Burkina Faso : Stanislas Bénéwendé Sankara,
le ministre qui met les promoteurs immobiliers au pas
En stoppant les opérations immobilières, le ministre de l’Urbanisme a jeté un pavé dans la mare. Il doit maintenant assainir un secteur considéré comme une « bombe sociale ».
Alors que le programme présidentiel de 40 000 logements sociaux et économiques, lancé en 2017, connaît un bilan mitigé avec seulement 6 000 maisons livrées, le sankariste Stanislas Bénéwendé Sankara, nommé ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme le 10 janvier dernier, entend faire le ménage dans ce secteur, considéré comme le nouveau paradis des investisseurs locaux.
Dans son viseur, la promotion immobilière, en plein boom avec au moins 275 agréments octroyés et plus de 50 entreprises qui mènent de front 97 projets dans les communes environnantes du Grand Ouaga. « Ils disposent des terres sans autorisation », assure Yacouba Dié, coordinateur du programme national de logements, selon lequel d’importants manquements ont déjà été recensés pour treize projets en cours d’exécution.
Pour assainir le secteur, une commission interministérielle a vu le jour. Sa mission : proposer d’ici au début du mois de juin des mesures conservatoires d’urgence avant les réformes globales du foncier qui impliquent huit départements ministériels. En attendant, le ministre a décidé, le 9 février, la suspension des opérations de promotion immobilière.
Des textes trop nombreux et inefficaces
« Notre décision de suspendre le traitement des dossiers fonciers permet d’aplanir et de corriger les défauts » explique à JA l’avocat et homme politique, selon lequel la mesure est saluée par « ceux qui se donnent les moyens d’exercer dans les règles ». Le ministre reconnaît toutefois qu’il existe un risque que des professionnels peu scrupuleux continuent d’agir dans l’illégalité, espérant avoir gain de cause plus tard.
Dans son vaste projet de réforme du secteur, Me Sankara entend également lutter contre l’inflation législative. « On se retrouve avec beaucoup de textes inefficaces car les acteurs peuvent les contourner », fustige-t-il, prenant en exemple la réforme agraire et foncière, portée par le ministère des Finances, qu’il juge « dévoyée ». Selon lui, trop d’acteurs différents (Mines, Finances, Environnent, etc.) interviennent dans le secteur foncier.
En 2016, une enquête diligentée par le Parlement avait pointé du doigt la question foncière, estimant que plus de 10 000 terrains avaient été attribués de façon illégale ou utilisés à des fins de spéculation par certaines compagnies, dont l’une appartenait à Alizéta Ouédraogo, proche de l’ancien président Blaise Compaoré. La commission d’enquête avait demandé que des poursuites soient engagées contre les élus présumés impliqués dans ces attributions, sans résultat à ce jour.
Vaste programme d’investissement
« Je ne suis pas à même de savoir où en est la procédure judiciaire. Je peux simplement affirmer que le Parlement exigeait réellement des sanctions contre les auteurs de constructions illégales. L’autorité politique et administrative a-t-elle failli ? », s’interroge le président du parti sankariste UNIR/PS qui assure travailler « à prendre en compte les recommandations du Parlement dans les réformes » et s’engage à « faire faire un bilan du secteur et [à] rendre opérationnel le contrôle ».
L’Institut Free Afrik – une ONG basée à Ouagadougou qui propose formations, recherches et études économiques pour l’Afrique – veut croire à la bonne volonté du ministre. « Le dévoiement complet des politiques de lotissements a entraîné une expansion inégale, incontrôlée et ingérable de la ville de Ouagadougou », souligne son directeur, Seydou Ouédraogo dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. Ce dernier s’interroge pourtant sur la suspension des lotissements et se demande quelle sera la suite de cette mesure.
De son côté, Stanislas Bénéwendé Sankara met en avant un vaste programme d’investissement estimé à 1 000 milliards de F CFA (1,5 milliard d’euros) d’ici à 2025, destiné principalement à moderniser la physionomie de la capitale. Affirmant que ces ressources seront mobilisées auprès des bailleurs de fonds comme l’ONU-Habitat ou des privés via des partenariats publics et privés, il cite un projet d’aménagement de zones d’activités spécifiques dans le Grand Ouaga (200 milliards de F CFA) ou encore le déblocage d’une enveloppe de 100 milliards pour la construction d’une cité résidentielle dans le quartier périphérique de Lanoyiri. Selon le ministre, 10 % des maisons construites seront attribuées aux populations démunies de la zone.