[Infographie] Niger, Mali, Burkina : la stratégie de Barkhane a-t-elle atteint ses limites ?

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Mis à jour le 26 mars 2021 à 09h25
Attaques attribuées à l’EIGS depuis 2015 selon l’ACLED
Attaques attribuées à l'EIGS depuis 2015 selon l'ACLED ©

 

Les attaques de l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) dans « la zone des trois frontières » s’intensifient. Malgré plusieurs offensives, les forces de Barkhane et du G5 Sahel ne semblent toujours pas parvenir à contenir l’avancée des jihadistes. Retour sur l’expansion du groupe en cartes.

« L’objectif militaire c’est “la zone des trois frontières” entre le Mali, le Burkina et le Niger, comme cela a été rappelé. La priorité c’est l’État islamique au Grand Sahara. » Un peu plus d’un an après ces déclarations du président français Emmanuel Macron à l’issue du sommet de Pau lors duquel il avait réuni, le 13 janvier 2020, les chefs d’État du G5 Sahel, la force Barkhane se targue d’avoir largement affaibli l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) et semble à nouveau se concentrer sur les groupes affiliés à al-Qaïda, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et la katiba Macina, dans le centre du Mali.

Pourtant, le groupe désigné comme l’ennemi numéro un de la lutte antiterroriste menée par Barkhane et les forces armées des pays du G5 Sahel dans cette région paraît plus actif et meurtrier que jamais. Pis, il semble désormais avoir pris pour stratégie principale de cibler en priorité les civils. Les attaques qui ont endeuillé le Niger en sont la preuve la plus récente. Le 15 mars, au moins 66 personnes – des civils – ont été tuées lors d’un raid mené contre plusieurs villages de la commune de Tillia, dans le Tillabéri, près de la frontière avec le Mali. Dimanche 21 mars, ce sont au moins 137 victimes qui ont perdu la vie dans des attaques visant des villages de la région voisine de Tahoua.

Depuis que l’EIGS, né en 2015 d’une scission avec le groupe jihadiste Al-Mourabitoune, sévit dans cette région du Sahel, il a mené plus de 800 attaques. Face à cet ennemi qui demeure insaisissable, plusieurs stratégies ont été adoptées. Aucune n’est pour l’heure parvenue à en terminer avec cette menace. État des lieux en infographies.

En septembre 2016, un an et demi après avoir prêté allégeance à l’État islamique, l’EIGS revendique sa première attaque contre le poste de douane de Markoye, au Burkina Faso. Un douanier et un civil sont tués. Le mouvement dirigé par Al-Sahraoui, encore isolé dans une zone dominée par al-Qaïda, commence cependant à faire parler de lui en multipliant les offensives. Selon l’Institut français des relations internationales, il ne serait composé que de quelques dizaines de combattants actifs, essentiellement des Maliens situés dans la région de Gao.

À la mi-2017, l’EIGS est réellement considéré comme une menace. Le mouvement se concentre alors à la frontière entre le Niger et le Mali. L’armée nigérienne et les forces françaises de Barkhane lancent une offensive dans la région, avec l’aide du Mouvement pour le salut de l’Azawad (MSA) et du Groupe autodéfense touareg imghad et alliés (Gatia), des groupes armés alliés à Bamako. Les jihadistes reculent, mais les massacres intercommunautaires se multiplient et le nombre de victimes civiles augmente. Dans le même temps, l’EIGS, s’appuyant notamment sur les conflits intercommunautaires, recrute de nouveaux alliés.

En juillet 2018, devant l’escalade des attaques dont les bilans ne cessent de s’alourdir, Niamey rompt son alliance avec les groupes armés maliens et Barkhane en fait autant de son côté peu après. Dans le même temps, Mahamadou Issoufou met en place une stratégie de sensibilisation des communautés sous l’égide de la Haute Autorité à la consolidation de la paix (HACP) dans le but de regagner la confiance des populations. Mais les attaques de l’EIGS ne font qu’empirer, le groupe prenant notamment pour cibles des responsables locaux proches du gouvernement. Fin 2019, Issoufou revient à une approche militaire plus appuyée, menant des opérations massives avec le soutien de la France. Le nombre de victimes augmente encore. Les civils, victimes d’exactions de la part des jihadistes comme des militaires, paient un lourd tribut.

Réunis en janvier lors du sommet de Pau, en France, les chefs d’État des pays du G5 Sahel et leur homologue français décident de se concentrer sur l’EIGS. Emmanuel Macron envoie 600 militaires supplémentaires pour renforcer la force Barkhane, dont le contingent atteint 5 100 membres. Les opérations militaires Monclar et Bourrasque sont lancées conjointement avec les forces du G5 Sahel, mobilisant 8 000 hommes, dont 3 000 soldats sahéliens.

Dans le même temps, le GSIM et l’EIGS, qui avaient maintenu jusque-là une forme de modus vivendi, commencent à se disputer le contrôle du territoire. Ces affrontements entre groupes jihadistes vont faciliter les opérations menées par la force Barkhane, qui se targue d’avoir remporté des succès tactiques notables pendant la même période.

Après dix mois de campagne ciblant principalement l’EIGS, les forces françaises semblent se concentrer à nouveau sur le GSIM. Barkhane annonce avoir tué plusieurs hauts responsables de ce groupe. Lors du sommet du G5 Sahel à N’Djamena, ce 16 février, le président Idriss Déby Itno annonce l’envoi de 1 000 soldats tchadiens dans la zone. 

Les attaques ciblant les civils n’en continuent pas moins à monter en intensité, et les journées de deuil national à se répéter à un rythme inquiétant.