Sénégal : Macky Sall obtient sa majorité absolue in extremis grâce à Pape Diop

L’ancien maire de Dakar Pape Diop a rallié le pouvoir ce jeudi soir. Un choix décisif, puisqu’il permet au camp présidentiel d’obtenir 83 sièges, soit la majorité absolue.

Par  - à Dakar
Mis à jour le 12 août 2022 à 12:50 
 

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Le président sénégalais Macky Sall , le 3 juillet 2022. © REUTERS/Francis Kokoroko

 

La majorité présidentielle a-t-elle finalement remporté le sprint final dans la course au coude-à-coude qui l’oppose depuis plusieurs jours à ses adversaires ? Selon les résultats définitifs des élections législatives du 31 juillet, publiés ce 11 août peu avant minuit par le Conseil constitutionnel, la coalition présidentielle Benno Bokk Yakaar (BBY) obtient 82 députés, parmi les 165 qui composent l’Assemblée nationale.

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Confirmant les résultats provisoires de la Commission nationale de recensement des votes (CNRV) publiés le 4 août, la coalition au pouvoir était donc à un siège de rétablir sa majorité absolue à l’Assemblée, menacée par la percée de l’opposition dans les urnes. C’était sans compter le ralliement de Pape Diop aux côtés de Macky Sall, habilement annoncé à quelques heures seulement de la publication de la décision du Conseil constitutionnel.

La conversion du président du parti Bokk gis gis porte donc à 83 le nombre de parlementaires alliés au chef de l’État, contre 80 pour l’inter-coalition Yewwi Askan Wi – Wallu Senegal.

Nouveau ralliement pour Macky Sall

Déjà considérée comme acquise par certains membres de la majorité dès la publication des résultats provisoires, la conversion de Pape Diop n’a pas surpris non plus dans les rangs de l’opposition. De quoi conforter Ousmane Sonko, qui avait accusé ses adversaires dans l’opposition de travailler pour Macky Sall au cours de la campagne électorale.

L’ancien maire de Dakar ne faisait pas mystère de sa proximité avec Macky Sall, avec qui il a milité de nombreuses années au sein du Parti démocratique sénégalais (PDS). Interrogé à ce sujet par Jeune Afrique en juin dernier, Pape Diop n’excluait déjà pas la possibilité de rejoindre le pouvoir. « Tout dépendra de la configuration de l’Assemblée, jaugeait alors le responsable politique. C’est à ce moment-là que l’on pourra se décider. En politique, mieux vaut rester prudent. »

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Avec le ralliement de son ancien camarade libéral, Macky Sall continue donc d’œuvrer à progressivement recruter tous les anciens compagnons de l’ex-président Abdoulaye Wade dans ses rangs. Ce jeudi 11 août au soir, le président de Bokk gis gis a néanmoins assuré avoir pris sa décision « sans discussion aucune avec la coalition au pouvoir » et « en toute responsabilité » dans le seul but de « préserver la stabilité du Sénégal », qui serait menacée par la possibilité d’une cohabitation avec l’opposition.« Vu la nature présidentielle de notre système politique, une Assemblée nationale placée sous le contrôle de l’opposition débouchera forcément sur une crise institutionnelle », a-t-il déclaré devant la presse.

Recours rejeté

De son côté, l’inter-coalition Yewwi Askan Wi-Wallu Sénégal entend toujours imposer à Macky Sall la cohabitation à l’Assemblée nationale. La formation a pourtant renoncé à contester les résultats des élections devant la justice. Le seul recours présenté par l’un des candidats, tête de liste de la coalition Naatangué askan wi, a lui été rejeté par les sages. Seikh Alassane Sène, qui estimait avoir été lésé d’un siège au profit de la coalition au pouvoir sur la liste nationale proportionnelle, a été débouté de sa requête.

« Nous n’avons pas confiance dans le Conseil constitutionnel », insiste Déthié Fall, l’un des responsables de l’inter-coalition, rappelant que l’institution avait été à l’origine de l’invalidation de sa liste nationale titulaire. Mais le député sortant maintient ses accusations de fraude. « Nous avons relevé des irrégularités dans quatre départements et demandé à consulter les caisses de procès-verbaux, ce qui nous a été refusé par le président de la commission. Il s’est alors précipité pour publier les résultats provisoires », dénonce Déthié Fall. Les départements concernés sont tous situés dans le Nord du pays, dans des zones considérées comme acquises à Macky Sall.

Mouchoir de poche

À la lecture des résultats définitifs, BBY semble donc l’emporter dans un mouchoir de poche devant ses adversaires – une victoire qui constitue un net recul pour le pouvoir, qui perd donc une cinquantaine de députés par rapport à la législature précédente. En accueillant Pape Diop dans ses rangs, Macky Sall peut toutefois se targuer de sauver les meubles.

CERTAINS BASTIONS SONT TOMBÉS ET NOUS NE NOUS Y ATTENDIONS PAS

Au lendemain du scrutin du 31 juillet, ses partisans s’étaient réveillé groggy face à la percée de l’opposition. « Il y a eu un problème d’investitures, avançait alors un cadre de BBY, révélant une fois encore les divisions qui prévalent au sein de la coalition présidentielle. Certains bastions sont tombés et nous ne nous y attendions pas. » « Notre victoire est entachée par le succès de l’opposition dans les grandes villes », assurait un second membre de l’entourage présidentiel.

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Quelle incidence aura ce recul de la coalition au pouvoir sur les rapports de force politiques, à un an et demi de la prochaine présidentielle ? Les leaders de l’opposition, dont beaucoup ont été empêchés de concourir, disent se resigner à voir leurs suppléants siéger devant une Assemblée « très mal élue » et des sièges de députés que le pouvoir a « indument gagnés ».

« Macky Sall est passé de plus de 130 députés à 82 aujourd’hui. Il devrait tirer toutes les conséquences de son impopularité et penser à préparer son départ, et ne pas être dans de petits calculs qui ne lui serviront à rien », déclare Déthié Fall. Le député sortant, lui, assure continuer à « travailler résolument à faire à dominer l’inter-coalition à l’Assemblée ».