Missionnaires d'Afrique
Anselme Tarpaga
Rome
Passer de “je fais l’animation” à “nous faisons l’animation”
En acceptant la demande d’écrire quelque chose sur l’animation missionnaire et l’internet, je sais bien que je prends le risque de parler d’une fonction que je n’ai jamais occupée d’une façon officielle ni officieuse. Mais je voudrais d’abord dire à l’endroit des animateurs vocationnels que je vois ma réflexion comme un partage sur un thème qui concerne toute notre Société missionnaire et tous ses membres. Car dans le domaine de l’animation vocationnelle, il s’agit avant tout de la survie de notre Société ; et cette survie est l’affaire de tout un chacun, pas seulement de quelques confrères délégués.
Je voudrais commencer par un simple exercice que chacun d’entre nous peut faire tout en étant assis devant son ordinateur. Je tape dans mon moteur de recherche Google “Missionnaires d’Afrique”. Google me donne 2 350 000 résultats ! Je continue à m’amuser en faisant la même chose avec d’autres mots clefs. Le tableau suivant vous donne les résultats que j’ai trouvés.
Personnellement, je trouve que ces résultats sont bons, et que notre présence sur le Web en général mériterait une mention “bien”, voire même “très bien” vue la taille de notre Société. Je ne m’attendais pas à avoir des résultats qui avoisinent ceux des jésuites ou des salésiens qui sont partout dans le monde. Mais être au delà du million est satisfaisant. Il ne faut pas oublier que ce n’est qu’une recherche par “mot-clef” avec toutes les limites que cela suppose. C’est une recherche qui n’a pas pris en compte aussi les entrées en d’autres langues : polonais, espagnols, portugais ou hindi.
Je continue mon exercice. Cette fois-ci, j’écris mes mots clefs dans le moteur de recherche d’un réseau social. Je prends le plus populaire : Facebook ! J’utilise les mêmes mots clefs. Résultats :
À la fin de cette deuxième recherche, je crois que notre note, gagnée en fin de la première recherche, va dégringoler en dessous de la mention “bien” ! Nous n’avons aucune page officielle de la Société en général, ni celle d’une Province particulière. Seul le secteur des Philippines se montre actif sur les réseaux sociaux. Nous avons des résultats en Afrique, mais ce sont seulement des groupes privés créés pour garder des relations entre missionnaires stagiaires ou confrères.
Comment être davantage présents sur le Net ?
À partir de ce constat, on pourrait se poser quelques questions : pourquoi cette quasi-absence dans un monde qui compte plus de 1,2 milliard d’utilisateurs ? Avons-nous des problèmes pour dépasser nos préjugés ou pour aller au-delà des moyens traditionnels de communication ?
Pour moi, je crois que la première chose à faire serait de briser nos clichés et d’accepter les réseaux sociaux comme “un don de Dieu qui peut favoriser l’unité des personnes” et non comme un problème. C’est un monde merveilleux qui est à la fois l’aboutissement et le départ de plusieurs rencontres humaines positives. Le pape Benoît XVI, dans son dernier message délivré à l’occasion de la journée mondiale de la communication, disait que c’est un lieu où “les personnes participent à construire des relations et à trouver de l’amitié, dans la recherche de réponses à leurs questions, en se divertissant mais aussi en se stimulant intellectuellement et dans le souci du partage des compétences et des connaissances.”
Le réseau social est un lieu d’amitié. La vocation à la vie consacrée est aussi et avant tout une histoire d’amitié et d’amour entre Jésus et le candidat. Jésus, en son temps, est sorti du cercle “des bons types” du temple pour rejoindre les hommes aux bords du lac et leur proposer de le suivre. Et les bords du lac où se passe la vie aujourd’hui, ce sont les réseaux sociaux. Il est impératif, à mon avis, que nous élargissions nos espaces d’animation missionnaire vers ces lieux. Cela ne veut pas dire que l’animation traditionnelle de contacts est révolue. Pas du tout. Mais ne viser que des jeunes “vierges de l’internet” n’a pas de sens. On doit viser tous les jeunes. Ce n’est pas non plus une question de mode ou du snobisme, mais, comme l’a encore dit le pape dans son message, c’est “justement pour permettre à l’infinie richesse de l’Évangile de trouver des formes d’expression qui soient en mesure d’atteindre les esprits et les cœurs de tous.”
Un proverbe moaga dit : “Un seul doigt ne ramasse pas de la farine” ! La force de l’internet et, en l’occurrence, des réseaux sociaux est sa capacité de mobiliser plusieurs personnes sur un même objectif, et ce, malgré les distances qui les séparent. L’animation missionnaire peut bénéficier de la force du “networking” de tous les confrères présents sur les réseaux sociaux si nous construisons quelque chose de solide dans ce sens.
Cependant, il faut le reconnaître, les réseaux sociaux ont un danger qui est aussi un défi. En homme religieux, il nous faut résister au danger du sensationnalisme vide, et de la course vers l’instantanéité de l’information sans fondement. Il faut que nos contenus soient soignés avec des images qui parlent sur la forme et sur le fond. Il faut aussi que les messages postés soient précédés d’un discernement ou d’une méditation afin que les gens puissent y trouver une source d’eau vive pour leurs âmes.
Avec les réseaux sociaux, on peut bien passer de “je fais l’animation” à “nous faisons l’animation” !
Anselme Tarpaga
Tiré du Petit Echo N° 1050 2014/4