Algérie : prison ferme et coupure d’internet au menu du bac

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Mis à jour le 24 juin 2021 à 16h45
 
 

Par  Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

Glez
Pour endiguer la triche au baccalauréat dont les épreuves s’achèvent, les autorités algériennes n’y sont pas allées avec le dos de la cuillère répressive. Des mesures que certains jugent trop radicales…

Echaudés par une session 2016 du bac entachée par une fraude massive, les responsables du secteur éducatif algérien ont, depuis, mis en place un mécanisme répressif draconien.

Car, avec l’avènement d’internet, la triche ne consiste plus à se faire remplacer le jour J par un jumeau plus compétent ou à dissimuler une artisanale antisèche dans des endroits inédits. Alors que les 731 000 candidats de 2021 planchaient sur les épreuves, du 20 juin au 24 juin, la justice a tenu à sanctionner très rapidement des diffuseurs de sujets.

Trente-et-une personnes ont ainsi été condamnées à de la prison ferme pour fraude au bac. Leurs peines s’échelonnent de six mois à trois ans d’emprisonnement et sont accompagnées d’amendes salées, indiquait mercredi un communiqué du ministère de la Justice. Au total, 84 individus ont été poursuivis et 40 placés sous mandat de dépôt. Tous sont accusés de « délit de diffusion de sujets d’examens et de corrigés types du baccalauréat par le biais de moyens de communication à distance ». En clair, de les avoir fait fuiter sur les réseaux sociaux.

Impact économique

Si les sanctions peuvent paraître aussi précipitées que radicales, de telles peines de prison sont prévues dans les législations de pays pas particulièrement considérés comme autocratiques. Si le candidat fraudeur n’est en général sanctionné que par un blâme, une interdiction de participer à tout examen, ou de s’inscrire dans un établissement public du supérieur pendant plusieurs années, ceux qui sont chargés de préserver la confidentialité des sujets n’ont pas l’excuse du stress. Or, cette confidentialité est le gage de l’égalité formelle des candidats face à l’épreuve.

Mais c’est moins le recours à l’incarcération qui agace actuellement nombre d’Algériens que le deuxième volet de la répression : les coupures d’internet. Pour la cinquième année consécutive, les infractions au bac ayant été détectées par l’organisme chargé de la lutte contre la cybercriminalité, la période des examens entraîne un blocage des réseaux sociaux et d’autres perturbations d’internet à travers tout le pays. Objectif officiel : contrecarrer l’usage de tout matériel connecté dans les centres d’examens.

Alors que ces mesures n’ont pas endigué la triche, depuis 2016, les professionnels des technologies de l’information et de la communication s’insurgent contre une prévention particulièrement problématique en cette période de pandémie incitant les Algériens au télétravail. Et l’impact économique se fait sentir jusqu’au secteur commercial. Pour Mustapha Zebdi, le président de l’Association de protection des consommateurs cité par l’AFP, la neutralisation d’internet est une « démarche inacceptable ». Et les plus politisés des observateurs ne résistent pas à la tentation de faire le lien avec la volonté d’anesthésier la mobilisation du Hirak…