Bourse : cinq choses à savoir sur Félix Edoh Kossi Amenounvé,
premier Africain coopté comme conseiller du Nasdaq
Félix Edoh Kossi Amenounvé (Togo), directeur général de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) d'Abidjan,
à Paris, le 30 septembre 2013. © Photo de Vincent Fournier/Jeune Afrique.
Le directeur général de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) intègre l’un des comités consultatifs du Nasdaq, la Bourse d’actions américaine. La reconnaissance d’une carrière de vingt-cinq ans dans le monde bancaire ouest-africain.
Cette nomination, annoncée à l’intéressé par e-mail fin juillet, prend la forme d’une distinction pour le Togolais Félix Edoh Kossi Amenounvé. À 54 ans, le directeur général de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), commune aux huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), intègre le Nasdaq Exchange Review Council, anciennement appelé le Nasdaq Listing and Hearing Review Council.
Connu des initiés au monde de la finance, ce comité consultatif, placé auprès de la célèbre institution boursière américaine, s’assure de l’application des règles de marché sur les quatre Bourses du Nasdaq (à savoir Nasdaq USA, Nasdaq Nordic, Nasdaq Baltic et Nasdaq Dubai). Un nouveau mandat, aussi technique que prestigieux, qui court jusqu’en 2024.
Il s’ajoute au pilotage de la BRVM, un poste que Félix Edoh Kossi Amenounvé occupe depuis 2012, alors qu’il a été reconduit fin 2020 à la tête de l’Association des Bourses des valeurs africaines (African Securities Exchanges Association, Asea).
1 – Premier Africain à rejoindre le Nasdaq
Composé de personnalités de la finance américaine, l’Exchange Review Council est un comité technique qui examine les sujets à transmettre au conseil d’administration des Bourses du Nasdaq, le plus important marché d’actions des États-Unis en volume traité, comptant plus de 5 000 entreprises cotées. Il se réunit a minima quatre fois par an.
C’est dans le cadre d’une réforme visant à ouvrir ce comité aux membres de pays émergents que la candidature du patron de la BRVM a été retenue. Il devient le premier Africain à intégrer cette cellule hautement technique. Sa nomination salue plus de vingt années d’expérience dans le monde bancaire : après des débuts comme directeur général de Société de Bourse à Lomé (SGI Togo), Félix Edoh Kossi Amenounvé a occupé les fonctions, entre autres, de président de la société de gestion d’OPCVM (SGO) Opti Asset Management et de secrétaire général du Conseil régional de l’épargne publique et des marchés financiers (CREPMF, l’autorité de régulation de l’UEMOA), avant ses mandats à la BRVM et à l’Asea.
2 – Fruit du système éducatif togolais
Originaire de la Région maritime, à la frontière avec le Bénin, et fils de directeurs d’école primaire, le DG de la BRVM fait une grande partie de sa scolarité au sein du système éducatif togolais, jusqu’à sa maîtrise en sciences économiques à l’Université de Lomé, dont il sort major de promotion. Pour parfaire sa formation, il choisit le Canada, où il décroche un MBA puis un doctorat (en administration, option finance) à l’Université Laval, avant de rentrer au pays pour travailler dans la banque publique UTB, puis contribuer à fonder la SGI Togo.
Depuis sa prise de fonctions, en septembre 2012, à la tête de la BRVM, où il était entré en 1997 comme assistant de Lamseh Alexis Looky, le premier président de l’institution, cet amateur de golf – membre de l’Ivoire Golf Club d’Abidjan – maintient un lien avec son pays et y séjourne régulièrement.
3 – Interconnexion des Bourses africaines
Depuis plusieurs années, Félix Edoh Kossi Amenounvé travaille à l’intégration des Bourses africaines.
Son engagement a commencé au niveau de la Cedeao, en tant que président du conseil d’intégration des Bourses de la zone. Il se poursuit aujourd’hui à la tête de l’Asea, dont il a été vice-président avant d’en prendre la tête, en avril 2020, puis d’être reconduit à ce poste, en novembre. C’est à ce titre qu’il a signé, le 30 juillet, un contrat avec la société émirati de technologie financière DirectFN pour mettre en place une plateforme devant connecter sept Bourses africaines : Casablanca, Le Caire, la BRVM, Lagos, Nairobi, Maurice et Johannesburg.
Porté par la Banque africaine de développement (BAD) et financé par la coopération sud-coréenne, ce projet, qui doit être opérationnel dans six mois, vise à améliorer la profondeur et la liquidité des places boursières du continent. Une expérience qui s’inspire et veut, à terme, aller au-delà du modèle européen d’Euronext.
4 – Modèles et réseaux éclectiques
Le parcours de l’économiste israélo-américain Stanley Fischer, qui a été gouverneur de la Banque d’Israël (2005-2013) et vice-président du conseil de la Réserve fédérale des États-Unis (2014-2017), est une source d’inspiration quotidienne pour le DG de la BRVM. Qui confie avoir aussi une grande admiration pour le Franco-Ivoirien Tidjane Thiam, l’ancien patron de Credit Suisse.
Ses mentors sont le Sénégalais Gabriel Fal, cofondateur de la BRVM et président du conseil d’administration de l’institution entre 2013 et 2015, décédé en 2019, et le successeur de ce dernier, le Sénégalais Pierre Goudiaby Atepa, qui a occupé le poste entre 2015 et 2018, avant d’être remplacé par l’Ivoirien Parfait Kouassi.
Quant à son réseau, il inclut l’actuel président de la BAD, le Nigérian Akinwumi Adesina, ainsi que ses prédécesseurs, le Rwandais Donald Kaberuka et le Marocain Omar Kabbaj, mais aussi le chef de l’État togolais, Faure Gnassingbé, et plusieurs membres de son gouvernement. Le banquier salue, en outre, le président ivoirien Alassane Ouattara et son homologue rwandais Paul Kagame comme exemples à suivre de dirigeants réformateurs.
5 – La BRVM milliardaire en dollars
Sous la houlette de Félix Edoh Kossi Amenounvé, la BRVM a franchi la barre des 20 milliards de dollars de capitalisation. Une performance réalisée grâce à la mise en œuvre d’une série de réformes, dont l’introduction de la notation, la mise en place du marché hypothécaire et de la titrisation et l’harmonisation de la fiscalité des valeurs mobilières, depuis son arrivée aux commandes de l’institution. En 2019, en marge de l’annonce de la fourniture d’une technologie de surveillance des marchés par le Nasdaq à la BRVM, l’opérateur américain avait présenté la place ouest-africaine comme étant « l’une des organisations supranationales les plus intégrées du monde ».
La modernisation se poursuit avec plusieurs projets en cours, dont l’ouverture d’un compartiment dédié aux PME de la région et, surtout, la création d’un marché minier pour permettre aux entreprises de lever des fonds sur la base de leurs permis.