Dévaluation du franc CFA : frayeurs autour d’une rumeur
Le vent de panique a été provoqué par un post Twitter montrant un changement dans la conversion d’un euro en franc CFA. Mais la BCEAO a démenti toute dévaluation de la monnaie africaine.
« 1 euro égale 658,83 francs CFA » : en début de semaine, un moteur de recherche semble indiquer qu’un euro ne coûterait plus 655,957 francs CFA, soit une augmentation de 0,438 % de la monnaie européenne et donc une baisse relative de la valeur de la monnaie ouest-africaine. Le cours du franc CFA étant officiellement arrimé à celui de l’euro avec un taux de parité fixe, la diminution éventuelle de la valeur de la devise africaine par rapport à la monnaie européenne ne saurait être le fruit d’une spéculation privée. Assistait-on, via Google devenu Wikileaks, à la révélation d’un changement de parité sur décision politique ? Le mot tabou émerge soudain sur les réseaux sociaux…
Machine complotiste
Présenté comme « comptable, fiscaliste, éco-entrepreneur » et « intégrateur de solutions de gestion d ’entreprises », le twittos @kabre13 diffuse la capture d’écran de l’euro à 658,83 CFA et lance la rumeur : « Sommes-nous en train d’assister tranquillement à une dévaluation du franc CFA ?! » Traumatisé par le spectre du 11 janvier 1994, jour de triste mémoire où le CFA avait été officiellement dévalué de 50 %, des internautes s’affolent. Et la machine à complots se met en marche : la condition d’une dévaluation étant le secret qui empêche la fuite des capitaux, le silence serait-il un indice accablant ?
Certes, si le changement de parité monétaire implique le silence, tout silence n’implique pas de changement de parité monétaire. Certains faits d’actualité récents constituent toutefois un terreau propice aux théories conspirationnistes : l’inflation alimentaire à deux chiffres, dès 2021, dans certains pays ouest-africains, le malaise sur des marchés sahéliens sanctionnés par la Cedeao, les effets possibles de la guerre menée par la Russie en Ukraine sur un continent africain qui importe près des deux tiers du blé qu’il consomme, l’incertitude sur le désarrimage futur de l’eco vis-à-vis de l’euro ou encore l’incendie, début février, de l’imprimerie de francs CFA de la ville de Chamalières, en France.
La réaction de la BCEAO
Relayant une émission « anticonformiste » du média français Sud-radio, l’internaute Aristide Sidibe met en garde : « La parité fixe euro-franc CFA risque d’être une victime collatérale des sanctions de l’Occident contre la Russie. Car cette inflation galopante des prix en Europe va inévitablement conduire à la dévaluation du franc CFA ».
Très rapidement, dans un communiqué daté du jeudi 10 février, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest monte au créneau. Catégorique, elle contredit la rumeur d’une dévaluation effective : « La BCEAO dément formellement cette information et précise que le taux de change entre l’euro et le franc CFA demeure inchangé, à savoir 1 euro = 655,957 F CFA ». Et l’organe sous-régional d’émission d’inviter « à la plus grande vigilance » en se référant quotidiennement à la rubrique « statistiques / cours des devises contre franc CFA » de son site internet.
Quid, alors, de la capture d’écran qui mit le feu aux poudres ? Elle pourrait s’expliquer par les effets des taux commerciaux de banques commerciales, de bureaux de change ou de compagnies de transfert d’argent en quête de profits, le tout combiné à des approximations d’algorithmes de moteur de recherche…