Sénégal : discrets mais incontournables, qui sont les fidèles de Macky Sall ?
Le président sénégalais Macky Sall. © Thierry STEFANOPOULOS/REA
Moins impulsif qu’Abdoulaye Wade, son prédécesseur, Macky Sall mûrit longuement ses décisions, cloisonne ses réseaux et choisit avec soin les personnes de confiance qui l’entourent. De la politique aux affaires, en passant par sa famille, qui sont les personnalités qui comptent dans son entourage proche ?
« La confiance de Macky Sall ne s’acquiert pas facilement », confie l’un de ses proches. À la tête d’une véritable armée mexicaine d’alliés, de ralliés et de « ministres-conseillers » aux fonctions parfois honorifiques, le président sénégalais, adepte du cloisonnement, se montre sélectif lorsqu’il s’agit de laisser l’un de ses proches gagner en influence.
Lors du récent remaniement, il en a surpris plus d’un en écartant du gouvernement et du Conseil économique, social et environnemental (CESE) plusieurs personnalités de son premier cercle : son ex-Premier ministre puis secrétaire général de la présidence, Mahammed Boun Abdallah Dionne, et quelques ministres qu’on jugeait jusque-là incontournables : Amadou Ba (Affaires étrangères), Aly Ngouille Ndiaye (Intérieur), Mouhamadou Makhtar Cissé (Pétrole et Énergie), Oumar Youm (Infrastructures, Transports terrestres et Désenclavement) ; ou encore l’ancienne Première ministre Aminata Touré, devenue la présidente du CESE après avoir dirigé sa campagne victorieuse au début de 2019.
Dans l’entourage présidentiel, les hommes et femmes de confiance sont discrets, voire secrets, et font rarement la Une des journaux. À l’heure où le chef de l’État vient de lancer une nouvelle OPA sur l’opposition, certains d’entre-eux ont, par leur conseils ou leurs missions de bons offices, aidé « le patron » à consolider son emprise sur la scène politique nationale.
Les conseillers
- Mahmoud Saleh
Son influence est proportionnelle à sa discrétion. Nommé directeur de cabinet du chef de l’État lors du dernier remaniement, Mahmoud Saleh occupait auparavant la fonction de ministre-conseiller. Surnommé « Raspoutine » par ses détracteurs au sein de l’entourage présidentiel, il a l’oreille du président depuis sa première élection, en 2012. Cet ancien trotskiste a eu un parcours sinueux. Au début des années 2000, après avoir suivi Djibo Leyti Kâ dans sa scission d’avec le Parti socialiste, il a créé à son tour une branche dissidente de l’Union pour le renouveau démocratique (URD) et s’est rapproché du régime d’Abdoulaye Wade, avant de rallier Macky Sall lorsque ce dernier a créé son propre parti, l’Alliance pour la République (APR).
Mahmoud Saleh est aussi, pour le chef de l’État, un missi dominici qui porte des messages au moment opportun et vient sceller les alliances avec les adversaires d’hier. Il aurait ainsi favorisé le rapprochement de Macky Sall avec Oumar Sarr, longtemps numéro 2 du Parti démocratique sénégalais (PDS, opposition), qui a lui aussi milité à l’extrême gauche dans sa jeunesse.
- Seydou Guèye
Cet enfant de la Médina, un quartier populaire de Dakar, passera de longues années en France où il aura comme mentor Michel Rocard. Rentré au Sénégal, il quitte le giron socialiste pour rejoindre Macky Sall à l’Alliance pour la République (APR). Depuis l’élection de ce dernier, en 2012, Seydou Guèye a rang de ministre, sans toutefois détenir de portefeuille. Mais la parole présidentielle passe par lui.
Porte-parole de l’APR, tour à tour porte-parole ou secrétaire général du gouvernement ou de la présidence, ou ministre-conseiller en charge de la communication, il est l’apparatchik dont le président a besoin pour délivrer ses messages aux médias et gérer, quand cela est nécessaire, la communication de crise.
Le politique
- Moustapha Niasse
Si Macky Sall a été élu en 2012, puis réélu sept ans plus tard, et s’il a remporté haut la main les législatives à deux reprises, c’est grâce à eux : Ousmane Tanor Dieng, qui dirigeait le parti socialiste depuis 1996 et jusqu’à son décès en juillet 2019, et Moustapha Niasse, 81 ans, fondateur et président de l’Alliance des forces de progrès (AFP), qui occupe depuis 2012 le perchoir de l’Assemblée nationale.
Le pacte scellé par les trois hommes a conduit Niasse et Tanor à mettre leur parti au service de la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar (BBY), quitte à s’abstenir de présenter une candidature autonome à la présidentielle de 2019. Et ce, au prix de plusieurs exclusions dans leurs propres rangs, lorsque des frondeurs se faisaient entendre pour critiquer cette stratégie d’allégeance.
Depuis le décès d’Ousmane Tanor Dieng, l’ancienne ministre Aminata Mbengue Ndiaye a repris le flambeau au PS, tout en héritant de la fonction de Tanor à la tête du Haut commissariat aux collectivités territoriales (HCCT), troisième institution de l’État dans l’ordre protocolaire.
Les hommes d’affaires
- Harouna Dia
Il entretient également des relations suivies avec Mamadou Diagna Ndiaye, un homme de réseaux qui était déjà un conseiller influent de l’ex-président Abdou Diouf. Nommé en 2013 ministre-conseiller du président en charge des investissements et du comité stratégique, Diagna Ndiaye est un pilier du groupe Mimran, qui détient notamment la Compagnie sucrière du Sénégal (CSS). Homme d’affaires fortuné et cosmopolite, au carrefour de nombreux secteurs industriels et commerciaux, il est un « ouvreur de portes » au carnet d’adresses très fourni.
Mais dans l’entourage présidentiel, nul représentant du monde des affaires n’égale Harouna Dia. Cet enfant du Fouta, halpulaar tout comme Macky Sall, fut un soutien de la première heure à qui ce dernier doit beaucoup. Financier de l’Alliance pour la République (APR) depuis sa création en décembre 2008, ce milliardaire a offert au futur parti présidentiel les moyens de ses ambitions… en pleine traversée du désert.
Peu connu au Sénégal, si ce n’est dans la vallée du fleuve, il l’est davantage au Burkina Faso, où il s’est installé en 1986 avant de faire fortune dans le commerce de poisson surgelé. « Macky lui voue un grand respect, explique un proche. Pas seulement pour ce qu’il a fait pour lui, mais aussi pour ce qu’il représente. » Si Harouna Dia, le « roi du poisson », n’occupe aucune fonction officielle – il a décliné un portefeuille ministériel au lendemain de l’élection de 2012 -, il est un homme écouté par le chef de l’État, à qui il apporte son carnet d’adresses, sa connaissance du monde des affaires et son influence dans le Fouta ainsi qu’en Afrique de l’Ouest.
Le journaliste
- Madiambal Diagne
Leur complicité s’est scellée peu après la disgrâce de Macky Sall, en 2008, après avoir été le principal homme de confiance d’Abdoulaye Wade. Madiambal Diagne – journaliste trublion, brièvement incarcéré sous Wade – lui détaille alors ce que le régime, dont il fut l’un des piliers, lui avait fait subir. Il l’incite aussi à ne pas laisser le champ libre au président vieillissant, qui entend briguer un troisième mandat.
Après la victoire de Macky Sall, en 2012, Madiambal Diagne, directeur général du groupe Avenir Communication – et président de l’Union internationale de la presse francophone depuis 2014 -, devient un confident privilégié du chef de l’État, qui teste auprès de lui certaines de ses futures décisions et sollicite son point de vue sur les sujets du moment. Si son nom a plusieurs fois circulé comme un possible ministrable, lui-même préfère rester dans cet entre-deux, entre conseiller informel et confident privilégié.
Dans son éditorial du lundi, dans les colonnes du Quotidien, Madiambal Diagne alterne prises de position pro-domo ou plus critiques à l’égard de la mouvance présidentielle. Son ex-confrère Abdou Latif Coulibaly, dont les investigations choc sur le régime Wade ont défrayé la chronique au cours des années 2000, a quant à lui opté pour une reconversion assumée dans les arcanes du gouvernement ou de la présidence, où il occupe des fonctions depuis le début du premier mandat de Macky Sall.
La famille
- Aliou Sall, Marième Faye Sall, Mansour Faye
Abdoulaye Wade avait un fils, dont le rôle auprès de lui aura alimenté la polémique de longues années durant. Pour Macky Sall, les accusations de gestion népotique ont trois têtes : son frère cadet, Aliou Sall ; son épouse, Marième Faye Sall ; et le frère de cette dernière, Mansour Faye.
Entravé dans ses ambitions professionnelles du fait de leur lien de sang, Aliou Sall est, selon les jours, un atout ou un handicap pour son aîné. Quand il se lance dans le privé, en 2012, dans l’exploration gazière offshore, l’affaire finit par provoquer une polémique retentissante qui rejaillit sur le chef de l’État et contraint in fine l’intéressé à démissionner en 2019 de son poste de président de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), deux ans après y avoir été nommé.
Mais Aliou Sall, ancien journaliste issu de l’extrême gauche, puis diplômé de l’ENA avant de diriger le bureau économique de l’ambassade du Sénégal en Chine à la fin du règne d’Abdoulaye Wade, est aussi depuis 2014 le maire de Guédiawaye, un bastion électoral clé de la banlieue dakaroise. Il est également le président de l’Association des maires du Sénégal.
Simple et discrète, Marième Faye Sall joue un rôle essentiel auprès de son époux, en se gardant bien d’interférer avec ses décisions. Son rôle est essentiellement social mais, au Sénégal, rapprochements et ralliements se scellent le plus souvent lors des funérailles, des mariages ou des baptêmes.
En vraie Sénégalaise, la First Lady effectue donc des missions discrètes tous azimuts : pour consoler des militants de l’APR en souffrance, représenter le couple présidentiel dans les cérémonies familiales, et surtout pour nouer discrètement les rapprochements avec certains opposants – un processus au cœur de la stratégie du chef de l’État.
Selon nos sources, Marième Faye Sall aurait ainsi été à la manœuvre pour initier la réconciliation – hautement symbolique – entre le président et son ancien mentor, Abdoulaye Wade, qui s’est concrétisée en septembre 2019 à la mosquée dakaroise Massalikoul Djinane. De même, elle aurait joué les éclaireuses pour favoriser le ralliement récent d’Idrissa Seck, frère ennemi de Macky Sall au sein de la famille libérale, à la mouvance présidentielle.
Son frère, Mansour Faye, n’est pas en reste. Entré au gouvernement en juillet 2014, après avoir remporté de justesse la mairie de Saint-Louis, il a survécu depuis à tous les remaniements. Soutien de la première heure de son beau-frère Macky Sall, dont il a aidé à implanter le parti tout juste créé, il bénéficie de la confiance du « patron », qui lui confie notamment des missions discrètes en vue d’élargir la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar. Afin, comme il le dévoilait sans faux semblant en avril 2015, de « réduire l’opposition à sa plus simple expression ».