Charles III, un homme de son temps 

Analyse 

Le nouveau roi, souvent mal-aimé des Britanniques, promet, à 73 ans, d’« agir » et tout d’abord de moderniser la monarchie. Il y va de la survie de la Couronne.

  • Agnès Rotivel, 

 

Charles III, un homme de son temps
 
Le 23 juin 2022, le prince Charles s’exprime lors d’un sommet réunissant les gouvernements du Commonwealth, au Rwanda.SIMON MAINA/AFP

Il portera désormais la couronne. Après les hommages dus à sa mère et ses funérailles, Charles III sera la nouvelle figure du royaume avec sa femme, Camilla, reine consort, et non pas seulement sur les timbres et les billets de livre sterling. C’est lui que les Britanniques honoreront dans l’hymne national, qui, pour la première fois depuis 1952, devient God Save the King.

Un prince honni

Charles est probablement celui que les Britanniques connaissent le moins et qu’ils ont aimé conspuer, voire détester. Ses déboires familiaux, sa mésentente avec Diana suivie du divorce et de sa mort, sa relation avec Camilla en ont fait un prince honni. Combien demandaient alors ouvertement que la succession saute une génération et passe directement à William, son fils ?

Mais l’eau a coulé sous les ponts de la Tamise. Charles succédera officiellement, samedi 10 septembre, à Elizabeth II sa mère, comme le veut la tradition. Il n’a pas renoncé à régner comme il aurait pu le faire, à l’image de son oncle Édouard VIII. À 73 ans, c’est un roi âgé qui aura un règne court en perspective.

Ses problèmes familiaux sont derrière lui, et son mariage avec Camilla l’a apaisé. Sa personnalité s’est affirmée. Autant sa mère se faisait un devoir de ne porter aucun jugement sur les affaires de l’État et ne rien montrer de ses sentiments, autant Charles est bavard et, quand il a des choses à dire, il parle.

Une nation qui doit se réinventer

Charles arrive au pouvoir alors que le Royaume-Uni n’est plus depuis longtemps l’« empire sur lequel le soleil ne se couche jamais » que sa mère a connu. La nation britannique est désunie, elle s’est éloignée de l’Europe et doit se réinventer un avenir dans le monde. Au titre de monarque, ses fonctions s’étendent sur un Commonwealth fragilisé, dont il est le chef. Une association de 56 pays indépendants et de 2,4 milliards de personnes – il est le chef d’État de 14 d’entre eux – dont une partie a déjà rejeté la Couronne en devenant des républiques, le reste envisage sérieusement de le faire.

On sait ce qu’il en pense. Il l’a dit ouvertement le 24 juin dernier, à Kigali, au Rwanda, en ouverture de la réunion des dirigeants du Commonwealth. « Je tiens à dire clairement, comme je l’ai déjà dit, que le régime constitutionnel de chaque membre, en tant que république ou monarchie, relève uniquement de la décision de chaque État membre », exprimant aussi sa « tristesse » pour le passé esclavagiste de la Grande-Bretagne. Charles est un homme de son temps.

Un homme qui dit ce qu’il pense

Lorsque le gouvernement Johnson lance le dispositif qui permet d’envoyer au Rwanda les migrants dont le Royaume-Uni veut se débarrasser, il le qualifie de « consternant », suffisamment fort pour que son opinion soit rapportée dans les médias. Sur l’architecture, l’une de ses passions, sur l’environnement – c’est un ardent défenseur de l’agriculture biologique, qu’il pratique sur ses terres – et la destruction de la planète, qui le préoccupent, il s’exprime, et les Britanniques ne lui en tiennent pas rigueur. Au contraire.

Certes, le monarque « est tenu de respecter les obligations non partisanes de la monarchie, inscrites dans la coutume et la pratique, au moins depuis les Hanovriens », rappelle l’éditorialiste du Guardian, Simon JenkinsLa Couronne doit aussi se garder d’être utilisée à des fins politiques. Comme Boris Johnson l’a tenté en 2019, en essayant d’impliquer la reine dans une prorogation illégale du Parlement, qui a été finalement rejetée, non par Buckingham, mais par la Cour suprême.

« Un polémiste ostentatoire »

Charles a déclaré à plusieurs reprises qu’il voulait être un « roi qui agit ». Il a déjà indiqué qu’une de ses priorités serait de « moderniser » la monarchie, en réduisant très rapidement la liste de la famille royale, afin d’assurer non seulement sa longévité, mais aussi son efficacité face à ses obligations. Les Britanniques approuveront sans aucun doute. D’autres réformes pourraient intervenir, il y va aussi de la survie de la Couronne.

Comme l’écrit encore Simon Jenkins, « le nouveau roi de Grande-Bretagne est un polémiste ostentatoire. À tout le moins, il est peu probable que son règne soit ennuyeux. »