DIOCESE DE LAGHOUAT - GHARDAIA .
BILLET MENSUEL Juin 2014

le 11 juin 2014

Bien chers amis.

Voici quelques jours, le 1er juin, nous faisions mémoire de Michel Gagnon, mon prédécesseur, décédé soudainement voilà 10 ans chez un de ses grands amis d’El Bayadh. Rien ne laissait présupposer une fin si rapide, même si l’on sentait chez lui une longue et profonde fatigue. Il avait voulu se faire accompagner pour cet ultime voyage de Pentecôte par un jeune stagiaire, Dieudonné. Mais qui pouvait prévoir qu’il aurait été emporté en pleine course, comme un cavalier infatigable sur son cheval ?

Permettez-moi quelques réflexions plus personnelles. Il m’avait confié une année plus tôt (j’étais alors Provincial des Pères Blancs) son intention d’écrire à la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples, pour donner sa démission, vu sa fatigue, son usure et sa grande difficulté à faire face maintenant à sa charge. Au regard de la rapidité donnée à la succession, j’en ai conclu plus tard que sa lettre avait effectivement été faite et prise en compte.

Lorsqu’il avait pris sa charge en 91, il m’avait « reconduit » comme vicaire général, et demandé de le rejoindre à Laghouat au moins pour la première année, me disant qu’après « il me tirerait de la naphtaline » pour une autre nomination. C’est donc pendant cette année là que j’ai appris à le connaître et à l’apprécier. Ce qui m’a le plus impressionné chez cet homme, c’est sa Foi ! Cela devrait aller de soi chez un évêque… mais elle était solide comme le roc, entière, sans fioriture, bien trempée dans la tradition de l’Eglise, et l’Ecriture. A Laghouat, il m’arrivait de concélébrer la messe avec lui. Nous avions renoncé à célébrer avec la communauté locale… c'est-à-dire à 6h30 du matin ! Michel travaillait tard dans la nuit et il était mieux de célébrer en fin de matinée. Je n’en étais pas du tout mécontent. A chaque messe célébrée, même avec moi tout seul comme « assemblée »… il faisait une bonne homélie ! C’est là que j’ai pu mesurer la solidité de cette Foi dont je viens de parler. Elle s’enracinait et dans la vie de l’Eglise et dans la vie des gens qu’il côtoyait, gens simples comme personnes plus intellectuellement équipés.

Un autre trait que je voudrais noter, c’est l’étendue de son savoir, un savoir qu’il n’étalait pas mais qui montrait une rare mémoire. Qui savait qu’il était un bon joueur de saxo ? Il aimait la musique : classique, jazz… et son répertoire était étonnant. C’est sans doute cela qui le tenait bien éveillé lors de ses longues traversées du désert. Je dois ajouter aussi sa grande connaissance de l’arabe, de l’islamologie, de l’histoire musulmane. Il avait une culture générale étonnante. Il me plaisait lors de nos grandes randonnées de le faire parler (au volant, il s’y prêtait volontiers !) et j’ai pu ainsi repasser tous mes cours suivis au PISAI quelques années auparavant. Ce savoir était parsemé d’humour, ce qui donnait du piquant à ses propos. Humour qu’il ne craignait d’ailleurs pas d’appliquer à lui-même… signe des grands hommes !

Michel aimait les Musulmans, avec ce sens critique qui n’en voilait pas les limites. Mais il les aimait ! J’ai reçu après sa mort des témoignages bouleversants de cette amitié, qui touchaient aussi bien les lettrés que les petits. Avec les uns et les autres, il tenait le langage approprié, laissant parler son cœur aussi bien que son intelligence.

J’ajouterais qu’il était « homme de devoir » dans le sens noble du terme. Pendant la longue « décennie noire », il ne s’est jamais dérobé lorsqu’il fallait prendre la route pourtant parfois dangereuse… Inconscience ? Ou plutôt grande conscience de son devoir de pasteur ?

Michel, tu étais l’homme « des grands espaces et des vastes horizons ». Je ne t’imagine pas figé dans un Paradis que tu n’as pas démérité. Je te vois, parcourant le vaste Univers, circulant entre les étoiles, toujours habité par l’Amour de ce Dieu Grand et Beau qui a rempli ta vie. Un ami m’écrivait ces jours-ci en parlant de toi. Tout est dit en ces quelques mots :

« Pas un jour qui ne passe sans avoir au moins une occasion qui me ramène à Michel, cet homme de Dieu qu'il m'a été donné de connaitre, de côtoyer, et de tant apprécier...Cet HOMME au sens plein du terme, avec son sens du partage, son humour sur lui-même, son intelligence si vive, son regard sur les choses simples, son regard sur ses limites.... une vraie école ! »

+ Claude, votre frère évêque.