Réaction de la Commission "Rencontre et Dialogue Interreligieux"
des Missionnaires d'Afrique de la province Burkina
au sujet des "Caricatures de Mahomet"

A l'occasion de leur session de février 2006, les membres de la Commission "Rencontre et Dialogue Interreligieux" des Missionnaires d’Afrique au Burkina Faso ont réagi à propos d’un sujet qui bouleverse actuellement le monde musulman dans son ensemble, partout dans le monde : l’affaire des caricatures du Prophète Mahomet.

Un journal danois d'extrême droite, se disant chrétien, a publié 12 caricatures du Prophète de l'islam, Mohammed. C'est après une visite d'une délégation musulmane danoise en Arabie Saoudite que la nouvelle des faits, qui se sont passés en septembre 2005, a été diffusée par les médias arabes et occidentaux. Du côté européen, plusieurs journaux ont reproduit quelques-unes de ces caricatures. On y voit, entre autres, le Prophète Mohammed avec une bombe dans son turban. L'image suggère l'amalgame entre l'islam et le terrorisme.

Alors qu'en Europe les médias s'appuient sur la liberté d'expression comme principe de la démocratie, dans beaucoup de pays à majorité musulmane, les réactions ont été violentes à travers des manifestations dont certaines ont provoqué de nombreuses pertes de vies humaines.

En voici un exemple cité par l'agence Zenit du 21 février 2006 qui reproduit ce que dit l'agence Fidès au Nigeria : « Le 18 février, dans la capitale du Borno (Nord-Est Nigeria), à Maiduguru, de graves violences ont provoqué au moins 15 morts parmi lesquels l'abbé Michaël Gajere, un prêtre local. Quatre églises catholiques ont été brûlées ainsi que la résidence de l'évêque, Mgr. Matthew Manoso Ndagoso, et des structures d'autres confessions chrétiennes, et d'autres habitations de fidèles chrétiens.

… La religion, comme il est arrivé dans un passé récent, est instrumentalisée pour des raisons politiques. Ceux qui fomentent ces désordres sont des extrémistes qui ne représentent pas la majorité des musulmans qui, au contraire, désirent vivre en paix. Il y a aussi des éléments criminels qui s'insèrent pour voler les habitations et qui mettent le feu pour effacer ensuite les traces de leurs crimes.

Les journaux nigérians n'ont pas accordé une grande importance aux affrontements de Maiduguri afin de chercher à calmer les esprits et d’éviter de nouvelles violences dans d'autres zones du pays. »

Fidès (Agence de presse locale) précise également que les violences ont été condamnées par le secrétaire général du Conseil suprême nigérian pour les affaires islamiques, Lateef Adebite, qui a déclaré : « Ce n'est pas aux musulmans de prendre la vie de personnes innocentes et de se laisser aller à des destructions matérielles. Les non musulmans du Nigeria n'ont rien à voir avec la publication des caricatures. »

Nos réactions dans la Commission ont été les suivantes :

  • D'une part, nous réprouvons l'inconscience des journalistes de ces médias occidentaux qui ont provoqué un tel raz-de-marée de protestations du monde de l'islam. C'est une ignorance "crasse" que d'ignorer l'importance que revêt le Prophète Mohammed pour un musulman. C'est pour lui un blasphème de le représenter et de le ridiculiser, de même que de s'attaquer au Coran, qui sont les symboles même de la foi islamique. La foi de plus d'un milliard de fidèles musulmans a été blessée, eux qui ne citent pas le nom du Prophète sans ajouter : « La paix et la bénédiction de Dieu soient sur lui ! »

Ces journalistes n'ont pas saisi que c'est un devoir de la "Commanderie du bien" (sourate 3, 110) que de défendre l'islam lorsqu'il est attaqué. Il s'agit pour tout musulman de répondre à l'injonction du Coran en Sourate 3, 104 d'encourager et d'éviter le mal.

Beaucoup de pays ont réagi par des marches pacifiques de protestations ou des démarches diplomatiques. Les musulmans du Burkina ont été exemplaires en envoyant une délégation à l'ambassade du Danemark à Ouagadougou, le jeudi 09 février 2006, avec une lettre de protestation.

  • D'autre part, nous déplorons les amalgames qui se sont faits d'un côté comme de l'autre et nous disons :

NON à l'amalgame entre l'islam et le terrorisme !

NON à l'amalgame entre l'Occident et le Christianisme !

NON à l'emploi des médias pour ajouter de l'huile sur le feu !

NON à l'instrumentalisation de la religion à des fins politiques ou financières ! Ces évènements profitent aux intégristes de tout bord.

Il faut bien reconnaître que beaucoup de grands médias européens, évoquant le droit à la liberté totale d'expression, dans une ambiance de laïcisme et de permissivité totale, sont prêts à caricaturer n'importe quoi et n'importe qui pourvu que cela fasse du bruit et de la vente !

Nous faisons nôtre les paroles du pape Benoît XVI : « Il est nécessaire et urgent que les religions et leurs symboles soient respectés et que les croyants ne soient pas l'objet de provocations blessant leur démarche et leurs sentiments religieux. Cependant, l'intolérance et la violence ne peuvent jamais se justifier comme des réponses aux offenses, car ce ne sont pas des réponses compatibles avec les principes sacrés de la religion ; c'est pourquoi, on ne peut que déplorer les actions de ceux qui profitent délibérément de l'offense causée aux sentiments religieux pour fomenter des actes violents, d'autant plus que cela se produit à des fins étrangères à la religion »… « La seule voie possible, pour Benoît XVI est celle du respect des convictions et des pratiques religieuses d'autrui, afin que, de manière réciproque dans toutes les sociétés, soit réellement assuré pour chacun l'exercice de la religion librement choisie. »

Nous voulons croire que, de part et d'autre, il y a des hommes de paix et c'est ensemble que nous voulons construire un monde avec plus de Justice et de Paix. Comme le dit le Père Michel Carbonneau, dans son éditorial de "Mission", revue des Missionnaires d'Afrique du Canada de Janvier 2006 : « Si nous voulons passer d'une culture de la guerre à une culture de la paix, nous devons reconnaître que toutes les religions du monde ont un rôle essentiel à jouer, car le dialogue interreligieux conduit à une meilleure connaissance mutuelle. Il est source de confiance entre croyants de diverses religions. Il constitue une étape importante pour fonder la paix sur des bases solides. »

Aujourd'hui, le danger est grand de prendre prétexte d’évènements tels que ceux que nous vivons avec les caricatures de Mohammed pour attiser à nouveau la haine entre les religions et les cultures. Ne tombons pas dans ce piège !

Que Dieu Unique que nous adorons tous, chrétiens et musulmans, nous soit en aide !



Fait à Ouagadougou, le samedi 25 février 2006
La commission Rencontre et Dialogue Interreligieux des Missionnaires d'Afrique


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