L'Algérie annonce la rupture de ses relations diplomatiques avec le Maroc

Le ministre des Affaires étrangères algérien Ramtane Lamamra lors de sa conférence de presse à Alger le 24 août 2021.
Le ministre des Affaires étrangères algérien Ramtane Lamamra lors de sa conférence de presse à Alger le 24 août 2021. AFP - -

Le ministre algérien des Affaires étrangères a déclaré en conférence de presse, ce mardi 24 août 2021, que le Maroc se prêtait à des « actions hostiles » envers son pays. Alger annonce la rupture immédiate de ses relations diplomatiques avec Rabat.

« L’Algérie a décidé de rompre les relations diplomatiques avec le Royaume du Maroc à partir de ce jour », a-t-on appris ce mardi par l'intermédiaire du chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra, lors d'une conférence de presse. 

Le Maroc n'a pas tardé à réagir, regrettant dans un communiqué une décision « complètement injustifiée », et rejetant « les prétextes fallacieux, voire absurdes, qui la sous-tendent ».

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Le ministre algérien des Affaires étrangères a justifié le choix de son gouvernement par le fait que « l'histoire avait montré que le Royaume du Maroc n'a jamais cessé de mener des actions hostiles à l'encontre de l'Algérie ».

Selon lui, les dirigeants du Royaume marocain, limitrophe de la République algérienne, portent « la responsabilité des crises répétées, qui se sont aggravées » et provoquent, dit-il, « le conflit au lieu de l'intégration » dans tout le Maghreb.

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Si les tensions entre ces deux pays sont anciennes, la pression était montée d'un cran mercredi, lorsque le Haut Conseil de sécurité, présidé par le président algérien Abdelmadjid Tebboune, avait décidé de réfléchir à ses relations futures avec Rabat.

L'Algérie avait accusé la semaine dernière son voisin d'être lié aux incendies meurtriers qui ont ravagé son territoire. Dans un communiqué, Alger dénonce « les actes hostiles incessants perpétrés par le Maroc contre l'Algérie ».

Aux yeux d'Alger, ces feux dévastateurs sont criminels, le fait de groupes qualifiés de terroristes. Les autorités algériennes pointent du doigt le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie, une organisation considérée comme terroriste en Algérie, et qui recevrait, selon la présidence algérienne, le soutien du Maroc. 

Le chef de la diplomatie algérienne accuse aussi le Maroc d'avoir espionné des responsables algériens et d'avoir failli à ses obligations bilatérales, entre autres concernant le Sahara occidental, où Alger soutient le Front Polisario. Et de promettre une « intensification des contrôles sécuritaires aux frontières ouest », qui sont fermées depuis 1994.

La rupture des relations diplomatiques est entrée dans les faits aussitôt. Mais les consulats dans les deux pays resteront ouverts, a précisé M. Lamamra.

Cette décision est la marque d'un durcissement politique et d'une certaine fébrilité en Algérie, estime Pierre Vermeren, professeur d'histoire contemporaine à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et spécialiste du Maghreb

Algérie-Maroc: des relations de voisinage loin d'être au beau fixe

Des décennies de tensions ont animé les relations des deux poids lourds d'Afrique du Nord. En cause : le Sahara occidental, qui oppose le Maroc aux indépendantistes du Front Polisario, soutenus par l'Algérie, depuis le départ des colons espagnols dans les années 1970. Rabat contrôle environ 80 % de ce territoire de discorde, et propose un plan d'autonomie de la région sous sa souveraineté.

Si les difficultés ont commencé dès les années 1960, les premiers à avoir rompu les relations sont les Marocains. C'était en 1976. Rabat entendait protester contre la reconnaissance, par Alger, de la République arabe sahraouie démocratique du Front Polisario. En 1994, le président algérien Liamine Zeroual remuait la plaie, déclarant qu'il restait en Afrique « un pays illégalement occupé ».

C'est à cette époque que le Maroc instaure un visa d'entrée pour les Algériens, suite à l'attaque d'un hôtel de Marrakech ayant causé la mort de deux touristes espagnols, tués par des islamistes franco-maghrébins. Rabat accuse alors les services algériens d'être derrière l'attentat et l'Algérie ferme sa frontière. Il faudra attendre la mort d'Hassan II, en 1999, pour voir un début de détente : le chef de l'État algérien vient aux obsèques.

Peu après cependant, un massacre fait 29 morts en Algérie. Fin du rapprochement : Abdelaziz Bouteflika accuse le Maroc de faciliter l'infiltration d'islamistes armés. Le dégel restera dans les cartons jusqu'en 2005. Alors, une série de rencontres avec Mohammed VI survient. Mais fin 2020, les États-Unis reconnaissent la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental pour remercier le Maroc d'avoir normalisé ses relations avec Israël. L'Algérie dénonce des « manœuvres étrangères ».

Alger, pour qui il s'agit d'un « conflit colonial », demande l'« application du droit international ». Mais le Maroc fait désormais pression sur l'Europe pour qu'elle reconnaisse sa souveraineté sur le Sahara occidental, d'où la crise de Ceuta avec Madrid, lorsque l'Espagne a accepté de soigner sur son sol un chef sahraoui.

La ligne rouge est franchie pour Alger lorsque le Maroc exprime son soutien au séparatisme kabyle, région berbérophone du nord-est de l'Algérie. Fin juillet, l'ambassadeur algérien à Rabat est rappelé pour consultations. Le 18 août, l'Algérie accuse le Maroc d'être impliqué dans les incendies qui ravagent la Kabylie, avant de rompre les relations diplomatiques une semaine plus tard.

(Avec agences)