Mali : le gouvernement cherche-t-il à pousser la Minusma au départ ?

Quatre jours après l’arrestation de 49 militaires ivoiriens, considérés comme des « mercenaires » par Bamako, les arrivées et départs de Casques bleus déployés dans le pays sont suspendus jusqu’à nouvel ordre.

Mis à jour le 15 juillet 2022 à 14:11

 

Des soldats de la Minusma défilent à Bamako lors du 58e anniversaire de l’indépendance du Mali, le 22 septembre 2018. © MICHELE CATTANI/AFP

 

Ce jeudi 14 juillet, Bamako a annoncé la suspension de « toutes les rotations de contingents militaires et policiers » de la Minusma. Une décision à effet immédiat, précise le ministère malien des Affaires étrangères, laquelle s’appliquera jusqu’à la tenue d’une « réunion de coordination entre les structures maliennes et la Minusma [visant à] dégager un plan optimal permettant de faciliter la coordination et la réglementation de la rotation des contingents ». La date de cette réunion n’a pas encore été fixée.

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Avec quelque 13 000 Casques bleus déployés (dont plus de 12 000 militaires), la Minusma compte une cinquantaine de nationalités différentes, avec des contingents généralement relevés tous les six mois ou tous les ans.

Cloués au sol

Selon nos informations, la mesure prise par le gouvernement malien cloue temporairement au sol près de 3 500 policiers et militaires dont les rotations étaient prévues au cours des trois prochains mois. Le calendrier de ces rotations avait été transmis aux autorités maliennes.

La mesure prise par Bamako vient s’ajouter à des blocages antérieurs, décidés en réponse aux sanctions de la Cedeao (finalement levées le 3 juillet) et qui ont empêché certains contingents ouest-africains d’être relevés depuis le mois de janvier.

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Surtout, elle intervient quatre jours à peine après l’interpellation, dimanche 10 juillet, de 49 soldats ivoiriens à l’aéroport de Bamako. Accusés par les autorités d’être des « mercenaires » venus déstabiliser le pays, ces militaires sont présentés par Abidjan comme des éléments nationaux de soutien (NSE) déployés au Mali « en vertu d’une convention signée, en juillet 2019, entre la Côte d’Ivoire et l’Organisation des Nations unies, et conformément à un contrat de sécurisation et de soutien logistique signé avec la Société Sahel Aviation Service (SAS) ».

Confusion

Mais le flou demeure quant au contrat qui encadre leur présence à Bamako. Les Nations unies, qui ont dans un premier temps confirmé l’appartenance des soldats ivoiriens aux NSE, sont finalement revenues sur leur déclaration ce jeudi 14 juillet. « Les troupes ivoiriennes n’appartiennent pas aux forces de la Minusma. Une requête de la Côte d’Ivoire pour déployer des éléments nationaux de soutien a été approuvée en 2019. Cependant, aucune troupe n’a été déployée sous cette convention depuis ce moment-là », a assuré Fahran Faq, porte-parole de l’ONU.

Ces soldats ivoiriens sont pourtant bien déployés pour sécuriser la base de la Minusma de l’aéroport de Bamako, gérée par la société privée SAS. Une négligence administrative ou un contournement procédural, dont on ignore pour l’instant les détails, pourrait être à l’origine de la confusion.

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Pour de nombreux observateurs, les actes posés par les autorités maliennes visent à pousser la Minusma au départ. Le scénario n’est pas sans rappeler le bras de fer qui a longuement opposé Bamako et Paris, et qui a abouti au retrait des forces françaises déployées au Mali depuis 2013 – dont les derniers éléments doivent partir d’ici à septembre.

Depuis des mois, les manifestations pro-transition ont vu fleurir les slogans anti-Minusma, aux côtés de ceux accusant la force Barkhane de terrorisme. Le mouvement Yerewolo-Debout sur les remparts, chantre de l’anti-impérialisme au Mali, a d’ailleurs annoncé sa volonté de battre le pavé, dans les semaines à venir, afin d’exiger le départ des Casques bleus.