Dettes africaines : le FMI cherche la parade contre les fonds vautours
Kristalina Georgieva, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) à Washington en octobre 2019. © Jose Luis Magana/AP/SIPA
L’institution prône une restructuration préventive des dettes des pays les plus pauvres. Mais la multiplicité des créanciers et des formes de prêt risque de compliquer la tâche.
En raison de la crise sanitaire et de la mise à l’arrêt des économies, l’endettement – déjà considérablement plus élevé qu’il y a dix ans – fera cette année un bond de 10 % par rapport au produit intérieur brut (PIB) dans les pays en développement et de 7 % dans les pays à bas revenus, anticipe le FMI.
Certains risquent de ne pas parvenir à faire face à leurs obligations de paiement et de remboursement et de faire « défaut », à l’image de la Zambie, à qui ses créanciers ont refusé le 30 septembre d’accorder un délai de paiement.
Pour éviter que cet épisode soit le premier d’une longue série, l’institution, dans un rapport sur l’urgence de « la réforme de l’architecture de la dette internationale » parue le 1er octobre, prône une « restructuration préventive » de ces dettes.
Un « filet protecteur » fragilisé
Si la vitesse d’exécution, la transparence et le traitement égal de tous les créanciers sont les trois conditions que l’institution met à une bonne restructuration, le FMI s’inquiète de la difficulté d’atteindre ces objectifs.
Une clause d’action collective a été mise en place en 2014 dans la plupart des nouveaux contrats de prêts souverains pour permettre à une majorité qualifiée de détenteurs d’obligations d’imposer une restructuration de la dette à tous les créanciers et de maintenir ainsi la confiance des marchés.
Ce dispositif doit permettre d’éviter que des « fonds vautours » ne profitent de la situation pour obtenir des tribunaux plus que les autres créanciers, comme ce qui a pu se passer en Zambie ou en République du Congo dans les années 1990 et 2000. Mais ce filet protecteur est fragilisé par l’augmentation constante du nombre des créanciers et la multiplication des formes de prêts.
Prêts commerciaux, emprunts gagés sur la production pétrolière…
Les investisseurs privés sont aujourd’hui plus nombreux que les prêteurs publics. La majorité des créanciers n’appartient pas au Club de Paris où se tiennent les négociations entre États créanciers et débiteurs et n’en applique pas les règles. Ainsi, si l’Initiative de suspension du service de la dette (ISSD) mise en place suite à la pandémie par le G20 et le FMI – dont le FMI demande la prolongation pour toute l’année 2021 – n’a pas trouvé d’écho auprès des prêteurs privés.
En outre, les obligations et autres emprunts bilatéraux ou multilatéraux traditionnels ne sont qu’une part de la dette globale : certains prêts sont dits « commerciaux », alors que dans le cas de certains prêts émanant de sociétés publiques chinoises, ils ont toutes les caractéristiques de prêts « souverains » ; d’autres accordés par des traders s’appuient sur des collatéraux, par exemple sur la production pétrolière ou minière, et leurs détails ne sont pas publiés, ce qui complique leur restructuration.
Des obstacles qui ne doivent pas faire oublier que le Tchad en 2018 et le Mozambique en 2019 ont réussi à boucler cet exercice.
Discussions multilatérales début octobre
Le document du FMI, qui doit servir de base aux discussions qui auront se tiendront durant les assemblées d’automne (virtuelles) du Fonds et de la Banque mondiale, du 8 au 11 octobre, incite les créanciers à s’inspirer des bonnes pratiques du Club de Paris.
Dans un texte d’accompagnement du rapport, Kristalina Georgieva, directrice générale du FMI, demande que « le moratoire sur le service de la dette soit prolongé en 2021 », craignant dans le cas contraire que ses bénéficiaires actuels ne soient « forcés de recourir à des mesures d’austérité pour assurer la reprise du service de leur dette, aggravant ainsi les souffrances sociales déjà causées par la crise ».
Le FMI se dit prêt, avec la Banque mondiale, à accompagner les pays bénéficiaires d’une restructuration pour qu’ils réforment leur gouvernance et leur économie et ne se trouvent pas pris à nouveau au piège à la prochaine crise mondiale.