population « à se mobiliser pour des manifestations sur l’ensemble du territoire », sans pour le moment donner de mot d’ordre plus précis.
De son côté, Henri Konan Bédié (HKB), dont la candidature à la présidentielle a été entérinée, a lancé un appel à « la désobéissance civile », expression dont il n’a pas précisé la signification concrète, mais qu’il a qualifié d’ »action citoyenne (…) légitimement fondée ».
Outre la coalition dirigée par le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), plusieurs partis ou groupements de partis se sont associés à cette démarche : Ensemble pour la démocratie et la souveraineté (EDS) de Georges Armand Ouegnin (dont est membre la frange du Front populaire ivoirien (FPI) représentant Laurent Gbagbo), l’Union pour la démocratie et pour la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI) d’Albert Mabri Toikeusse, Génération peuples et solidaires (GPS) de Guillaume Soro, le Lider de Mamadou Koulibaly et l’Union républicaine pour la démocratie (URD) de Danielle Boni Claverie.
Affi et KKB absents
En revanche, Pascal Affi N’Guessan et Kouadio Konan Bertin (KKB), les deux autres candidats retenus à la présidentielle, n’étaient pas présents. En conflit avec Laurent Gbagbo, Affi N’Guessan avait pourtant rencontré Bédié, le 17 septembre, et souhaitait participer à la rencontre.
« Le PDCI a finalement choisi un autre format », explique-t-il, tout en se disant « solidaire » des déclarations faites par l’opposition. « Nous sommes sur la même longueur d’onde », assure-t-il. L’ancien Premier ministre devrait être reçu par Bédié dans les prochains jours. « Il est possible qu’il soit associé aux discussions », précise un proche de Gbagbo.
Les propos de l’opposition font échos à ceux tenus par trois jours plus tôt à Paris par Guillaume Soro. « J’en appelle à une unité d’action de l’opposition pour stopper Alassane Ouattara dans sa folle aventure par tous les moyens légaux et légitimes. Je demande aux candidats, retenus ou non, et plus spécifiquement au président Bédié, au président Gbagbo, au Premier ministre Affi N’Guessan, au ministre Amon-Tanoh, au ministre Mabri Toikeusse, de prendre ensemble nos responsabilités et de faire bloc […] Ensemble, nous devons organiser la mobilisation de tout le peuple ivoirien depuis la campagne, les hameaux, les villages et les villes pour faire barrage au troisième mandat anticonstitutionnel de Ouattara », avait déclaré l’ancien président de l’Assemblée nationale, dont la candidature a été rejetée par le Conseil constitutionnel.
Craintes de violences
Comme cela est redouté par de nombreux observateurs depuis le choix d’Alassane Ouattara de briguer un troisième mandat, le sort de l’élection présidentielle pourrait bien se jouer dans la rue. Plusieurs marches ont déjà été organisées depuis le 13 août.
Si elles n’ont pas encore été d’ampleur significative, elles ont occasionné un lourd bilan humain et matériel. Plus d’une dizaine de personnes ont été tuées. En réaction, les autorités ont choisi d’interdire tout rassemblement sur la voie publique jusqu’au 30 septembre. En parallèle, plusieurs personnalités de l’opposition ou de la société civile ont été arrêtées.
Le 18 septembre, l’Union européenne a déploré « les violences et affrontements survenus ces dernières semaines, qui ont fait plusieurs victimes », demandant aux autorités de « mener des enquêtes afin d’en poursuivre les auteurs ».
L’UE a également appelé « au respect des libertés publiques, notamment le droit pour chaque citoyen de manifester pacifiquement, dans le cadre prévu par la loi, sans être inquiété, et d’exprimer des opinions politiques sans être arrêté ou emprisonné ».