Burkina : le CDP de Blaise Compaoré à la reconquête du pouvoir

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Mis à jour le 14 octobre 2020 à 16h26
Eddie Komboïgo, candidat à la présidentielle au Burkina sous les couleurs du CDP de Blaise Compaoré.

Eddie Komboïgo, candidat à la présidentielle au Burkina sous les couleurs du CDP de Blaise Compaoré. © Sophie Garcia | hanslucas.com pour JA

Tenu à l’écart des élections présidentielle et législatives de 2015, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) compte sur les scrutins couplés du 22 novembre pour faire son retour sur le devant de la scène politique.

Le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) peut-il renaître de ses cendres ? Six ans après la chute de Blaise Compaoré, le parti rêve de reconquérir le pouvoir – ou, à tout le moins, de s’offrir une majorité à l’Assemblée nationale – lors des élections présidentielle et législatives du 22 novembre. Mais en a-t-il les moyens ?

Le CDP revient de loin. Lors de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, des manifestants incendient son siège, situé sur la prestigieuse avenue Kwame Nkrumah, à Ouagadougou.Quelques semaines plus tard, il est temporairement suspendu pour « activité incompatible avec la loi ». Certains de ses cadres fuient le pays, d’autres se retrouvent en prison.

Mais le coup de grâce vient d’une loi votée par le Conseil national de la transition, qui exclut des élections présidentielle et législatives de 2015 tous ceux qui ont soutenu le projet de modification de la Constitution, lequel devait permettre à Blaise Compaoré de briguer un nouveau mandat.

Depuis, cinq années ont passé. « Nous avons fait profil bas, reconnu nos torts et expliqué que nous avions compris, explique Achille Tapsoba, premier vice-président du CDP. Aujourd’hui, nous proposons un nouveau modèle de gouvernance. Nous avons fait un travail d’occupation politique du territoire pendant les trois dernières années et trouvé notre place au sein de l’opposition. »

Requinqué

Le CDP a réformé ses instances et recruté de nouveaux membres. « Il est actif au sein du cette structure qu’est le Chef de file de l’opposition politique [CFOP]. Il est également signataire de l’accord politique qu’ont conclu les membres de l’opposition en vue de la présidentielle, détaille William Assanvo, chercheur à l’Institut d’études de sécurité. Eddie Komboïgo, le chef du parti, a contribué à lui donner une nouvelle image, même si Blaise Compaoré continue de jouer un rôle important. »

Un électeur présente sa carte, lors des élections municipales de 2016, à Ouagadougou.
Un électeur présente sa carte, lors des élections municipales de 2016, à Ouagadougou. © AHMED OUOBA/AFP

C’est donc un CDP requinqué qui part à la reconquête des électeurs. Pour la première fois depuis la chute de Blaise Compaoré, il présentera un candidat à la présidentielle : Eddie Komboïgo, a été investi candidat le 26 juillet. Il fera notamment face au président sortant, Roch Marc Christian Kaboré.

Les législatives, qui se tiendront en même temps que la présidentielle, sont l’autre grande bataille du CDP. Ce dernier a présenté des listes dans les 45 provinces du pays. « Nous avons choisi de désigner les candidats de la base vers le sommet. Chaque section provinciale a réuni des personnes ressources pour apprécier les candidatures, explique Achille Tapsoba. Les listes ont ensuite été envoyées à la direction nationale, qui a classé les candidats en tenant compte de la géopolitique locale, c’est-à-dire des communes représentées, de la carrure du candidat et de son degré de militantisme. »

« En 2015, la plupart de nos candidats qui étaient un peu capés ont été écartés par la loi Cherif [Chérif Sy, à l’époque président du Conseil national de transition]. Nous avons été obligés de les remplacer par des gens parfois peu connus et cela a influé négativement sur nos résultats, ajoute Tapsoba. Notre victoire dans certaines circonscriptions a surtout été due à la forte implantation locale du parti. Aujourd’hui, c’est différent : la liste des candidats est un mélange entre certaines de ces personnalités qui ont émergé en 2015, de nouveaux camarades qui nous ont rejoint depuis et des anciens du parti. »

Troisième force politique

Le 12 octobre, la commission électorale a publié la liste provisoire des candidats aux législatives et, de fait, de nombreux poids lourds de la scène politique de ces dernières décennies sont en lice. Parmi eux, l’ancien Premier ministre Luc Adolphe Tiao, l’ancien ministre d’État chargé des Relations avec les institutions et des Réformes politiques, Ye Arsène Bongnessan, le président du parti, Eddie Komboïgo et son premier vice-président, Achille Tapsoba.

À l’issue des législatives de 2015, le CDP avait obtenu 18 sièges, se positionnant comme la troisième force politique représentée au sein du Parlement, derrière le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) du président Kaboré (55 sièges) et l’Union pour le progrès et le changement (UPC) de Zéphirin Diabré (33 sièges). Entre le MPP, qui compte bien conserver la majorité, l’UPC, dont le président est officiellement le chef de file de l’opposition, et le CDP, qui veut signer son retour, les sièges seront âprement disputés.

Face au président de l’Assemblée nationale, Alassane Bala Sakandé, le CDP présente dans le Kadiogo l’ancien député et ancien ministre de l’Emploi puis de l’Environnement, Salifou Sawadogo.

Le parti au pouvoir a également investi une dizaine de ministres. Siméon Sawadogo, ministre de l’Administration territoriale, candidat dans le Bam sera opposé à Daouda Zoromé, maire de la ville de Kongoussi, chef-lieu de la province. Bachir Ismaël Ouédraogo, ministre de l’Énergie et patron des jeunes du parti au pouvoir devra pour sa part batailler avec Zakaria Sana, deuxième adjoint du maire de la ville de Kaya, chef-lieu de la province du Sanmatenga.

Dans le Kourwéogo (Centre), le ministre des Affaires étrangères, Alpha Barry, affrontera le député CDP sortant, Ousmane Barry. L’ancien Premier ministre Paul Kaba Thieba, qui compte briguer la députation dans la province du Sourou (Nord-Ouest), fera face à Tiegnan Denis, membre du bureau exécutif national du CDP.

Blaise Compaoré devant la presse au 14e sommet de la francophonie à Kinshasa, le 14 octobre 2012.
Blaise Compaoré devant la presse au 14e sommet de la francophonie à Kinshasa, le 14 octobre 2012. © Baudouin Mouanda pour JA

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COMPAORÉ CONTINUE À ÊTRE UN PERSONNAGE CLIVANT

« Notre principal atout, c’est la qualité de nos candidats. Ils sont compétents et expérimentés, assure Alpha Yago, secrétaire chargé du mouvement associatif et des organisations de la société civile du CDP, également candidat dans la province de la Sissili. L’autre avantage que nous avons, c’est que la base est restée majoritairement loyale au parti et à son fondateur, Blaise Compaoré. »

Cela suffira-il pour reconquérir le pouvoir ? « Cela paraît peu probable en ce qui concerne la présidence, estime William Assanvo. Komboïgo donne certes une nouvelle image au CDP, mais il n’a pas la même envergure qu’un Roch Marc Christian Kaboré ou un Zéphirin Diabré, qui sont en politique depuis plus longtemps. Komboïgo n’a pas fait non plus l’unanimité au sein de son parti et il a fallu l’intervention de Blaise Compaoré, qui continue à être un personnage clivant, pour qu’il soit désigné candidat. »

Le CDP pourrait en revanche faire une percée à l’Assemblée nationale et compte bien, pour ce faire, contester le bilan du MPP. « Le CDP a été déchu du pouvoir, mais l’incapacité du MPP à gérer le pays et à tenir ses promesses de développement fait que les gens ont perdu espoir, affirme Alpha Yago. Le contexte sécuritaire ne fait que s’aggraver cet état de fait. Cette fois-ci, ce n’est pas le procès du CDP que l’on va faire, mais celui du parti au pouvoir et de son bilan catastrophique. »