Le Brésil vient de vivre la Coupe du monde 2014 et sans doute que la plupart d’entre nous, en communauté, avons vibré à plusieurs reprises, surtout quand les équipes africaines affichaient leur volonté de vaincre, leur détermination à gagner. Certains parleront de passion et de partage, mais d’autres n’hésiteront pas à employer un mot du vocabulaire religieux : la communion.
C’est vrai, le Brésil est le plus grand pays catholique du monde mais qui connaît, depuis quelques années, une progression fulgurante des églises évangéliques. Certains joueurs de foot font même partie de l’association brésilienne évangélique des « Athlètes du Christ » !... et n’hésitent pas à afficher ouvertement leur foi sur le terrain. Quelles relations existent entre le ballon rond et la religion ?
Le 30 juin 2002, le soir de la finale de la 17ème Coupe du monde de football remportée par le Brésil contre l’Allemagne, le joueur brésilien Kaka arbore un tee-shirt sur lequel est inscrit « I belong to Jesus » (« J’appartiens à Jésus »). À la fin du match, il s’agenouille et prie devant des millions de téléspectateurs, avec deux de ses coéquipiers, Edmilson et Lucio.
Pourquoi une telle expression religieuse sur un terrain de jeu sportif ? « Le football est un sport où le collectif mène les hommes à une forme de communion et de partage qui peuvent soulever les passions et susciter l’adhésion et l’identification des supporteurs », expliquait il y a quelques mois Laurence Munoz, historienne du sport et maître de conférences à l’Université du littoral Côte d’Opale, au journal La Croix, en France. Ultra-médiatisé, le match de football est ainsi l’occasion, pour les joueurs, d’exprimer leur foi au grand public.
Si le Brésil connaît depuis quelques années une multiplication des mouvements évangéliques, attirant de plus en plus de fidèles parmi lesquels figurent de nombreux joueurs de football, le phénomène n’est pas propre au Brésil. L’Argentin Lionel Messi, quadruple ballon d’or, lèv e régulièrement les doigts vers le ciel pour remercier Dieu et fait parfois le signe de croix sur le terrain. L’Uruguayen Edinson Cavani est aussi un fervent croyant, membre du mouvement pentecôtiste de l’Église évangélique, et prie avant chaque match. Des musulmans pratiquants, disent prier dans les vestiaires avant chaque rencontre.
Denis Müller, professeur d’éthique et de théologie aux Universités de Genève et de Lausanne, en Suisse, auteur de l’ouvrage Le Football, ses dieux et ses démons, Éd. Labor et Fides (2008), écrit :
« La question est plutôt de savoir si le phénomène sportif en général, et le football en particulier, présente des analogies avec les pratiques et les rites de la religion. Là aussi, la réponse ne peut être que prudente. Les sociologues et les anthropologues du football ont pu montrer l' existence de corrélations. Le langage et l’attitude des supporters s’apparentent souvent à celui de la religion. Mais la comparaison a ses limites. Car la communion, dans le football, reste scindée en deux camps, même si l’on a pu dire que les spectateurs vibraient d'une commune passion pour la beauté du jeu. (…) Jusqu’ici, les manifestations religieuses dans les stades sont restées relativement mar ginales et liées aux individus. Plus intéressante est à mon avis la problématique des gestes d’imitation religieuse utilisés par les sportifs. On voit de plus en plus des équipes former un cercle pour se concentrer, notamment avant les tirs au but. C’est en quelque sorte une forme de méditation séculière.”
La coupe a été remise l'Allemagne au soir du dimanche 13 juillet 2014
Pour reprendre notre propos, certains diront : La messe est dite ! Cette magnifique expérience, malgré tout ce qu’on peut en dire, a suscité de beaux gestes et une grande fraternité. Nos communautés ont aussi vibré et discuté âprement des résultats. Que tout cela renforce notre capacité à partager un événement d’ampleur mondiale sans oublier tous les laissés pour compte de cette grande fête, au Brésil en particulier, mais ailleurs aussi. Que la télévision et tous les médias que nous utilisons de plus en plus, soient pour nous l’occasion de prendre conscience de tout ce qui interroge notre pratique dans les domaines de justice, paix et respect de la création. Et si notre vibration s’accordait à nos convictions ? Bon temps d’hivernage en espérant beaucoup de pluies là où on les attend, bon repos à ceux qui partent en congés ou prennent du temps pour souffler un peu avant la reprise en septembre-octobre.
Pères Ignatius Anipu et Luc Kola