Benoît XVI et le dialogue interreligieux Durant une session de formation au dialogue interreligieux, les jeunes du noviciat des Missionnaires d’Afrique, à Samagan, ont demandé à connaître la position du pape Benoit XVI sur le dialogue interreligieux. Pourquoi cette question ? Parce qu’ils ont entendu que, désormais, le Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux (CPDI), est rattaché au Conseil Pontifical de la Culture. Une certaine presse (le Monde hebdo. du samedi 25 février, Henri Tincq) n’a pas manqué d’interpréter la nouvelle nomination de notre confrère, Monseigneur Michaël Fitzgerald, comme nonce apostolique en Egypte et délégué auprès de la Ligue Arabe, et l’événement présent comme une désapprobation de son action et un changement d’orientation du dialogue interreligieux. Qu’en est-il exactement, au moins officiellement ? Le communiqué officiel du 12 mars 2006 parle de changements à la Curie : « Le pape unit quatre conseils sous la présidence de deux cardinaux. » Pour ce qui est du dialogue interreligieux, voici ce qui est dit : « Le pape, afin de favoriser un dialogue plus intense entre les hommes de culture et les représentants des différentes religions, a uni, pour le moment, la présidence du Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux à celle du Conseil Pontifical de la Culture et, en conséquence, nommé le Cardinal Paul Poupard président du Conseil Pontifical pour le Dialogue Interreligieux. » Le Cardinal Poupard, 75 ans, avait déjà travaillé sous Jean XXIII et Paul VI à la Secrétairie d’Etat, et Jean Paul II l’avait nommé président du Secrétariat pour les non-croyants (1980) et président du Conseil Pontifical de la Culture dès sa création (1982). Quelle est la position de Benoît XVI aujourd’hui quant au dialogue interreligieux ?
A l’occasion de cette nouvelle nomination, le cardinal Poupard a déclaré (Zenit 13 mars 06) : « Je me souviens du 20 août dernier (05) : répondant à l’hommage du Président de l’Union Musulmane turque dans le cadre des journées mondiales de la jeunesse à Cologne, le Saint Père Benoît XVI avait répondu que « le dialogue interreligieux et interculturel est une nécessité vitale. »
Dans plusieurs interventions, Benoît XVI insiste sur cette réciprocité nécessaire. Le 20 février, en recevant Ali Achour, nouvel ambassadeur du Maroc auprès du Saint Siège, il lui a dit que « l’intolérance et la violence ne peuvent jamais se justifier comme des réponses aux offenses, » et que la seule bonne réponse est «le respect des convictions et des pratiques religieuses d’autrui, afin que, de manière réciproque, soit assuré pour chacun l’exercice de la religion librement choisie… » Timide évolution dans le respect de l’exercice de la religion Certes, on remarque un changement de langage avec une demande plus claire de réciprocité. Mais cela veut-il dire pour autant que l’esprit d’Assise est enterré ? Je ne pense pas. Cette demande de réciprocité sera-t-elle entendue par les partenaires du dialogue de l’islam ? Pour répondre à cette question, il faut se demander de quel genre d’islam il s’agit. Il y a l’islam et même des islams et aussi « les musulmans » avec une différence entre ce qu’ils vivent et ce qu’un certain islam orthodoxe prône. Ça et là, selon les pays musulmans, il y a de timides évolutions : en Algérie, au Maroc, en Tunisie, au Qatar. Le travail patient du dialogue islamo-chrétien du CPDI et de la diplomatie vaticane a permis la création de structures de dialogue. Cf. l’article du Père Maurice Borrmans de janvier 2005 dans la revue des prêtres diocésains de Paris, intitulé « Heurts et malheurs du dialogue islamo chrétien », qui fait état des relations islamo chrétiennes dans le monde d’aujourd’hui. Il y a des avancées certaines dans le sens de la réciprocité. L’université sunnite la plus renommée dans le monde musulman a une instance de dialogue avec l’Église catholique et l’Église anglicane. L’Iran a créé une instance de dialogue avec le Vatican. Il reste beaucoup à faire Il n’en reste pas moins que nous sommes loin du compte ! Il reste beaucoup à faire ! La réciprocité totale et entière sera d’ailleurs toujours bien difficile à admettre pour une communauté musulmane qui se considère comme porteuse de la dernière révélation donnée par Dieu à l’humanité et qui a peu à recevoir des autres religions rendues caduques par l’avènement de l’islam. Deux remarques en terminant :
Le dialogue est le fruit d’une lente maturation et d’une longue patience. Nos confrères Missionnaires d’Afrique, engagés avec d’autres dans l’Eglise en Afrique du Nord, peuvent en témoigner. Monseigneur Sanon a attendu 30 ans pour avoir une réponse de la Communauté musulmane de Bobo Dioulasso à ses messages d’amitié à la fin de chaque Ramadan ! Il l’a reçu en décembre 2005.
Il n’a pas attendu notre « réciprocité » ! |