Missionnaires d'Afrique

Nnyombi Richard, M. Afr
Ouganda

Fête des Martyrs de l'Ouganda
3 juin 2014
FORTS POUR LE COMBAT

Sur les traces de Saint Charles Lwanga, au service de la Jeunesse

Lwanga and Kizito (by Mwanambala)

Cette année, notre pèlerinage à Namugongo aura lieu un peu moins de deux mois après celui que certains d'entre nous ont fait en allant à Rome pour assister à la cérémonie de la canonisation des deux papes : Jean XXIII et Jean Paul II. Beaucoup d'entre nous n'ont pas eu la chance d'aller là-bas pour cet événement, mais ont pu néanmoins, grâce à la technologie moderne, suivre la cérémonie sur leurs écrans de télévision! Pour cela, nous rendons grâce à Dieu ! Ces deux papes partagent des liens avec les Saints Martyrs de l'Ouganda dont la foi et l'héroïsme sont les plus importantes raisons de notre pèlerinage, de notre méditation et de notre réflexion en ce jour.

Jean XXIII est mort le 3 juin 1963, date à laquelle la majorité des martyrs (13 catholiques et 13 protestants) ont été brûlés et réduits en cendres à Nakiyanja et Namugongo (seul Charles Lwanga est mort plus tôt). Jean XXIII est donc décédé, jour pour jour, soixante-dix-sept ans après nos Saint Martyrs. Ce pape a été l'instrument que Dieu utilisa pour ouvrir les fenêtres de l'église et élargir son influence de par le monde, grâce au Concile de Vatican II qu'il avait convoqué. L'un des premiers fruits de ce Concile, avant même qu'il soit conclu, a été la canonisation de nos Martyrs. Comment oublier ce grand évènement.

Ce jour-là, dans la Basilique Saint-Pierre, les " Tam-Tam Africains Diaboliques " se transformèrent en " Saints Tambours Africains ", dignes de glorifier et de louer le Dieu de Jésus Christ au cœur même de l'Eglise Catholique Romaine et ce pour la première fois de son histoire ! Donc, en quelque sorte, nous pouvons dire que, Saint-Jean XXIII a été le précurseur qui a préparé la voie à cette canonisation 44 ans après leur béatification (le 6 juin 1920). Au moment où j'écris cet article, nous arrive la nouvelle annonçant la date (19 octobre 2014) de la béatification du pape Paul VI qui a canonisé nos Martyrs il y a 50 ans (18 octobre 1964) ! Ils étaient les premiers saints qu'il a canonisés au cours de son pontificat.

Pour Jean Paul II, il y a au moins deux occasions qui le relient à ces Martyrs qui sont l'objet de notre réflexion. Le premier événement a été la célébration du centenaire de leur martyre en 1986. À cette occasion, le Pape envoya un admirable message à tous les fidèles de l'Ouganda pour les encourager et les soutenir dans leur foi chrétienne. Dans cette lettre apostolique, il nous dit que comme les Martyrs, nous aussi, et plus particulièrement les jeunes, nous sommes " forts pour le combat... "

La deuxième fois, c'était au cours de sa visite en Ouganda et en particulier sa rencontre avec les jeunes au stade de Nakivubo (6 février 1993), la veille du jour il célébra l'Eucharistie au sanctuaire des Martyrs à Namugongo. Rappelons-nous que Nakivubo est, dans notre pays, le Lieu Saint où a été versé, pour la première fois, le sang d'un martyr catholique ougandais, Joseph Mukasa Balikuddembe (15 novembre 1885). Cet endroit n'avait donc pas été choisi par hasard pour la rencontre du pape avec les jeunes. Toutes les exhortations écrites par Jean Paul II, sont toujours d'actualité pour nous. Je vous invite donc à prendre du temps et de méditer sur ces textes (voir les textes).

Au cours de son mandat apostolique, Jean Paul II a toujours été très préoccupé par le sort des jeunes. Ce souci des jeunes , on le retrouve en grande partie dans cette Journée Internationale de la Jeunesse qu'il nous donnée en héritage et lancée pour la première fois en 1984.Cette rencontre des jeunes a été officiellement institué en 1985 et suivie en 1986 par la toute première JMJ. C'est cet héritage que je vous propose en guise de méditation et de réflexion à l'occasion du pèlerinage de cette année. Même si mes références sont particulières à l'Ouganda, je suis sûr qu'elles reflètent les mêmes réalités des jeunes d'ailleurs, notamment ceux d'Afrique qui ont reçu Saint Charles Lwanga comme saint patron.

Le nombre de jeunes en Ouganda a beaucoup augmenté ces dernières années, et leur sort est malheureusement très alarmant ! Oui, c'est vraiment triste, surtout si cet accroissement, comme on l'affirme, n'est pas le fruit du désir d'avoir plus d'enfants (c'est plutôt le contraire qui semble être le cas), mais bien le fait d'un haut niveau de grossesses non désirées ! Les statistiques sont très inquiétantes et appellent à une action concertée immédiate, aujourd'hui, pas demain ! Le souci passionné pour la jeunesse qu'avait Jean Paul II ne doit pas seulement être notre préoccupation et notre priorité, il doit être notre " devoir sacré ".

Penchons-nous maintenant, brièvement, sur quelques-unes de ces statistiques pour avoir une idée générale de la gravité de la situation. L'Ouganda est réputé comme ayant la plus jeune population du monde avec 78 % de moins de 30 ans. Le rapport du recensement de la population fait par le Gouvernement ougandais en 2012 signalait que : 52 % des gens avaient moins de 15 ans ; 39,3 % étaient âgés de 19 à 59 ans ; 4,6 % avaient plus de 60 ans. Maintenant, le tout est de savoir qui sont les jeunes ? Pour l'ONU, ils sont ceux âgés de 15 à 19 ans ; pour le Commonwealth les 15 à 29 ans ; et pour le Programme National de La Jeunesse Ougandaise, ils sont ceux âgés de 12 à 30 ans. Quant est-il de leur emploi ? Une étude réalisée cette année montre que 62 % des jeunes ougandais sont au chômage et que la plupart d'entre eux résident dans les zones urbaines. Une autre étude montre que 83 % des jeunes n'ont pas de gagne-pain formel. Un autre rapport indique aussi que chaque année il y a une moyenne de 400,000 jeunes qui arrivent sur le marché du travail, mais que pour eux, il y a seulement 9,000 places disponibles ! Les chiffres dans le domaine de l'éducation montrent que, oui, plus de jeunes vont à l'école, mais que par contre, le nombre d'abandons scolaires est important et ceci sans mentionner la pauvre qualité de l'enseignement surtout dans les écoles sous le régime de " L'éducation primaire pour tous. " (en anglais, Universal Primary Education - UPE).

Vous aussi êtes forts pour le combat

Cette situation inquiétante de notre jeunesse n'est pas sans causes. Aucune situation n'atteint un tel niveau en une seule nuit. Ces raisons sont multiples. Il y a 29 ans, Jean Paul II nous en a fait une démonstration magistrale tandis qu'en même temps, il nous confirmait que, comme les Martyrs de l'Ouganda, nous avons la force pour y faire face:

" Comme eux, vous aussi êtes forts pour le combat : pas pour une lutte les uns contre les autres au nom d'une idéologie ou d'une pratique séparée des racines mêmes de l'Evangile, non, mais forts pour la lutte contre le mal : contre tout ce qui offense Dieu, contre chaque exploitation, contre chaque mensonge et tromperie, contre l'injustice et contre tout ce qui offense et humilie, contre tout ce qui profane la dignité humaine et les rapports entre les hommes, contre tous les crimes, contre le don sacré de la vie humaine : contre tous les péchés. A l'horizon, c'est à vous qu'incombe le devoir de construire la nouvelle nation ougandaise. Edifiez-la sur les fondements de l'amour, de la réconciliation et de la vraie justice. Prenez vos responsabilités, car l'avenir de votre pays repose sur vous. Placez votre espérance en Jésus-Christ. Il vous rendra capables d'accomplir votre tâche de bâtir un monde meilleur, libre de la violence, de la discrimination et de l'injustice. " (Message à l'occasion du centenaire des martyr en 1986.)

Le message que nous pouvons tirer des statistiques évoquées ci-dessus, c'est que nous devons prendre nos responsabilités au sérieux afin de sauver notre jeunesse et notre pays. Ces statistiques ne prédisent pas " un meilleur Ouganda, sans violence ", mais bien le contraire.

Les occasions ne sont pas toutes perdues.

Un certain rapport d'une étude sur les jeunes en Ouganda a été intitulé: "L'occasion perdue ". Il est tout à fait vrai que bien des occasions ont été perdues pour nos jeunes, mais TOUTES LES OCCASIONS NE SONT PAS PERDUES !

L'histoire des Martyrs et les histoires personnelles de Jean XXIII et de Jean Paul II nous incitent à ne jamais perdre espoir dans ce qui semble parfois être des situations désespérées. Le témoignage de leur vie nous montre que rien n'est complètement perdu pour ceux qui croient en un Dieu Vivant, tel qu'il nous fut révélé par la vie et les enseignements de Jésus Christ. En se servant d'un vieil homme tel que Jean XXIII, (il est devenu pape à l'âge de 77 ans), Dieu parvint à insuffler une nouvelle vie dans l'Eglise et à travers elle dans le monde entier. Cette même histoire se répète encore aujourd'hui avec ce cadeau du ciel qu'est le Pape François ! Grâce à la contribution de Jean Paul II, des "murs" inébranlables (cf. le mur de Berlin, communisme), qui séparaient les peuples les uns des autres, furent complètement
détruits !

Le message de Jean Paul II aux fidèles de l'Ouganda et à sa jeunesse en particulier, était, et est toujours un appel à ne pas céder au défaitisme, à l'indifférence, au désespoir et à la résignation. Dans ce discours, Il nous invite à croire en nous-mêmes, à être convaincus que nous sommes en mesure d'apporter des changements pour le mieux autour de nous et que cette mission n'est pas impossible. Dans son message, le Pape fondait cette conviction dans la vie et la mort de nos ancêtres dans la foi, les Saints Martyrs de l'Ouganda, dont beaucoup étaient des jeunes hommes. Ce sont eux qui doivent être nos modèles dans cette lutte contre les causes qui ont jeté notre jeunesse et notre pays dans cette épouvantable situation actuelle.

L'espoir naitra via une action concertée.

Les jeunes appartiennent à des familles, (je veux parler de la famille dans le sens africain du terme) et à la nation, pas aux gouvernements. Les gouvernements vont et viennent, tôt ou tard ils ne sont plus là ! Il n'en va pas de même avec les familles et les nations. Cela signifie donc que le " devoir sacré " de sauver nos jeunes incombe en premier lieu aux familles et autres associations de genre humanitaire, socioculturel et religieux qui sont plus stables et plus soucieuses de la protection et de la promotion du bien commun ; les jeunes étant le plus précieux des éléments constitutifs de ce bien commun. Ces groupes caritatifs ne doivent pas seulement travailler main dans la main avec le gouvernement, ils doivent aussi, unis à tous les autres, devenir des collectivités qui font pression sur le gouvernement afin que celui-ci se préoccupe des jeunes en faisant pour eux des plans viables et à long terme, sans oublier d'en assurer le suivi .

De plus, les jeunes eux-mêmes doivent être activement impliqués dans la planification et la mise en œuvre de ces projets pour la jeunesse. A ce sujet, le message de Jean Paul II est très clair: " J'invite, les fidèles de l'église d'Ouganda et en particulier les jeunes, à penser à ces 22 Martyrs, ces solides et robustes jeunes gens. Vous, comme eux, vous êtes forts pour le combat ".

Sur les traces de Charles Lwanga

Le 22 juin 1934, le Pape Pie XI, déclarait le bienheureux Charles Lwanga " Patron spécial (intercesseur auprès de Dieu) de la jeunesse africaine de l'Action catholique ". C'était en réponse à la demande des leaders de l'église d'Afrique orientale, centrale et occidentale. Dans la même lettre, le pape décrétait que la fête du bienheureux Charles Lwanga et des autres Martyrs serait désormais célébrée le même jour dans tous les pays de mission.

Pourquoi Charles Lwanga ? Ce jeune homme avait environ 25 ans, c'était un leader né, doublé d'un travailleur acharné. Il était aussi le protecteur des jeunes pages les défendant contre ceux qui voulaient les entrainer à participer à des actes immoraux. Lwanga lui-même était bien connu pour sa vertu de chasteté. Dans ses écrits, le Père Lourdel dit de lui:

"Ce jeune homme, à peine âgé de vingt ans, s'était fait instruire de notre Ste Religion avant notre départ du Buganda en 1882. Depuis, il avait toujours été d'une conduite exemplaire, exerçant la meilleure influence sur les jeunes pages qu'il avait sous lui, toujours prêt à leur rendre service; il ne regrettait rien tant que, lorsque forcé par les devoirs de sa charge, il leur avait causé quelque désagrément. Sa probité et son exactitude dans l'accomplissement de ses fonctions lui avaient mérité l'estime et la confiance du roi....Il y a presque un an, ....(Lwanga) avait reçu avec le nom de Charles le Sacrement régénérateur après lequel il soupirait depuis si longtemps. Animé d'une nouvelle vie, il soutenait et fortifiait par ses paroles et ses exemples les pages chrétiens que le roi avait dès lors commencé à menacer de la peine de mort s'ils ne laissaient pas leur religion. (Lettre au Cardinal Lavigerie, Lubaga 4 novembre 1886)

C'est sur les traces de ce modèle que nous nous engageons à cette noble mission de sauver notre jeunesse. L'appellation " Action catholique " ne devrait, en aucun cas, être une barrière à prendre Charles Lwanga comme notre exemple, à tendre la main aux jeunes, même ceux qui ne sont pas catholiques romains ! Avant et après la condamnation à mort des " Basomi " à Munyonyo, Lwanga s'est toujours détaché très clairement comme le leader de tous, Catholiques et Protestants. Le défi qui nous occupe ici, ne concerne pas seulement les catholiques ou les autres chrétiens, mais toute la jeunesse de notre pays.

Je conclus avec ces mots de Mapeera au sujet de Saint Charles Lwanga :

"Les restes de son corps que le feu avait épargnés demeurèrent privés de sépulture jusqu'au 2 novembre. Deux néophytes, malgré les dangers auxquels ils s'exposaient, allèrent la nuit recueillir les restes du martyr qu'ils nous apportèrent à la mission (c-à-d., Nalukolongo). Nous les avons pieusement déposés en lieu convenable avec l'écrit en constatant l'authenticité.

Puissent ces précieux restes d'un des premiers martyrs du Buganda nous animer d'un nouveau courage pour travailler avec plus d'ardeur à la conversion de ce peuple en nous rappelant que Dieu peut, quand il le veut, susciter des pierres même des enfants d'Abraham." (même lettre)

Puisse St-Charles Lwanga intercéder pour nous et pour le succès de cette mission.

Nnyombi Richard, M. Afr.

Message, Centenary of Uganda Martyrs, 21st May 1986
http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/speeches/1986/may/documents/hf_jp-ii_spe_19860521_chiesa-ugandese_en.html
Speech to Youth, Nakivubo 6th February 1993
http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/speeches/1993/february/documents/hf_jp-ii_spe_19930206_giovani-kampala_en.html
Homily Namugongo 7th February 1993
http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/homilies/1993/documents/hf_jp-ii_hom_19930207_kampala_en.html

1 . Voir aussi Nabulagala 1879-1882
2. OUR ANCESTORS IN THE FAITH
3.
* Plus au sujet de la fête des Martyrs de l'Ouganda / * More about the feast of the Uganda Martyrs
4 * 06-06-2008 Ouganda : Grande participation à la fête des Martyrs d’Ouganda
5 : - Album photos : Canonisation des 22 Martyrs de l'Ouganda 18 Octobre 1964 au Vatican
* - Album photos : Canonization of the 22 Uganda Martyrs 18th October 1964 at St Peter's
6 .
* le 12 Mai 1890 : Décès du Père Lourdel M.Afr , Apôtre des Baganda (Stefaan Minnaert M.Afr)
7.
* Rêve pour une nouvelle Ere de Grâces et de Bénédictions pour l'Ouganda, Fête des Martyrs de l'Ouganda, le 3 juin 2012 par le P. Richard Nnyombi M.Afr.
8. * * "Soyons courageux comme nos ancêtres les Martyrs de l'Ouganda": Fête des Martyrs de l'Ouganda, le 3 juin 2011 par le P. Richard Nnyombi M.Afr.