Mali : guerre d’influence entre Paris et Moscou autour du renouvellement de la Minusma
Ce mercredi 29 juin, le Conseil de sécurité des Nations unies a voté en faveur du renouvellement du mandat de sa Mission multidimensionnelle intégrée pour la stabilisation au Mali (Minusma). Mais le scrutin a fait l’objet d’un face-à-face tendu.
Des semaines de spéculation et une âpre lutte d’influence. Dans les couloirs des Nations unies à New York, le Conseil de sécurité de l’ONU a finalement voté, ce mercredi 29 juin, le renouvellement du mandat des Casques bleus déployés au Mali depuis 2013.
La mission onusienne de maintien de la paix est ainsi prorogée d’un an, s’étirant jusqu’au 30 juin 2023. Au deuxième étage du siège des Nations unies, treize pays, dont la France, les États-Unis, le Gabon ou encore le Ghana ont voté en faveur d’un renouvellement. Seules la Russie et la Chine se sont abstenues.
Face-à-face
Un renouvellement qui, jusqu’à quelques jours avant le vote, n’était pas joué d’avance tant deux blocs s’affrontaient. D’un côté, Paris, appuyé par les États-Unis, a plaidé en faveur d’un renforcement des prérogatives de la Minusma en matière des droits de l’homme, face à la multiplication des accusations d’exactions.
« Pour que la Minusma puisse poursuivre son mandat, il est nécessaire que les autorités de transition maliennes prennent aussi leurs responsabilités, qu’elles permettent à la Mission d’accéder à ses zones d’action, et qu’elles poursuivent le dialogue avec la Cedeao en vue d’un retour à l’ordre constitutionnel », a ainsi plaidé Nicolas de Rivière, représentant permanent de la France aux Nations unies.
En face, Moscou, soutenu par Pékin, a estimé que « ce [n’était] pas le moment de donner de nouvelles attributions à la Minusma, surtout si celles-ci vont au-delà du simple maintien de la paix ».
En creux, la Russie, dont le discours fait écho à celui du gouvernement malien, pointe la division des droits de l’homme de la mission onusienne, dont elle conteste la légitimité. Cette dernière est notamment chargée de mener des enquêtes auprès des populations et de rapporter les violations des droits humains qui pourraient avoir lieu.
Enquête sur des massacres
Depuis la fin de l’année 2021 et l’arrivée sur le territoire malien de plusieurs centaines de mercenaires du groupe paramilitaire Wagner, l’armée malienne est régulièrement accusée d’exactions. Des accusations sur lesquelles la Minusma a été empêchée d’enquêter à plusieurs reprises, comme ce fut le cas à Moura, dans le centre du pays, où les Forces armées maliennes (Fama) sont suspectées d’avoir tué près 200 civils.
Se disant favorable au renouvellement du mandat de la Minusma, le gouvernement malien a toutefois exprimé de « fortes réserves ». Au premier rang desquelles une « opposition ferme à la liberté de mouvement de la Minusma dans l’exécution de son mandat dans le domaine des droits de l’homme ».
Devant le Conseil de sécurité, Issa Konfourou, représentant permanent du Mali aux Nations unies, a ainsi exhorté la Minusma à se consacrer « aux tâches prioritaires […], à savoir l’appui à la restauration de la sécurité et de l’autorité de l’État sur l’ensemble de [son] territoire ».
« Le gouvernement du Mali estime que les enquêtes sur les allégations de violations des droits de l’homme relèvent de la responsabilité principale des autorités maliennes. La Minusma a vocation à leur apporter l’assistance nécessaire à cet égard. Elle n’a pas vocation à se substituer au gouvernement du Mali », a martelé le diplomate, expliquant que Bamako n’exécuterait pas les dispositions prévoyant la libre circulation des enquêteurs onusiens.
« Agendas cachés »
Cette déclaration fait écho aux propos d’Abdoulaye Diop. Le 13 juin, le chef de la diplomatie malienne faisait état devant le Conseil de sécurité des Nations unies de ses inquiétudes de voir les enquêtes sur les droits de l’homme « politisées et instrumentalisées […] pour des agendas cachés ». En rupture politique avec la France, le gouvernement malien se dit en effet l’objet d’une campagne de « dénigrement » visant à « décourager » l’armée malienne dans sa mission.
Outre la question des droits de l’homme, qui sera au centre des attentions onusiennes au cours de ce nouveau mandat, la mission des Casques bleus ne fait l’objet d’aucun changement majeur. Elle devra tout de même se passer de l’appui aérien de la force française Barkhane. Alors que cette dernière devrait achever son désengagement du Mali d’ici le mois d’août, l’autorisation donnée aux forces françaises d’appuyer les Casques bleus a été supprimée, à la demande du gouvernement malien.