Burkina Faso : entre Roch Marc Christian Kaboré et Eddie Komboïgo, le bras de fer est engagé
Le chef de l’opposition burkinabè vient de lancer un ultimatum au président. Eddie Komboïgo laisse un mois à Roch Marc Christian Kaboré pour mettre fin aux actions sanglantes des groupes terroristes. Ou il appellera ses partisans à descendre dans la rue.
Au lendemain de l’attaque meurtrière d’Inata qui a fait au moins vingt morts dans les rangs de l’armée burkinabè dimanche 14 novembre, Roch Marc Christian Kaboré se sent-il sous pression ? Ce nouveau drame tombe en tout cas on ne peut plus mal. En plus d’aiguiser tristesse et colère au sein d’une population régulièrement en deuil, il donne du grain à moudre au patron de l’opposition. Cinq jours plus tôt, mardi 9 novembre, Eddie Komboïgo avait fait de l’insécurité une arme politique. Le chef du parti de l’ancien président Blaise Compaoré, le Congrès pour la démocratie et la paix (CDP) avait musclé le ton face à l’exécutif, dénonçant son apathie devant les attaques terroristes qui frappent des pans entiers du pays.
Mission impossible pour le président ? Komboïgo a demandé à Kaboré de faire en un mois ce que personne n’est parvenu à réaliser en dix années au Sahel : mettre fin aux violences des groupes terroristes. Le leader d’opposition menace en tout cas de faire descendre ses partisans dans la rue. « Si rien de concret ni de sérieux n’est entrepris d’ici là, l’opposition appellera à des manifestations pour réclamer la démission immédiate du président du Faso et de son gouvernement », a-t-il annoncé. Confronté aux groupes affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique depuis ces cinq dernières années, le Burkina connaît une dégradation grave de sa situation sécuritaire, constate l’opposition qui exige donc des mesures urgentes.
Affaire politique
Depuis l’attaque sanglante de Solhan qui a fait 132 victimes en juin dernier, l’armée burkinabè peine à contenir l’avancée de ces groupes armés. Alors que le pays était déjà en proie aux violences dans le Nord et l’Est, un nouveau front a vu le jour dans la région de Mangodara, près de Banfora, dans le Sud-Ouest frontalier de la Côte d’Ivoire. Les exactions causées par les hommes armés ont fait plus de 2 000 morts depuis 2015 et contraint plus d’1,4 million de personnes à fuir de chez elles, notamment dans le Sahel et le Nord du pays.
Récemment, le gouvernement appelait à un « sursaut patriotique » contre les groupes terroristes. « Je demande aux forces armées nationales de se mobiliser pour lancer l’offensive décisive en vue de reprendre le contrôle de tout le territoire national », a déclaré le ministre de la Défense, le général Aimé Barthélemy Simporé, lors de la commémoration du 61e anniversaire de la création de l’armée burkinabè.
Si le président Kaboré n’a pas officiellement réagi aux menaces proférées par son principal opposant, ses partisans s’en sont chargés. Réponse du berger à la bergère : c’est le président de l’Assemblée nationale, Allassane Bala Sakandé, qui a haussé le ton lors d’une réunion du bureau politique du parti présidentiel. « Nous entendons des gens qui prédisent le chaos. Il n’y aura pas de coup d’État car les forces de défense et de sécurité (FDS) sont républicaines, a-t-il affirmé ». « Eddie Komboïgo essaie de mettre la pression sur l’exécutif, commente un observateur avisé de la politique burkinabè. Mais il est impossible de régler cette question d’insécurité en si peu de temps. » Un simple stratagème politique ? À quatre ans de la prochaine présidentielle, le bras de fer est déjà engagé.