Mali : à l’ONU, Abdoulaye Maïga enchaîne les coups contre la France et la Cedeao

Ce samedi 24 septembre, le Premier ministre malien a prononcé un discours très offensif à la tribune des Nations unies. Ses principales cibles : Paris, mais aussi les présidents ivoirien, nigérien et bissau-guinéen.

Par  - Envoyée spéciale à New York
Mis à jour le 24 septembre 2022 à 19:44
  

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Le Premier ministre malien, Abdoulaye Maïga, à la tribune de l’ONU, le 24 septembre 2022. © Anna Sylvestre-Treiner / Jeune Afrique

 

 

En théorie, chaque pays dispose de très exactement 15 minutes pour que son représentant prononce un discours à la tribune des Nations unies. Mais Abdoulaye Maïga s’en est octroyé 45… Qu’importe ce genre de convenances pour le Premier ministre malien.

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Devant une poignée de bruyants supporters, le chef du gouvernement de transition avait envie de se faire entendre, ce samedi 24 septembre. Il n’a retenu ni ses coups ni ses effets, et l’atmosphère d’ordinaire ouatée de la salle de l’Assemblée générale, à New York, est devenue tout à coup électrique.

« Des mercenaires »

Tout de go, dans son boubou blanc, il a entamé son discours en abordant le sujet le plus brûlant du moment, celui de la détention de 46 Ivoiriens dans son pays. Des « mercenaires », a-t-il répété malgré les dénégations d’Abidjan, qui ne cesse d’assurer que ces militaires venaient en mission pour la Minusma.

Ils ont « dissimulé leur identité en mettant sur leur passeport qu’ils étaient peintres ou maçons. Et cela dans le destin funeste de déstabiliser le pays. Si ce n’est pas possible à Lisbonne ou ailleurs, ça ne le sera pas à Bamako », a-t-il lancé.

Alors que, trente-six heures plus tôt, réunie en sommet extraordinaire à New York, la Cedeao a demandé la « libération immédiate et sans condition » des soldats en question, Abdoulaye Maïga a répondu que la menace de sanctions ne « l’impressionnait pas ». « Le peuple jugera sur les faits », a-t-il ajouté.

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L’opposition entre Bamako et Abidjan est plus que jamais frontale. Le Premier ministre malien n’a pas hésité à s’en prendre nommément au président ivoirien, conspuant son troisième mandat assimilé à « une manœuvre pour s’éterniser au pouvoir ».

La France, une « junte »

Alassane Ouattara n’était pas le seul dans le viseur d’Abdoulaye Maïga. António Guterres, le secrétaire général de l’ONU, Umaro Sissoco Embaló, le président bissau-guinéen et président en exercice de la Cedeao, ont tous deux été la cible d’acerbes critiques pour avoir dit que les soldats ivoiriens n’étaient pas des mercenaires. Autre personnalité sévèrement jugée par le Premier ministre malien : Mohamed Bazoum, le chef de l’État nigérien, taxé « d’étranger ».

LE MONDE SE SOUVIENDRA QU’APRÈS AVOIR ÉTÉ ABANDONNÉ EN PLEIN VOL, MON PAYS A ÉTÉ POIGNARDÉ DANS LE DOS

La France, qui est depuis plusieurs mois désignée comme son premier ennemi par les autorités maliennes, a quant à elle été qualifiée de « junte » par Abdoulaye Maïga, qui a répété le terme à plusieurs reprises. « Le monde se souviendra qu’après avoir été abandonné en plein vol, mon pays a été poignardé dans le dos par les autorités françaises », a-t-il déclaré, en faisant allusion au retrait des troupes françaises de l’opération Barkhane. Plusieurs fois, il a dénoncé « l’agenda caché » des puissances étrangères.

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Il a en outre annoncé avoir demandé, fin août, une réunion urgente du Conseil de sécurité pour sanctionner Paris. Et affirmé une nouvelle fois détenir des preuves de la violation de l’intégrité territoriale du Mali par la France, et de l’aide de cette dernière à des groupes terroristes.

« Des millions d’Assimi Goïta »

S’il a, en revanche, remercié l’Algérie pour son accompagnement, le Premier ministre n’a pas dit un mot de ses alliés russes, dont la compagnie privée Wagner combat désormais sur le terrain auprès des Forces armées maliennes (Fama).

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Enfin, aux accents vindicatifs a succédé un ton panafricaniste. « Nous promettons que vous ferez face à des millions d’Assimi Goïta, a-t-il déclaré en conclusion. Revoyez vos copies, vos modèles, vos logiciels. » S’adressant aux « nostalgiques de la domination », il a prévenu : « Pour chaque mot employé de travers, nous agirons par réciprocité. Pour chaque balle tirée contre nous, nous agirons par réciprocité. »